Les lumières, il faut les chercher. Je ne partage pas tout ce que contient cet article paru sur le portail espagnol (conservateur) Info vaticana, mais il est très bien écrit, très bien argumenté et, disons, remarquablement intelligent. L’auteur prend ses distances, par rapport au catholicisme, il n’est probablement pas un « insider », il semble même sceptique: non sans une pointe de sarcasme, il relativise tout, y compris les critiques. C’est assez amusant, en plus d’être une technique imparable pour désamorcer le soupçon de bergogliophobie primaire qui rebute tous ceux qui pensent qu’un homme ne peut pas être entièrement mauvais ni entièrement nul.
Bref, si on ne connaissait pas François, on pourrait presque se laisser convaincre. Mais on a eu dix ans pour le voir à l’œuvre… et ça change tout.

Lumières, pénombres et ombres d’un pontificat

theobjective.com/elsubjetivo/opinion/2023-03-15/diez-anos-papa-francisco/
Miguel Angel Quintana Paz
Directeur académique et professeur à l’Institut supérieur de sociologie, économie et politique (ISSEP) de Madrid.

« Je ne pense pas que François ait apporté des changements significatifs à l’Église. S’il est suivi par un pape très différent, il ne restera pas grand-chose de son héritage ».

Le dixième anniversaire de l’élection de Jorge Mario Bergoglio en tant que 266e évêque de Rome a donné lieu à deux gaffes amusantes dans les médias espagnols lundi. Le site InfoCatólica titrait : « Cela fait 100 ans que François a été élu pape ». Sur la chaîne de télévision La Sexta, le présentateur a proclamé que « son arrivée en tant que premier pape noir au Vatican a révolutionné l’opinion publique ».

Il n’est pas nécessaire d’être freudien pour voir à quel point ces deux gaffes sont révélatrices de leurs diffuseurs. Il semblerait que pour un média conservateur comme InfoCatólica, ce pontificat dure depuis trop longtemps, d’où son hésitation quant à savoir si nous sommes avec lui depuis une décennie ou peut-être un siècle. Pour les progressistes de la Sexta, François incarne sans doute un symbole identitaire louable, un wokiste, comme Barack Obama en son temps ; il aurait peut-être été exagéré de l’annoncer comme le premier pontife non-binaire ou trans, alors le laisser comme le premier pape noir révèle, en fin de compte, une certaine modération.

Au-delà des faux pas des uns et des autres, il est vrai que l’évaluation d’un pontificat comme celui en cours ne manque pas de difficultés. La première que je voudrais souligner est que beaucoup (à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église) se méprennent sur ce que signifie être pape. Les fautes se situent principalement aux XIXe et XXe siècles.

Au XIXe siècle, avec l’émergence et la diffusion des idéologies politiques, beaucoup ont commencé à considérer le catholicisme comme une idéologie parmi d’autres. Et si le catholicisme est une idéologie, alors l’Église est un parti politique et son pape en est le chef suprême. Personne ne devient bolchevik en 1917 si ce n’est pour honorer Lénine ; personne ne devient conservateur britannique en 1875 si ce n’est pour plaire à Disraeli. La conséquence de cette vision erronée du catholicisme est regrettable : de même que la critique du chef suprême est mal vue dans un parti politique (elle obscurcit tellement son but, l’accès au pouvoir !), ceux qui voient le catholicisme sous l’angle d’une idéologie abhorreront aussi toute critique de son chef suprême, le souverain pontife.

Force est de constater que l’un des aspects louables de François est d’avoir combattu cette erreur à plusieurs reprises. « On peut critiquer le pape, ce n’est pas un péché », a-t-il répété. Avec une mise en garde : « Je suis allergique aux lèche-bottes » (comme on appelle les flagorneurs en Argentine).

« François n’a pas toujours été aussi ouvert à la critique qu’il le proclame ».

Donc, après avoir cité cette lumière du pontife, non seulement nous sommes rassurés parce que le critiquer comme nous allons le faire maintenant n’est pas un péché, mais il est inévitable de mentionner son ombre : François ne s’est pas toujours montré aussi ouvert à la critique qu’il le proclame. Il suffit de rappeler le cas de Bruno Forte, l’un des principaux théologiens de ces dernières années, archevêque italien, proche collaborateur du pape… jusqu’en 2016, où il a eu l’idée de faire une blague sur ses méthodes jésuites [benoit-et-moi.fr/2016/actualite/confidences-de-mgr-forte]. Il a été, ipso facto, écarté de toute commission, de toute confiance, de toute promotion. Plaisanter n’amuse pas toujours tout le monde. Pas plus que d’être critiqué.

