Voici un article extrêmement intéressant pour comprendre comment « gouverne » le Pape et comment il est « apprécié » par son clergé.. ou plutôt s’est mis tout le monde à dos.
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Préambule: Le 6 janvier dernier, le Vatican a publié une nouvelle constitution apostolique In Ecclesiarum Communione, « réorganisant la structure du diocèse de Rome, en le replaçant davantage sous le contrôle du pape » (La Croix). La grogne du clergé romain ne s’est pas fait attendre et le vendredi 3 mars, ses prêtres étaient convoqués à une réunion d’explications (le Pape était absent) animée entre autres par l’un de ses hommes de confiance, le cardinal Gianfranco Ghirlanda SJ (créé cardinal en 2022, au dernier consistoire), canoniste, ex- recteur de l’Université pontificale grégorienne. Le blog Silere non possum nous donne un compte-rendu très critique de la rencontre, vu à travers les yeux d’un initié, c’est-à-dire d’un des prêtres présents. C’est un témoignage majeur sur « la méthode Bergoglio »: beaucoup de bla-bla à l’usage des médias, peu de résultats concrets. Sans parler des « carriéristes » dont il s’entoure (tout en dénonçant le carriérisme), souvent des médiocres qui lui doivent tout et qui n’ont rien à lui refuser.

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« En disposant cette nouvelle constitution pour le vicariat, écrit François dans la préface, face à un « changement d’époque » qui implique tout et tous, je souhaite qu’il soit avant tout un lieu exemplaire de communion, de dialogue et de proximité, accueillant et transparent, au service du renouvellement et de la croissance pastorale du diocèse de Rome, une communauté évangélisatrice, une Église synodale, un peuple qui témoigne de manière crédible de la miséricorde de Dieu. »

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L’évêque du diocèse de Rome est le pape. Sous son autorité, le diocèse, géré par le vicariat, est dirigé par un cardinal vicaire, un vice-gérant (adjoint) et des évêques auxiliaires.
Le cardinal Angelo De Donatis est l’actuel vicaire de Rome, qui compte sept évêques auxiliaires.

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Dans la réorganisation, le pape François a mis l’accent sur une approche synodale, notamment sur le fonctionnement d’un conseil épiscopal, « lieu de discernement et de décisions pastorales et administratives concernant le diocèse et le vicariat de Rome. »

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La suite ici: https://www.aciafrique.org/news/7030/le-pape-francois-reorganise-le-diocese-de-rome-pour-faire-face-a-un-changement-depoque
Foule dans l’Aula Magna de l’Université Pontificale du Latran,
3 mars 2023
Photo Silere non possum

Diocèse de Rome: des prêtres qui en ont assez des « réformes médiatiques »


Silere non possum

Le 2 mars 2023, dans l’Aula Magna de l’Université Pontificale du Latran, a eu lieu l’explication tant attendue de l’inexplicable Constitution Apostolique In Ecclesiarum Communione, en présence du Cardinal Gianfranco Ghirlanda.

Le cardinal Gianfranco Ghirlanda, invité à cette rencontre, a mené toutes ses activités, y compris académiques, poussé par deux impératifs : éliminer l’Opus Dei et faire accéder les laïcs aux postes de gouvernement de la Curie. Deux authentiques fétiches qu’il défend avec beaucoup de conviction mais très peu d’argumentation théologico-canonique. Même derrière cette Constitution Apostolique, en fait, Ghirlanda a mis en pratique toutes ses idéologies personnelles mais a trop souvent oublié le Droit Canon. Le même problème s’est produit avec Praedicate Evangelium [constitution apostolique réformant la Curie romaine promulguée le 19 mars 2022]. Alors que dans le passé, les Constitutions et les documents étaient clairs et résolvaient les doutes, aujourd’hui, grâce aussi à des collaborateurs de François de très bas niveau, ces textes prêtent à confusion.

