Le blog de Leonardo Lugaresi (c’est à lui que revient le copyright de « l’école Ratzinger »!) est consacré à l’étude et au commentaire de la Divine Comédie. Mais il contient de belles réflexions, souvent au carrefour entre la religion (tendance Tradition) et la philosophie. Comme celle qui suit, qui développe une idée que nous avons déjà abordée dans ces pages (et qui a aussi été abordée par Joseph Ratzinger, nous en reparlerons…): le communisme n’est pas mort, il est plus vivant que jamais, il s’épanouit dans l’Occident sans Dieu.
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Hasard du calendrier, cette thèse trouve aujourd’hui une illustration éclatante en Italie avec l’élection à la tête du P¨D (Partito Democratico) d’une femme de 38 ans, Elly Slchein, gauchiste extrême, écologiste radicale, lesbienne proclamée, dont Stefano Fontana dresse dans La NBQ un portrait éclairant (*)

le projet d’unité et de paix universelle entre tous les hommes, sans Dieu (ce qui signifie contre Dieu), non seulement n’est pas une bonne chose, mais c’est la pire chose que les hommes puissent concevoir.

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Dans la situation actuelle où le capitalisme a fait son meilleur investissement en rachetant le communisme, en le rebaptisant et en le remettant sur le marché sous une forme désormais monopolistique… nous avons néanmoins un choix extrême que personne ne peut nous enlever: nous pouvons être pauvres ou misérables.

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Pauvres sont ceux qui ont le sens de Dieu. Misérables tous les autres. Tant qu’il y a des « pauvres de Dieu » dans ce monde, le monde n’est pas ruiné (si seulement l’Eglise nous aidait!) .

Le communisme a gagné (et c’est maintenant que tu t’en aperçois?)

leonardolugaresi.wordpress.com/2023/02/24/il-comunismo-ha-vinto-e-te-ne-accorgi-adesso
Leonardo Lugaresi (Vanitas ludus omnis)
24 février 2023

Ici, en Occident, cela fait trente ans qu’on nous sert l’histoire selon laquelle « le communisme s’est effondré » . C’est plutôt le contraire qui est vrai : le communisme a gagné (ou est en train de gagner, si nous voulons vraiment être optimistes, bien que ce ne soit pas le cas).

Je me souviens qu’au début des années quatre-vingt-dix, il y avait dans mon lycée un concierge, que les jeunes avaient surnommé Teschio [Crâne] à cause de son aspect tombal, d’une foi soviétique inébranlable, qui, face à la superposition de nouvelles désolantes pour lui en provenance de l’Est, me dit un jour : « N’oubliez pas, professeur, que le communisme n’existe plus, mais que les communistes sont toujours là ! »

Le pauvre! J’imagine qu’aujourd’hui il est mort, et si c’est le cas, la section du purgatoire réservée aux membres du PCI sourira sûrement de son diagnostic, qui était totalement erroné : ce sont les communistes qui ont disparu (à l’exception de quelques fossiles vivants auxquels va ma sympathie), mais le communisme triomphe, dans la plupart du monde, et surtout dans le monde dit « occidental ».

Qu’est-ce, en effet, que le communisme dans son essence, c’est-à-dire après avoir enlevé tout le folklore, les oripeaux idéologiques et le charabia propagandiste de sa forme la plus grossière, la plus sanglante et la plus imprécise, celle du vingtième siècle – et après avoir aussi enlevé le quantum de foi sincère mal placée dont certains, peu ou beaucoup, lui ont fait l’hommage au sacrifice de leur vie, lui conférant la seule aura de grandeur à laquelle il pouvait prétendre ?

Ici bien sûr, dans ce petit blog, nous essayons de donner une réponse minimale, pauvres gens que nous sommes, des gens qui n’ont presque rien lu des textes sacrés. Mais c’est justement parce qu’elle est minimale qu’une telle réponse a quelque chance de faire mouche. Alors : peut-être l’essence du communisme est-elle la lutte des classes ?

Eh bien, si c’est le cas, depuis trente ans, la lutte des classes est là, et bien là! Seulement, comme l’a dit avec esprit l’un d’entre eux (Warren Buffett, je crois), ce sont les capitalistes qui l’ont faite, et qui ont gagné haut la main (ou sont en train de gagner, si l’on veut être optimiste, bien que ce ne soit pas le cas). Le fait que l’Occident ne soit plus depuis des décennies, cette partie du monde dans laquelle les riches permettent, obtorto collo, une certaine distribution des profits qui forme, soutient et augmente une « classe moyenne » est d’une évidence si palpable qu’il n’est pas nécessaire, je pense, de le démontrer.

Le monde qu’ils ont façonné, et plus encore celui qu’ils sont en train de façonner, n’envisage comme destination finale qu’une infime minorité de riches et une écrasante majorité de pauvres qui ne possèdent rien d’autre que les dons que le pouvoir décide de leur accorder de temps à autre à titre de subvention, de jouissance de services indispensables, de « revenu de survie », etc.