Autre signe de l’allergie papale à la critique, l’argent dépensé par le Saint-Siège pour le deuxième cabinet d’avocats le plus prestigieux du monde, Baker & McKenzie. Était-ce pour dénoncer l’une des milliers d’attaques contre les temples catholiques dans le monde ? Était-ce pour faire face à l’une des attaques calomnieuses contre l’Église qui se déversent jour après jour ? Non, il s’agissait simplement de retirer à l’un des principaux portails espagnols d’information religieuse, InfoVaticana, le droit d’utiliser ce nom. Un peu comme si le maire de Madrid voulait m’interdire d’appeler un bar de Vitigudino « Bar Madrid ». Ces fonds ont été dépensés en pure perte: Baker & McKenzie, ainsi que le Saint-Siège, ont échoué dans leurs efforts (qui, curieusement, n’ont pas été suivis de plaintes similaires auprès d’autres médias qui utilisent l’adjectif « Vatican », tels que le portail Vatican News). Et nous sommes tous restés convaincus que la méchanceté à l’égard de ce média espagnol était basée uniquement sur son manque de complexe à critiquer le Souverain Pontife, plutôt que sur son obsession à utiliser l’adjectif « Vatican » pour lui seul.

Il n’est pas inutile de rappeler ici la deuxième pierre d’achoppement qui rend aujourd’hui difficile la compréhension de ce qu’est un pape. Dans ce cas, comme nous l’avons dit, il s’agit d’un obstacle hérité du XXe siècle. Avant l’invention de la radio, de la télévision, de l’internet ou de l’avion, l’évêque de Rome était pour la grande masse des catholiques une figure lointaine, pour laquelle il fallait prier et pas grand-chose de plus. De temps en temps, une bulle ou une encyclique venait nous rappeler son existence, mais il était ridicule de prétendre qu’il fallait « aimer » le pape, dont on reconnaissait à peine le visage dans la rue ; il était également absurde d’aspirer à commenter toutes les homélies qu’il pouvait prononcer. On pouvait être un catholique modèle au Moyen-Âge ou à l’époque moderne sans avoir la moindre opinion du souverain pontife, sans compter qu’en ce qui concerne son gouvernement mondain, on pouvait même se battre contre ses troupes, comme l’empereur Charles Quint et ses lansquenets l’ont bien su en 1527.

Aujourd’hui, tout ce monde a été bouleversé. La plupart des catholiques connaissent mieux le pape que leur curé. Et comme nous vivons dans une démocratie, on nous incite encore et toujours à nous exprimer sur tout : outre nos petites opinions sur le conflit israélo-arabe, la couche d’ozone et les dernières élections brésiliennes, on nous incite aussi à apprécier le souverain pontife. Qui plus est, si possible sur chacun de ses actes et de ses propos d’hier. Parménide et Platon seraient horrifiés par cette passion que nous avons aujourd’hui pour la simple doxa ; Harry Frankfurt nous a avertis que c’est la source de tout ce charlatanisme qui nous entoure.

« Pour nous qui avons le souci de la vérité, donner notre avis sur chaque petite chose concernant le pape est inepte par rapport au catholicisme ».

Face à cette nouvelle situation où nous sommes tous des doxophores, des porteurs d’opinions, beaucoup de personnes pieuses pensent que ce qui est catholique, c’est que nos petites idées soient toujours favorables au pape ; d’autres, que si elles discréditent le pape, elles discréditent aussi l’Église.

