C’est ce qu’essaie de faire un site espagnol (comme son nom ne l’indique pas… « The Objective ») que je ne connais pas, dans un article cité par Il Sismografo, mais dont il suffit de lire quelques lignes pour comprendre de quel bord il est. C’est très intéressant, vu du côté opposé, car cela permet de comprendre que François, avec ses propos fluctuant au gré des vents, imprécis, confus, souvent irréfléchis, mécontente même ses soutiens y compris à propos de l’homosexualité. Des soutiens qui le lâchent, parce qu’il ne va pas assez vite et assez loin à leur gré, et qui, spécifiquement dans l’hispanosphère, se demandent pourquoi il ne se rend pas dans son Argentine natale – allant jusqu’à mettre en cause son attitude durant la dictature.

Une radiographie idéologique du pape François

Luis Antonio de Villena
theobjective.com

Dans une récente interview avec l’Associated Press (enregistrée dans les bureaux du Vatican et en espagnol), le pape François nous assure, avec beaucoup de calme : « Nous sommes tous des enfants de Dieu. L’homosexualité n’est pas un crime. C’est un péché. Mais le manque d’amour pour son prochain est aussi un péché ».

Cette déclaration est-elle très moderne, très nouvelle ? Pour les personnes du monde occidental vivant à son époque, pour moi, les paroles de François ne sont pas nouvelles. Encore moins pour une personne LGBT consciente. Ils sont plutôt (quoique bien) démodés. Déjà en 1973 – tardivement – l’Association américaine de psychiatrie a rayé l’homosexualité de la liste des troubles mentaux. Et l’OMS l’a fait en 1990.

L’homosexualité n’est pas une maladie et il n’y a rien à guérir. Le pape, dans l’interview mentionnée plus haut, assure que la plupart des 50 pays qui condamnent encore l’homosexualité – y compris à mort – le font pour des raisons liées à leur propre culture. Le journaliste insiste : « Et l’Eglise est contre ». François répond :  » Oui, les évêques de ces pays font ce qu’ils peuvent… « . Il est vrai que, de manière plus informelle, dans un avion revenant du Brésil en 2013, François avait commencé son discours :  » Si une personne est gay, qu’elle cherche le Seigneur et qu’elle a de la bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? « .

Le pape François, qui a connu ces dernières années des années de silence (certains s’intéressaient à sa santé, il a 84 ans), a toujours dit des choses nouvelles pour le catholicisme rigoriste : il accueille l’homosexualité et les divorcés, par exemple, comme des enfants de l’Église, et son renoncement au faste papal et sa proximité avec les déshérités sont mieux connus. Comme je l’ai dit, tout cela peut sembler vieux (et ça l’est) pour une mentalité avancée, mais c’est très nouveau dans les vieux schémas et lois du catholicisme le plus orthodoxe.

« Réveillez-vous, Sainteté, méditez. Il n’est pas nécessaire que vous veniez en Espagne. Vous devriez peut-être aller en Argentine et demander le pardon, en fait ».

Les évêques conservateurs rejettent François comme un « pro-vert » (ils préféraient Benoît XVI) et ceux d’entre nous qui ne sont pas dans ce camp se demandent : j’aime ces paroles de François, mais on a le sentiment qu’elles restent les opinions personnelles du Pape, autrement dit – et il a déjà achevé une décennie de pontificat – est-ce que quelque chose a changé dans la doctrine sociale de l’Église ? Est-ce que quelque chose a changé dans le droit ecclésiastique ? Ou est-ce que tout est finalement laissé aux critères personnels de chaque prêtre ?

Si rien ne change ou ne bouge dans le vieux corps de la doctrine ecclésiastique, les paroles de François auront été bonnes, mais sans lendemain. Ce que dit François change-t-il l’Église? Apparemment pas par écrit. Et nous savons : Scripta manent. Ce qui est écrit est ce qui reste.

Avec le doute sur le fait que les opinions de François soient autre chose que transitoires, ce qui serait triste et grave, car ses discours n’auraient que peu de valeur, il reste le côté politique du Pape, ami des populismes d’Amérique latine, où il a dit pas mal de bêtises.

Dire que l’Espagne devrait s’excuser pour la conquête de l’Amérique (et se mettre l’Espagne à dos) est aussi stupide que de dire que l’Italie devrait s’excuser pour l’Empire romain. Mais plus encore, venant d’un Pape : ne vous rappelez-vous pas que sans l’Espagne il n’y aurait pas eu de catholicisme et pas de riche métissage de notre Amérique ? Que pensez-vous des nombreuses églises et cathédrales du 17ème siècle ?

Par ailleurs, François a joué un mauvais rôle (il n’a rien fait, il n’a rien condamné) pendant la terrible dictature de Videla dans son Argentine natale.

Si l’on regarde un curieux film, « Les deux papes » de Fernando Meirelles, une coproduction britannique pour Netflix, qui est sortie fin 2019, avec deux acteurs remarquables, Jonathan Pryce (François) et Anthony Hopkins (Benoît) et dont on dit qu’il est basé sur des faits réels [très, très loin de là!!!], il faudrait dire que François est conscient de sa maladresse pendant la dictature argentine, mais que cela même l’a fait changer pour se sentir proche du peuple. Selon le film, c’est Bergoglio qui a influencé indirectement la démission de Ratzinger de la papauté.

François est un pape nouveau dans le catholicisme, mais la question demeure : est-il efficace ou n’est-il qu’un beau parleur ? Restera-t-il ou ne sera-t-il qu’une brise, même si elle est porteuse d’espoir ? Et tout aussi grave: ne voit-il pas les pièges grossiers du populisme ? Les pauvres d’Amérique ne sont ni Maduro, ni Petro, ni López Obrador.

Réveillez-vous, Sainteté, méditez.

Pas besoin de venir en Espagne. Vous devriez peut-être aller en Argentine et demander pardon, en fait.

Share This