Cela est apparu clairement lors de la rencontre de ce matin. La participation, contrairement à ce qu’ont écrit quelques journalistes égarés, était élevée, et cela montre que les presbytres du diocèse de Rome non seulement cherchent des réponses mais n’ont pas peur de poser des questions. Des réponses qui, malheureusement, ne sont pas venues

Tout d’abord, il faut souligner que l’évêque de Rome n’a pas assisté à la rencontre. Du discours de son  » ambassadeur  » Ghirlanda, la seule chose qui a été comprise, c’est que le pape est l’évêque de Rome. « Nous remercions beaucoup Son Éminence de nous avoir rappelé cet article du catéchisme de la première communion », a dit un prêtre [don Angelo] pendant que le cardinal parlait. Le jésuite a ensuite expliqué que, par essence, François est vraiment l’évêque de Rome. « Je m’excuse auprès de don Angelo, mais l’évêque de Rome n’est pas le vicaire, mais le pape », a-t-il dit.

Mais depuis quand De Donatis [l’actuel vicaire] se fait-il passer pour l’évêque de Rome ? L’idée de ceux qui ont été appelés au Vatican au cours des dix dernières années est que dans l’Église, tous sont des idiots, et qu’ils doivent expliquer comment nous devons apprendre à vivre. Poletti, Ruini, Vallini [les précédents vicaires] et maintenant De Donatis, savaient très bien qu’ils étaient des vicaires de Sa Sainteté et non des évêques de Rome. Il n’y a pas à s’excuser, De Donatis ne pleure pas la nuit parce qu’il n’est pas évêque de Rome. Bien au contraire. Le problème, ici est tout autre et concerne les préoccupations réelles pour un diocèse et non le gouvernement « médiatique » de celui-ci.

Comme l’a fait remarquer à juste titre un curé en s’adressant aux trois intervenants, il est très différent d’être évêque de Rome sur le papier et d’être évêque de Rome dans la réalité. Si avant le pape était évêque de Rome et tout le monde savait que de toute façon son vicaire s’occupait des questions concrètes, aujourd’hui, comme d’habitude avec François, ce n’est plus le cas, mais la situation empire plutôt que de s’améliorer.

Même le cardinal Gianfranco Ghirlanda a admis que le Pontife ne pourra pas s’occuper de tout dans la Constitution. Ainsi, a-t-il déclaré, « en ce qui concerne les conseils épiscopaux, il ne les présidera pas tous. Il regardera peut-être l’ordre du jour et s’il est intéressé par une chose particulière, il le présidera ».

Comment donc, alors le Pape ne vient que quand cela lui plaît ? Fallait-il une Constitution pour dire cela ? Comme pour la question économique, François intervient pour ce qui l’intéresse.

Un autre curé a alors fait remarquer que la participation réelle de l’évêque à la vie de son église se voit dans des circonstances bien différentes. Par exemple, a-t-il demandé, pourquoi le pape n’ordonne-t-il pas ses prêtres romains ? Pourquoi ne rencontre-t-il pas le clergé? [ndt: un rendez-vous que Benoît XVI ne manquait jamais, et qu’il a encore honoré le 15 février 2013, épuisé mais capable de prononcer sans notes un long exposé sur la réception du Concile]. Un discours, celui du curé de St Jean Chrysostome, qui a eu un succès particulier auprès des personnes présentes. Nous nous demandons aussi pourquoi le Pape ne rend pas visite au séminaire diocésain [ndt: un autre rendez-vous que Benoît XVI honorait chaque année: benoit-et-moi.fr/2012-I, jusqu’au 9 février 2013] , comme le faisaient ses prédécesseurs ? Comment un évêque peut-il ne pas se préoccuper de ses futurs prêtres ?