Les deux groupes se trompent. Le catholicisme, s’il est sérieux, est vérité. Et les vérités sont au-dessus du pape. Depuis près de deux millénaires, toutes sortes de réflexions et d’arguments ont été pensés, écrits et élaborés sur la vérité catholique. Si demain on découvrait que Jorge Mario Bergoglio est le père de quatre enfants (l’exemple n’est pas farfelu, il y a eu de tels pontifes), cela n’enlèverait pas une virgule à la vérité catholique (même si cela enlèverait de la moralité à Bergoglio). Si demain le pape se battait avec son second parce que ce dernier avait importuné sa mère (ce dont il a déjà annoncé en 2015 qu’il serait capable), cela ne réfuterait aucune vérité de la Bible, de saint Justin Martyr ou de saint Bonaventure. Bref, pour ceux d’entre nous qui se soucient de la vérité, aussi regrettable que soit le XXe siècle, observer et commenter les moindres faits et gestes du pape semble inepte par rapport au catholicisme. Et il doit en être ainsi.

Après avoir décrit ces deux difficultés (l’une héritée du XIXe siècle, l’autre du XXe) pour faire le point sur la papauté actuelle, il est temps de rappeler les deux autres, plus évidentes : la première est qu’il s’agit d’une papauté très controversée, avec des admirateurs et des détracteurs de la sorte la plus déterminée. La seconde est qu’être pape signifie occuper une position inhabituelle dans le monde, avec tant de facettes qu’il est impossible d’être suffisamment compétent pour les évaluer toutes : chef spirituel, chef ecclésiastique, chef d’un État et de sa diplomatie, interprète de la tradition et de l’Écriture, prédicateur de la morale et des coutumes, rédacteur de textes doctrinaux et pastoraux, juge ultime dans les conflits internes, médiateur dans les conflits externes…

Dans la suite de cet article, nous nous limiterons donc au domaine dans lequel je suis le moins ignorant : le philosophique. Je ne voudrais pas donner l’impression que j’évite de faire un bilan global de ces dix années de François.

J’irai droit au but : je ne pense pas qu’il soit le meilleur pape de l’histoire, ni le pire. Je ne pense même pas qu’il fasse partie des vingt meilleurs, ni des vingt pires. En fait, je pense que c’est l’une des difficultés pour le comprendre : étant donné l’importance exagérée que nous accordons à notre présent, nous avons tendance à magnifier ses vertus et amplifier ses défauts simplement parce qu’ils sont les plus proches de nous. Un peu comme la tache sur nos lunettes semble plus grande que la tour lointaine que nous voyons à travers elles. Nous avons du mal à nous contenter d’avoir un père parmi d’autres. Mais c’est certainement (et statistiquement) le cas.

Non, je ne crois pas que François ait apporté un « printemps à l’Église », comme le proclament les plus flatteurs de ses partisans (où est ce printemps, dans un Occident où la foi continue d’être abandonnée, une Amérique latine où les groupes évangéliques continuent d’éloigner les fidèles de l’Église, et où la foi croît en Afrique ou en Asie principalement en raison de la démographie). Mais je ne crois pas non plus qu’il soit un agent communiste, un antipape ou un envoyé de l’Antéchrist, comme le braillent les plus hystériques de ses détracteurs [!!].

« Je ne pense pas que François soit un grand penseur, mais je ne pense pas non plus qu’il soit un ignorant ».

Je ne pense pas que François soit un penseur d’envergure (ses textes seraient passés inaperçus s’il n’avait pas été nommé pape ; en fait, je ne connais aucun universitaire qui ait exalté ses œuvres jusqu’à il y a dix ans). Mais je ne pense pas non plus qu’il soit ignorant (si ses œuvres sont médiocres, elles ne le sont que dans la mesure où elles figurent dans les mêmes bibliothèques que des géants de la stature de saint Thomas d’Aquin ou, pour citer d’autres pontifes, de Jean-Paul II ou de Benoît XVI).

Je ne crois pas que François ait apporté des changements significatifs à l’Église (au-delà de la réforme de la Curie, qui est un mérite louable de sa part). Si son pontificat est suivi par un pape au caractère très différent, il ne restera pas grand-chose de son héritage. Il n’a pas fait de développements doctrinaux impliquant des tournures de phrases particulièrement importantes (écrire sur l’écologie ou critiquer le capitalisme avait déjà été fait par les papes précédents ; dire que personne d’autre que Dieu ne doit juger les gays et les lesbiennes est la même idée que Jésus-Christ a exprimée lorsqu’il a mis en garde contre ceux qui condamnent les autres). Par conséquent, je ne pense pas non plus qu’il ait altéré l’héritage de la foi de manière terrible.

