Voici un article issu d’un site catholique espagnol (et repris sur Il Sismografo) qui rétablit certains faits simplement historiques autour de la campagne massive, issue de Pologne – ou peut-être d’officines spécialisées plus exotiques -, visant à souiller la mémoire de Jean Paul II à travers les affaires de pédophilie (l’accusation « idéale » aujourd’hui). Campagne qui s’appuie largement sur l’ignorance des gens, dont beaucoup, surtout dans les jeunes générations, ne savent pas comment fonctionnait le système communiste. Discréditer les prêtres, ce n’était pas seulement lutter contre l’Eglise du moment, mais créer une mémoire future. Et cela marche encore aujourd’hui.

Malheureusement, la campagne médiatique en Pologne est forte, ce qui peut amener de nombreuses personnes à penser : peut-être qu’il y a une part de vérité dans tout cela, après tout ?

Cela montre à quel point il est important de faire preuve d’esprit critique et d’avoir au moins quelques connaissances sur le passé de la Pologne.

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Karol Wojtyla

Surinterprétation et manipulation : la polémique sur le cardinal Wojtyła en Pologne.

Barbara Stefańska
21 mars 2023
omnesmag.com/actualidad/manipulacion-polemica-wojtyla-en-polonia/

Les accusations de dissimulation d’affaires pédophiles par le cardinal Wojtyła reposent sur des documents peu fiables issus des archives communistes de l’époque, connues pour « fabriquer » des documents afin d’orienter la mémoire ultérieure.

Suite à la publication d’un livre et à la diffusion d’un reportage télévisé, la polémique sur l’héritage de saint Jean-Paul II s’est intensifiée en Pologne. Les auteurs l’accusent d’avoir couvert des cas de pédophilie lorsqu’il était archevêque métropolitain de Cracovie. Ces accusations se fondent sur des témoignages peu fiables datant de l’époque communiste.

Un livre écrit par le journaliste néerlandais Ekke Overbeek et un reportage télévisé sur une chaîne privée ont été rendus publics en Pologne au même moment. Certains faiseurs d’opinion ont immédiatement accepté comme crédibles les thèses contenues dans l’un et l’autre sur le comportement du cardinal Karol Wojtyła à l’égard de certains prêtres pédophiles.

Au contraire, de nombreuses associations et institutions se sont levées pour défendre la mémoire du saint pape ; même le Parlement polonais a émis une résolution à ce sujet.

Cependant, le plus grand mérite réside dans l’analyse, notamment historique, des matériaux utilisés par les auteurs de ces accusations, qui se sont appuyés sur des documents des services secrets communistes conservés à l’Institut de la mémoire nationale.

Fausses accusations et discrédit de l’Église

Avant 1989, le régime communiste a mené une lutte systématique contre l’Église en Pologne.

Outre l’absence de liberté religieuse, des ecclésiastiques ont même été assassiné.

Les services de l’État s’appuyaient sur un réseau d’informateurs, dont des prêtres. Parfois, l’appareil d’État utilisait leur connaissance d’informations problématiques comme moyen de contrôle, par exemple le fait qu’un prêtre abusait de l’alcool ou avait un enfant, pour le faire chanter et l’obliger à coopérer. Les informateurs recueillaient des informations de qualité variable ainsi que de nombreuses rumeurs.

Le livre d’Ekke Overbeek commence par des accusations contre le prédécesseur et mentor du cardinal Wojtyła, le cardinal Adam Sapieha. L’auteur cite les accusations du prêtre Anatol Boczek, que le cardinal a suspendu de la prêtrise.

Boczek décrit deux rencontres avec le cardinal Sapieha en 1950, au cours desquelles il aurait subi des abus. Il suffit toutefois de vérifier les dates pour mettre en doute cette explication : le cardinal Sapieha, malade, avait 83 ans à l’époque, et il aurait battu le jeune prêtre. Cependant, comme le souligne l’historien Professeur Paweł Skibiński, l’auteur du livre ne réfléchit pas à la réalité factuelle des allégations.

La mention du cardinal Sapieha est importante dans la mesure où elle constitue directement, pour ainsi dire, une introduction à l’attaque contre le cardinal Wojtyła. La thèse est que Wojtyła lui-même a été victime d’bus et que cela a influencé son attitude envers les abus sexuels. Une chose que même les responsables communistes de l’époque n’auraient pas inventée.

