Il prend des risques, d’autant plus qu’il est toujours en attente d’une prochaine nomination… et que François a la rancune tenace. Peut-être n’a-t-il plus rien à perdre. En tout cas, l’impression que les ponts sont rompus, avec Sainte Marthe est palpable. De passage à Milan, pour la présentation de son livre « Nient’altro che la verità », il répond aux questions des journalistes de la façon la plus explicite compte tenu des circonstances, notamment sur la proximité entre Benoît XVI et le cardinal Scola, et ne cache pas son regret qu’il n’ait pas été élu Pape.

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Rencontre mondiale des familles, Milan, 2012

Padre Georg : « Pas mal de cardinaux seraient aujourd’hui en accord avec Angelo Scola comme pape ».

« J’ai de l’estime et de la sympathie pour l’ex-cardinal de Milan. Mais je ne peux pas en dire plus, à Sainte Marthe il y a une grande sensibilité ».

milano.corriere.it
(Giampiero Rossi, Corriere della Sera)

« Je crois que pas mal de cardinaux auraient bien vécu si Angelo Scola avait été pape ».

Les mots semblent couler de source dans le large sourire qui les accompagne. Padre Georg Gänswein, secrétaire particulier de Joseph Ratzinger pendant près de vingt ans, ne cherche pas la polémique ou les phrases chocs, mais il ne se dérobe pas et n’élude pas les questions, sauf une.


— En y repensant, en cet après-midi de printemps milanais de 2023, auriez-vous personnellement accueilli favorablement l’élection comme pape du cardinal Angelo Scola, à l’époque archevêque de Milan ?

« Je ne peux pas dire que j’étais un ami du cardinal Scola, mais j’ai une grande sympathie personnelle et une profonde estime pour lui. Mais dire certaines choses aujourd’hui, sachant qu’il y a une grande sensibilité à Sainte Marthe… ».

Né en 1956, prêtre de l’archidiocèse de Fribourg (Allemagne) depuis 1984 et titulaire d’un doctorat en droit canonique, appelé au Vatican en 1995, d’abord à la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, puis l’année suivante à la Congrégation pour la doctrine de la foi, il est devenu en 2003 le secrétaire personnel du cardinal Joseph Ratzinger. Après son élection à la papauté le 19 avril 2005, Benoît XVI l’a confirmé dans ses fonctions et l’a nommé en 2012 préfet de la Maison pontificale, le consacrant archevêque le 6 janvier 2013, titulaire du diocèse d’Urbisaglia.
Le pape François l’a maintenu dans sa fonction, lui confiant, à partir de janvier 2020, la tâche de se consacrer exclusivement au pape émérite. Et maintenant que Ratzinger est parti, il attend une nouvelle destination. Mais entre-temps, il a écrit, avec le journaliste Saverio Gaeta, un livre : Nient’altro che la verità.

De passage à Milan pour une présentation à la librairie Mondadori [la maison éditrice, ndt], il s’arrête quelques instants pour évoquer la relation entre « son » pape et le cardinal Angelo Scola.

L’archevêque émérite de Milan a lui-même utilisé des mots de grande affection et d’estime lors de la mort de Benoît XVI : « Il a été pour moi un ami, mais plus encore un père, qui ne m’a jamais fait défaut, même dans certains moments difficiles de ma vie ».

— Quels souvenirs gardez-vous de la relation entre ces deux grandes figures de l’Église catholique ?

« Je me souviens des deux visites officielles que Ratzinger a rendues à Scola pendant son pontificat. La première a eu lieu à Venise, où Scola était patriarche. En mai 2011. Au-delà du cadre de la ville, qui à lui seul m’a laissé de beaux souvenirs indélébiles, l’accueil a été extraordinaire et ensuite la sympathie humaine et l’harmonie théologique entre le Pape et le Patriarche étaient déjà très perceptibles. Ils se connaissaient depuis un certain temps, précisément dans un contexte de réflexion théologique, et à ce moment-là, ils se sont retrouvés dans une belle harmonie. Pour la décrire, c’est l’image d’un voilier poussé par une bonne brise qui me vient à l’esprit ».

— Et un an plus tard, la situation se répète, mais à Milan, où entre-temps Scola est devenu archevêque par choix de Ratzinger.

« Il ne s’agissait toutefois pas d’une visite au diocèse, mais à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles. C’étaient les deux mêmes personnes, même si le cardinal avait changé de rôle et de ville, et je me souviens encore très bien de les avoir vus très heureux lorsqu’ils sont entrés dans le stade de San Siro bondé de monde ».

— À l’époque, il n’était pas question d’un successeur potentiel, car il n’était même pas concevable qu’un pape démissionne. Mais le 11 février 2013, les choses ont soudainement changé.

« Et encore plus à partir du 28 février, quand à 20 heures le pape a signé la rnonciation et est monté dans l’hélicoptère qui l’a emmené à Castel Gandolfo, parce que le monastère Mater Ecclesiae n’était pas encore prêt à l’accueillir. Je me souviens très bien que beaucoup de gens, et vous les journalistes en particulier, se sont empressés de dire que le cardinal Scola serait le successeur naturel, et même qu’il « allait de soi ».

— Et la réalité, pour autant que vous vous en souveniez, quelle est-elle ?

« Le pape Benoît XVI n’a parlé à personne, n’a répondu à personne, précisément parce qu’il ne voulait pas et ne pouvait de toute façon pas influencer le conclave de quelque manière que ce soit. Mais tout comme il y a des faiseurs de roi, il y a aussi des faiseurs de pape qui, peut-être même en partant de faits réels, comme l’harmonie théologique et humaine entre les deux, ont aussi ajouté beaucoup d’imagination. Mais le monde catholique et ecclésial est vaste et diversifié, il y a toujours un élément non calculable et se concentrer uniquement sur Rome est une erreur ».

— Le cardinal Scola lui-même, avant de partir pour le Conclave, a dit à ses collaborateurs de l’archevêché de « rester calmes » parce qu’il ne serait pas élu. Mais vous, qui étiez si proche du pape Ratzinger, auriez-vous été heureux si le choix des cardinaux s’était porté sur l’archevêque de Milan ?

« Au-delà de mon estime personnelle et de ma sympathie, vous comprenez que toute phrase de ma part à ce sujet pourrait être interprétée comme une manifestation négative à l’égard de l’actuel pontife. Et comme je vous l’ai dit, il y a une grande sensibilité à Sainte Marthe… ».

— Je vais donc essayer de le dire et vous me direz si je me trompe. A mon avis, de tout ce que vous avez dit, il n’est pas difficile de déduire que vous auriez aimé Angelo Scola comme successeur du Pape Benoît XVI. Mais cela,c’est moi qui le dis.

Pas de réponse verbale. Mains jointes devant la bouche. Large sourire. Yeux mi-clos. Hochement de tête. Puis il ajoute :

« Je crois que pas mal de cardinaux auraient bien vécu si Angelo Scola avait été pontife ».

— Et qu’est-ce que cela signifie pour un cardinal de bien vivre un pontificat?

« Cela signifie se sentir en phase non seulement extérieurement mais aussi intérieurement ».

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