Cette question est liée à une autre préoccupation que plusieurs presbytres ont également exprimée dans leurs questions au cardinal Ghirlanda. Le Pape approuvera les nominations de curés sur la base de quoi ? Peut-être sur la base de la sympathie ? Ou, comme l’a judicieusement fait remarquer un curé dans l’Aula Magna, devrions-nous nous fier au jugement du « conseil pastoral paroissial » ? Des gens qui n’ont aucune connaissance des besoins d’une paroisse, mais qui agissent uniquement par intérêt personnel ? Oublierions-nous que chaque jour, les presbytres doivent lutter dans les paroisses pour maintenir la « paix » et la « tranquillité » dans des entités où les laïcs veulent dominer. Les communautés doivent-elles vraiment se fier aux hystéries d’une partie du peuple pour juger leur curé ? Devons-nous nous soumettre aux « bulletins » d’évaluation de nos paroissiens ?

Mais comment attendre d’un homme comme Ghirlanda, qui n’a jamais fait un jour de paroisse, qu’il vienne expliquer aux presbytres romains comment on peut être un bon curé ?

Les folies de l’empereur

La solution apportée par Ghirlanda est digne de figurer dans un manuel. L’ancien recteur de la Grégorienne, qui a quelques difficultés avec le droit [bien qu’il soit canoniste! ndt], affirme que même les désaccords qui peuvent survenir au sein du conseil épiscopal avec le vicaire peuvent être résolus, au cas par cas, par une confrontation avec le pape. C’est la problématique des Jésuites. Le Pape passe en premier, même avant le Christ. Soyons clairs, cela ne fonctionne qu’aujourd’hui. Avec Benoît XVI, les choses ne se passaient pas vraiment comme cela. Donc, pour Ghirlanda, le pape peut décider si les laïcs ont le pouvoir de gouvernement, le pape décide et tout le monde se tait. Une dictature, pas une synodalité.

Pour mettre en évidence la fausse rhétorique qui guide les actions de Ghirlanda et celles du Pontife lui-même, un presbytre a fait remarquer à juste titre que, en faisant deux simples comptes, le Vicariat dépensera plus de 250.000 euros pour la Commission indépendante de surveillance. N’était-il pas plus correct d’allouer cet argent à des organismes qui en ont besoin? Peut-être aux paroisses, qui ont des structures qui tombent en ruine ?

Ghirlanda répond avec un raisonnement vraiment inquiétant : « Le contrôle peut déranger ceux qui ont quelque chose à cacher, sinon il n’y a pas de quoi s’inquiéter ». Le cardinal jésuite a probablement quelques difficultés, mais nous voudrions lui rappeler que ces dix dernières années, nous avons vu des organismes qui ont littéralement explosé pour découvrir ensuite qu’ils n’avaient rien d’ « occulte » ou d’ « étrange ». Pensons, par exemple, au cardinal Angelo Comastri [président de la Fabrique de Saint-Pierre, vicaire général pour la Cité du Vatican et archiprêtre de la basilique Saint-Pierre entre 2005 et 2021, ndt]. La Fabrique de Saint-Pierre a été inspectée [/on a nommé une commission] et on a fait passer tout le monde pour des voleurs, mais il s’est avéré ensuite qu’il s’agissait d’une « fixation » de François et de ses acolytes, et pas d’autre chose.

Le mécontentement est grand et François a fait exprès de ne pas assister à la réunion. Non seulement, il s’est mis à dos toute la Curie romaine et n’a pas voulu faire les exercices spirituels avec les curiaux, mais avec le diocèse de Rome aussi il a fermé ses portes.

Le roi est seul. Du reste, Bergoglio a toujours traité le diocèse de Rome comme un gros problème. Même lorsqu’il recevait des prêtres au début de son pontificat, il le faisait davantage pour écouter les « ragots » que pour les aider. Lorsque les prêtres lui ont fait remarquer que sa façon de gouverner n’était pas du tout « synodale », il a décidé de ne plus les ,prendre en considération. Les habituelles histoires d’amour qui ne durent pas. Malgré le fait que François se soit « défilé » et ait préféré envoyer en avant son protégé Ghirlanda, les prêtres romains ne le lui ont pas envoyé dire et ont clairement dit au cardinal Ghirlanda que si le Pape veut être évêque de Rome, il doit le faire vraiment et pas avec des discours « accrocheurs ».

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