et même, à force de flatter ceux qui ne vous aiment pas, on finit par ne plus plaire à personne. Une preuve en est donnée par cet article paru dans le quotidien espagnol El Païs, un de ces journaux dits « de centre-gauche » qui sont en réalité des adversaires déclarés de l’Eglise et à l’avant-pointe de toutes les luttes « sociétales » de l’avortement aux droits LGBT en passant par les mères porteuses. Le journaliste a vu le documentaire de Disney+ mettant en scène le Pape en dialogue avec les jeunes, son regard n’est pas vraiment le mien… et lui non plus n’a pas aimé. Pour d’autres raisons.

François, je t’aime, mais…

Il Sismografo
(Sergio del Molino – elpais.com)

Si l’on a la patience de passer la première demi-heure de Amén: Francisco responde (version pontificale du vieux Aló, presidente chaviste [1], le spectateur curieux trouvera un documentaire, brillant par moments, qui laisse l’hypocrisie de Bergoglio transparaître à travers ses propres mots.

Rien de tel que de laisser parler les personnages pour qu’ils se perdent dans leur propre univers. Pour quelqu’un comme moi, surchargé de préjugés anticléricaux, il est gratifiant de découvrir qu’il n’y a rien derrière le verbiage papal.

Merci, Jordi Évole [le réalisateur, cf. Francisco risponde, qui est l’intervieweur du Pape?], pour cette embuscade digne d’un Gibelin contre un hôte Guelfe. Le début est un mélange de First Dates [2] et de Pueblo de Dios [3], combinant le pire des deux mondes, la catéchèse et le trash. Les 10 jeunes posent des problèmes sans intérêt et François les résout avec les plaisanteries d’un prof cool.

Mais c’est une jeune Argentine, militante pour l’avortement, qui le fait trébucher la première. Puis, un Espagnol qui a été abusé par un prêtre qui s’en est tiré à bon compte. C’est là que les choses sérieuses commencent.

François s’enfonce dans ces mares. Son verbiage doux et condescendant (il leur parle « avec affection ») n’atténue pas la dureté de ses jugements et ne camoufle pas son hypocrisie. Il compare l’avortement à l’embauche de tueurs à gages, rejette les apostolats des prêtres ultra comme l’œuvre d’ « infiltrés » ( ?), et reconnaît génériquement les abus de pouvoir, comme s’ils n’étaient pas les siens. Il laisse quelques phrases cocasses, comme « la catéchèse sur le sexe est en couches-culottes « , qui s’ajoutent à des sorties banales comme « Rome est une ville sale, mais unique ».

En résumé : François vous aime, mais n’assume pas la responsabilité des maux causés par son institution. François ne répond pas, il traîne les pieds.

J’ai regardé l’émission pour essayer de mieux comprendre l’Église en ces jours saints, mais je me suis lié d’amitié avec Jordi Évole, qui a fait un grand travail de journalisme à partir de ce qui semblait être de la propagande.


Ndt

[1] Aló Presidente est une ancienne émission de la télévision vénézuélienne diffusée de 1999 à 2012, animée par le président Hugo Chávez, qui lui servait de tribune pour présenter et défendre sa politique.

[2] First Dates est une émission de télé-réalité britannique. Filmée dans un restaurant de Londres, elle met en scène des couples qui ne se sont jamais rencontrés auparavant . À la fin, les couples sont interrogés ensemble et on leur demande s’ils aimeraient se revoir. 

[3] Pueblos de Dio, peuple de Dieu, programme religieux catholique diffusé le dimanche sur TVE, la chaîne publique espagnole

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