Le reportage télévisé cite les cas de trois prêtres dont le cardinal Wojtyla aurait couvert les crimes sexuels lorsqu’il était archevêque de Cracovie. Comme le souligne l’historien de l’Institut de la mémoire nationale, le professeur Rafał Łatka, l’un de ces prêtres a été envoyé par le futur pape dans le diocèse auquel il appartenait parce qu’il n’était pas membre du clergé de Cracovie. Il a donc agi conformément au droit canonique. Dans le deuxième cas, le prêtre a été suspendu et interdit d’exercer, tandis que dans le cas du troisième prêtre, il n’y a pas de preuve convaincante que le cardinal était au courant des abus. En outre, on ne sait pas exactement de quoi il s’agit.

La conclusion est que ces documents journalistiques ont été préparés dans le cadre d’une thèse préfabriquée.

Les auteurs n’ont pas vérifié les sources, qui proviennent d’un contexte très spécifique. En outre, comme l’a souligné l’historien Marek Lasota, « il n’y a même pas eu de demande d’accès à la curie de Cracovie pour obtenir les sources concernant les ecclésiastiques dont parle Overbeek ». Il en va de même pour le reportage télévisé.

« Fabrication de documents »

L’archevêque Grzegorz Ryś, un historien qui a fait partie de la commission historique qui a enquêté sur la période cracovienne du cardinal Karol Wojtyła pendant le processus de canonisation, souligne que l’une des clés de l’interprétation des documents est qu’il s’agissait d’un État communiste totalitaire, où les autorités de l’époque étaient en guerre contre l’Église et la nation. « Je peux montrer les documents de l’époque du cardinal Karol Wojtyła à Cracovie, qui ont été fabriqués non pas pour résoudre quoi que ce soit à l’époque, mais pour guider la réflexion 50 ans plus tard. Il s’agit d’un conflit sur la mémoire », a souligné l’archevêque Ryś.

La manière dont les services de l’État ont agi à l’époque est illustrée, par exemple, par le cas du prêtre assassiné Roman Kotlarz. De son vivant, le SB (Służba Bezpieczeństwa, le service de renseignement communiste et la police secrète) a fait courir le bruit que le prêtre Kotlarz voyait des femmes et était alcoolique. En conséquence, il y a dix ans, lorsque l’évêque de Radom a demandé aux prêtres du diocèse s’il était possible d’ouvrir le processus de béatification de Kotlarz en tant que martyr, les prêtres ont répondu qu’il avait des mœurs légères et qu’il était alcoolique. « Cela a fonctionné, cela a fonctionné », explique l’archevêque au jeune homme. – explique l’archevêque aux jeunes, faisant référence aux méthodes utilisées à l’époque.

De même, les documents ont pu être délibérément « fabriqués ». Par exemple, Mgr Rys a trouvé dans les archives une lettre d’un militant communiste faisant l’éloge du cardinal Wojtyla. « Pourquoi écrire une lettre qui n’est qu’un mensonge ? De sorte que, quelque temps plus tard, celui qui irait aux archives trouverait cette lettre […]. C’était une lettre écrite dans l’espoir de créer une autre mémoire », affirme l’archevêque.

Comme on le voit, il est facile de décrédibiliser les thèses présentées dans les médias sur la prétendue dissimulation de ces affaires par le cardinal Wojtyła. Malheureusement, la campagne médiatique en Pologne est forte, ce qui peut amener de nombreuses personnes à penser : peut-être qu’il y a une part de vérité dans tout cela après tout ? Cela montre à quel point il est important de faire preuve d’esprit critique et d’avoir au moins quelques connaissances sur le passé de la Pologne.

L’enjeu est de taille. Rien ne peut nuire à la sainteté de Jean-Paul II, mais saper son autorité dans sa patrie nous nuit à nous-mêmes, à notre identité. Car Jean-Paul II reste pour beaucoup une référence, un guide. Mais les jeunes générations le connaissent de moins en moins et n’ont pas eu la chance de le connaître, c’est pourquoi nous devons nous battre pour sa mémoire.

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