Les synodes (sans parler de cette bizarrerie linguistique qu’est le « synode de synodalité ») me semblent être un curieux divertissement pour les paroissiens et les personnes qui ont le temps de s’occuper de questions ecclésiastiques. Mais il suffit de lire les documents qui en émanent pour voir qu’ils ne représentent pas un grand jalon historique pour l’Église (et lorsqu’ils essaient de le faire, comme dans le cas de la Voie synodale allemande, ils se heurtent à l’autorité papale).

À ce stade, le lecteur se dit peut-être que, plutôt que le pape François lui-même, c’est l’auteur de ces lignes qui joue ici la carte de la tempérance. Peut-être que les derniers paragraphes qui suivent, qui sont, comme promis, les plus étroitement liés à la philosophie de cet article, le démentiront. Bon, il y a une question, qui peut sembler à certains n’être qu’une question subsidiaire, dans laquelle ma critique du pape François est claire. Une question philosophique. Une question dans laquelle François échoue totalement à agir comme un contrepoint au monde d’aujourd’hui.

Je pense à la post-vérité.

Commençons par clarifier le sens de ce mot, que beaucoup comprennent mal. La « post-vérité » n’est pas un nouveau nom pour les mensonges de toute une vie ; il ne s’agit pas non plus d’un terme désignant la prolifération des mensonges et des tromperies partout dans le monde. La « post-vérité » fait plutôt référence à quelque chose qui, malheureusement, nous est de plus en plus familier : cette époque où presque personne ne se soucie de ce qui est vrai ou faux, parce que la différence entre l’un et l’autre ne nous intéresse plus. Au lieu de savoir ce qui est vrai, nous voulons savoir ce que représente « ma tribu » ou « le chef de mon groupe » : nos épistémologies, comme l’a détecté David Roberts, sont devenues tribales. Nous trouvons même « prétentieux » d’aspirer à connaître la vérité sans autre forme de procès.

Un monde de post-vérité est un monde où un homme politique (disons le Premier ministre Pedro Sánchez) peut nous dire quelque chose aujourd’hui et demain le contraire. Ou pire : quand il dira la première chose et quand il dira la seconde (contradictoire), il sera applaudi par les mêmes fidèles. Car c’est ce qu’ils sont, fidèles au chef, et non à la différence entre mensonge et vérité.

« Un monde post-vérité est un monde post-chrétien ».

Un monde de post-vérité, c’est un lieu où le bavardage règne, où le charlatanisme abonde : si je ne me soucie pas de la différence entre le vrai et le faux, il est si facile de pérorer ! Nous avons déjà dit combien Harry Frankfurt est horrifié par tout cela, et comment il l’associe à la manie démocratique de l’opinion sur tout et partout.

Un monde post-vérité est un monde post-chrétien : s’il n’y a plus ni vérité ni mensonge, peu importe la différence entre un homme, Jésus, qui se disait la Vérité même, et n’importe quoi d’autre : qu’on en vienne au reiki, au voyage astral ou à l’adoration de la Pachamama, cela n’a pas d’importance.

Alors, François est-il un champion efficace contre cette époque de post-vérités ? En tant que philosophe, je crains de ne pas pouvoir le considérer comme un partenaire dans une telle bataille (et je serais heureux d’y ajouter des alliés !).

Ce n’est plus seulement que François parle beaucoup, beaucoup, beaucoup plus que tous ses prédécesseurs, et sur n’importe quel sujet (les belles-mères, les virus, les mères qui accouchent comme des « lapins », l’économie…). Il parle tellement que, dans une certaine mesure, on comprend cette habitude, inaugurée par lui, d’écrire des encycliques… dans lesquelles il est cité avant tout. Mais on dit que celui qui a une bouche se trompe. Et celui qui a une grande bouche se trompe encore plus. Cette extrême loquacité de François devrait déjà nous mettre en garde contre un possible mépris de la rigueur de la seule vérité ; et, malheureusement, cette mise en garde est évidente dès que l’on y regarde de plus près.

En effet, François a répandu des affirmations étonnantes sur le plan théologique, politique et humain.