Une vie faite de primes : voilà non seulement notre futur dystopique, mais aussi déjà notre présent dystopique.

Et comment ne pas voir que l’immense majorité des politiques menées, dans l’immense majorité des pays dits occidentaux, ont pour logique la destruction de la classe moyenne ? Si le prophète Nathan s’adressait aujourd’hui au roi David moderne, il actualiserait sa parabole (1) de la manière suivante :

il y a un homme riche qui possède du gros et du menu bétail en quantité énorme et il y a un homme pauvre qui n’a qu’un seul mouton. Quand le riche a besoin d’une brebis, il prend celle du pauvre, le désignant comme « riche » aux yeux de ceux qui n’ont pas de brebis du tout, et disant à tous que pour résoudre les problèmes du monde, de la pollution à l’injustice sociale, il est impératif de prendre l’unique brebis du pauvre. Il convainc également le pauvre de se sentir coupable de la brebis qu’il a, d’avoir honte devant ceux qui ne l’ont pas, et de remercier ceux qui, au nom du riche, la lui enlèvent.

Dans le monde d’aujourd’hui, en particulier, la fonction résiduelle attribuée à un certain paupérisme ecclésiastique est précisément celle de culpabiliser les propriétaires d’une seule brebis et de leur inspirer le besoin de s’en priver, au profit des pauvres ou de la planète, ce qui désormais revient au même.

On peut dire que la classe moyenne, dans le processus de transformation économique et sociale qui a été mis en place et qui se déroule actuellement, s’est vu attribuer le rôle que les koulaks avaient dans la construction du communisme soviétique. Il est vrai qu’aucun sang n’a été versé (jusqu’à présent), ce qui n’est pas une mince différence, mais c’est la dynamique : avez-vous votre propre famille, votre propre maison, votre propre entreprise et, horreur, même une voiture « traditionnelle » ? Vous êtes un ennemi du peuple (ou de la planète, ce qui ne fait aucune différence) !

Mais peut-être le communisme est-il, par essence, « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». Les œuvres complètes de Marx et Lénine, en fait, presque personne ne les a lues ; le Manifeste du Parti communiste a été lu par un peu plus de gens, mais encore peu par rapport aux « masses » ; mais son premier appel est connu de tous. Une belle phrase, sans aucun doute, qui prononcée aujourd’hui sonne terriblement archaïque dans la désignation du destinataire et effroyablement actuelle dans l’impératif verbal.

Prolétaires est un mot qui, à sa seule évocation, fait monter aux yeux les larmes de la nostalgie : ce sont les pauvres, riches seulement d’enfants à nourrir. Au-delà des images dickensiennes de l’indicible dénuement des Européens exploités du XIXe et de la première moitié du XXe siècle (dénuement progressivement oublié dans la seconde moitié du siècle dernier et qui revient peut-être maintenant…), ce mot évoque un tout autre spectre de notre présent et de notre avenir : la progéniture n’existe plus, elle ne doit pas exister ; tout comme ne doit pas exister la famille, sans laquelle il n’y a pas de progéniture. En effet, la « gymnastique couronnée d’un grognement » (comme Cioran définissait l’acte sexuel) ne suffit pas à faire des enfants. La contraception et l’avortement sont là précisément pour l’empêcher. Il faut une famille pour faire des enfants. Et le communisme sans fioritures d’aujourd’hui, celui qui a définitivement répudié le peu de biblicisme que ses origines judéo-chrétiennes lui avaient légué, déteste la famille et ne veut pas d’enfants, qui jettent des saletés, consomment les ressources et polluent la planète. Dans son essence, il est nihiliste et le nihilisme porte la marque indéniable de son auteur : la différence entre Dieu et Satan est que Dieu « tient famille » (en fait, nous l’appelons Père), alors que Satan est célibataire.

Si l’appel aux prolétaires est complètement obsolète, l’appel à l’unité, par contre, est plus que jamais d’actualité dans sa dimension cosmique, mondialiste, plus qu’internationaliste. L’ancien communisme avait bien, dans sa composition essentielle, de l’internationalisme, mais c’était trop peu: son nom même contenait encore des nations, des peuples, des identités particulières, tout en les appelant à se dépasser sur un chemin vers une aube radieuse de paix et de concorde mondiale. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus et beaucoup mieux : l’unité du monde – avec son corollaire indispensable de paix universelle entre tous les hommes et surtout avec Gaia, la terre mère que nous avons mise en danger – est le dogme unique et absolu.