  • Sur le plan théologique : que la Vierge n’est pas née sainte, que la multiplication des pains et des poissons par Jésus n’est pas un miracle, qu’il n’est pas nécessaire de faire du prosélytisme, que la plupart des mariages sont nuls, qu’être saint c’est vivre sa foi « quelle qu’elle soit, avec constance » (je connais beaucoup de confessions pour lesquelles il vaut mieux ne pas vivre avec constance, à vrai dire) ?
  • Sur le plan politique : se prononcer d’abord contre la vente d’armes à l’Ukraine, puis en sa faveur, sans reconnaître ce changement d’avis ou cette contradiction ; parler en termes élogieux des dirigeants de pays oppresseurs (comme Cuba), mais être beaucoup plus sévère à l’égard de ceux de pays démocratiques (comme les États-Unis)…
  • Sur le plan humain : dire que dire du mal des autres est du « terrorisme » (il vaudrait mieux ne pas banaliser un terme aussi grave); appeler Sainte Thérèse « vieille femme » (oui, c’est un qualificatif qui ne sonne pas de la même façon en Argentine qu’en Espagne, mais même ainsi, le langage familier est peut-être excessif) ; se moquer du cardinal Burke parce que, n’ayant pas voulu prendre le vaccin contre le covid-19 mais a été infecté…

« Parmi les milliers d’interventions papales, beaucoup d’entre nous ont détecté encore et encore des choses étonnantes.

Toutes ces déclarations controversées de François ont certainement donné lieu à l’émergence d’un type de catholique assez curieux, voire comique : l’avocat linguistico-herméneutique papal. En effet, étant donné que parmi les milliers d’interventions papales, beaucoup d’entre nous détectent à plusieurs reprises des choses étonnantes, l’avocat linguistico-herméneutique émerge toujours sur les réseaux sociaux ou en face-à-face. Celui qui vient préciser que nous n’avons pas vraiment compris (lui si). Celui qui nous reproche de mal interpréter le pape (il l’interprète toujours bien). Celui qui soutient que le pape a raison dans tout ce qu’il dit (nous, par contre, quand nous détectons ces choses étranges, nous sommes soit trop bêtes, soit trop mauvais, mais nous n’avons jamais raison).

Pourtant, je crains que même le plus habile de ces avocats linguistico-herméneutiques ne soit pas en mesure de sauver certaines des contradictions les plus stupéfiantes du pape. Prenons par exemple la plus récente : le 8 mars dernier, il a saisi l’occasion de rejoindre la vague féministe du moment en déclarant que « l’égalité des chances doit être offerte aux hommes et aux femmes dans tous les contextes ».

Il est impossible qu’en prononçant ces mots, le pape ne se soit pas souvenu qu’il existe un contexte, très proche de lui, celui du clergé catholique, où les hommes ont la possibilité d’accéder à l’ordre et les femmes non. Il ne s’en est pas soucié. Tout orateur rigoureux avec la vérité aurait fait une précision à cet égard (expliquer cette exception) ou même quelque chose de plus simple : éviter modestement le syntagme « dans tous les contextes », que le pape ajoute pourtant (par négligence ? pour faire bonne figure le 8-M [le 8 mars, journée internationale de la femme]? un mélange de motifs ?).

Cet ajout rend cependant encore plus flagrante la contradiction entre ce que le pape défend réellement et ce qu’il dit là. En ces temps de post-vérité, certains d’entre nous recherchent la rigueur et le respect de la vérité, de toute la vérité, et seulement de la vérité, lorsqu’ils s’expriment. Nous fuyons les contradictions. Le pape, lui, préfère s’inscrire dans la dérive contemporaine du laxisme.

Ce n’est pas très grave : entre l’apparition du marxisme et la dénonciation de son caractère antichrétien, il s’est aussi écoulé un certain temps ; entre l’apparition d’une hérésie et sa dénonciation, il s’écoule souvent des années ou des décennies.

Le problème réside peut-être dans l’impatience de certains d’entre nous, qui ne supportent plus ce climat où plus rien n’est vrai ou faux, et où tout dépend de la puissance de l’orateur pour rendre les choses acceptables ou non.

Mais, que ce soit avec ce pape ou avec un autre pape à venir, une chose est sûre : la post-vérité est un problème de notre temps auquel il faut s’attaquer d’urgence. Et ces dix dernières années n’ont pas aidé ceux d’entre nous qui croient qu’une telle bataille doit être menée.

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