Tout peut et doit être fait pour ce but, tout doit lui être sacrifié. Tout quoi ? En un mot : les gens, les hommes et les femmes, avec leur vie, leurs droits, leur liberté. Ce dont nous avons donc besoin – nous en sommes tous convaincus, n’est-ce pas ? – c’est d’une société de plus en plus contrôlée, dirigée d’en haut, dans laquelle l’erreur représentée par ce « bois tordu » qu’est toujours chaque individu, est corrigée et annulée par le système. N’est-ce pas le même rêve que les communistes (et, hélas, les jésuites) ont toujours eu ?

Mais qu’y a-t-il de mal à l’idéal de l’unité de l’humanité et de la paix universelle ? N’est-ce pas, en effet, le plus haut et le plus noble des idéaux que l’esprit humain puisse concevoir ? Je sais que ce que je vais écrire va paraître fort et désagréable à certains lecteurs éventuels, mais je dois le dire: le projet d’unité et de paix universelle entre tous les hommes, sans Dieu (ce qui signifie contre Dieu), non seulement n’est pas une bonne chose, mais c’est la pire chose que les hommes puissent concevoir.

C’est pourquoi le communisme, tant dans sa première version que dans la version 2.0 d’aujourd’hui, est pire que les autres totalitarismes de l’histoire : pas seulement par le nombre de morts qu’il a causées, mais aussi, conceptuellement, par l’ampleur de sa prétention et la gravité de son péché. C’est du moins ce que pense Dieu, qui nous a fait connaître son opinion de manière exhaustive au chapitre 11, 1-9 de la Genèse (2).

Dans la situation actuelle où le capitalisme a fait son meilleur investissement en rachetant le communisme, en le rebaptisant et en le remettant sur le marché sous une forme désormais monopolistique ; dans le « monde chinois » dans lequel de nombreux Occidentaux souhaitent que nous vivions ; dans l’ancien « monde libre » où la liberté est de moins en moins grande, nous avons néanmoins un choix extrême que personne ne peut nous enlever (si nous ne l’enlevons pas nous-mêmes) : nous pouvons être pauvres ou misérables.

Pauvres sont ceux qui ont le sens de Dieu. Misérables tous les autres. Tant qu’il y a des « pauvres de Dieu » dans ce monde, le monde n’est pas ruiné. Si seulement l’Eglise nous aidait !

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NDT

(*) Elly Schein

Elly Schlein est ouvertement et fièrement gay, sur l’avortement elle est prête à repousser encore plus loin les limites, elle a déclaré à plusieurs reprises que la loi 194 [loi du 22 mai 1978 libéralisant et réglementant l’avortement en Italie] implique un droit à l’avortement pour les femmes, elle est d’avis que l’État devrait le garantir même en refusant l’objection de conscience des médecins. C’est une écologiste radicale et elle est favorable à toutes les transitions, qui sont sur la table aujourd’hui. Au moment du Covid, elle s’est alignée sur la pensée unique.

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Stefano Fontana

https://lanuovabq.it/it/schlein-piacera-anche-ai-cattolici-pd-ormai-evanescenti
(1) Deuxième livre de Samuel, chapitre 12

01 Le Seigneur envoya vers David le prophète Nathan qui alla le trouver et lui dit : « Dans une même ville, il y avait deux hommes ; l’un était riche, l’autre était pauvre.

02 Le riche avait des moutons et des bœufs en très grand nombre.

03 Le pauvre n’avait rien qu’une brebis, une toute petite, qu’il avait achetée. Il la nourrissait, et elle grandissait chez lui au milieu de ses fils ; elle mangeait de son pain, buvait de sa coupe, elle dormait dans ses bras : elle était comme sa fille.

04 Un voyageur arriva chez l’homme riche. Pour préparer le repas de son hôte, celui-ci épargna ses moutons et ses bœufs. Il alla prendre la brebis du pauvre, et la prépara pour l’homme qui était arrivé chez lui. »

(2) Genèse, chapitre 11

01 Toute la terre avait alors la même langue et les mêmes mots.

02 Au cours de leurs déplacements du côté de l’orient, les hommes découvrirent une plaine en Mésopotamie, et s’y établirent.

03 Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! fabriquons des briques et mettons-les à cuire ! » Les briques leur servaient de pierres, et le bitume, de mortier.

04 Ils dirent : « Allons ! bâtissons-nous une ville, avec une tour dont le sommet soit dans les cieux. Faisons-nous un nom, pour ne pas être disséminés sur toute la surface de la terre. »

05 Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties.

06 Et le Seigneur dit : « Ils sont un seul peuple, ils ont tous la même langue : s’ils commencent ainsi, rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décideront.

07 Allons ! descendons, et là, embrouillons leur langue : qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres. »

08 De là, le Seigneur les dispersa sur toute la surface de la terre. Ils cessèrent donc de bâtir la ville.

09 C’est pourquoi on l’appela Babel, car c’est là que le Seigneur embrouilla la langue des habitants de toute la terre ; et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la surface de la terre.

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