Les médias sont ingrats. Après avoir porté au pinacle le soi-disant « enfant terrible » de l’épiscopat français, qui dans les années 90 écumaient les plateaux télé pour démolir l’Eglise et le Pape en direct et surtout de l’intérieur, la nouvelle de sa mort, à 88 ans, a eu droit à peine à un entrefilet dans la presse. Sic transit... C’est le blogueur allemand Giuseppe Nardi qui dresse ici sa notice nécrologique.

Jacques Gaillot, Enfant terrible (*), mais réhabilité par le pape François

(*) en français dans le texte

Giuseppe Nardi
13 avril 2023
katholisches.info

Hier, 12 avril, Mgr Jacques Gaillot, l’un de ces hommes d’Eglise suspendus ou sanctionnés qui ont été réhabilités par le pape François, est décédé à Paris à l’âge de 87 ans. Le rebelle Gaillot avait été démis de ses fonctions et éloigné de son diocèse par le pape Jean-Paul II en 1995.

Mgr Jacques Gaillot est né en 1935 à Saint-Dizier en Champagne. Il a dû interrompre ses études de théologie au grand séminaire de Langres de 1957 à 1959 pour faire son service militaire en Algérie. Il cita plus tard cette expérience comme raison de ses positions pacifistes. En 1961, il a été ordonné prêtre dans son diocèse d’origine de Langres. À cette époque, il étudiait déjà à Rome. A son retour, il est devenu professeur au séminaire régional de Reims en 1965, puis curé de sa ville natale, Saint-Dizier, en 1973. Parallèlement, il enseigne à l’Institut de formation des éducateurs du clergé (IFEC) de Paris, un institut créé après le Concile Vatican II par la Conférence des évêques de France pour la formation initiale et continue des formateurs de séminaires.

En 1977, Gaillot devient vicaire général du diocèse de Langres et, en 1982, le pape Jean-Paul II le nomme évêque d’Evreux en Normandie. C’est là qu’il est devenu une sorte d’Eugen Drewermann français. C’est du moins la comparaison que les médias allemands ont tenté de faire pour le présenter au public allemand.

Pendant la guerre froide, il se transforme en feuille de vigne ecclésiastique de la gauche politique, en particulier de la Nouvelle Gauche non orthodoxe, qui s’organisait dans le mouvement écologiste et pacifiste. Il devient le visage des actions de Greenpeace et, il est le seul évêque à participer en 1989 au transfert de la dépouille d’Henri Grégoire au Panthéon de Paris, cette église désacralisée dont les ennemis de l’Eglise et les francs-maçons avaient fait le temple laïque de la République.

L’abbé Grégoire était un représentant des Lumières, franc-maçon de la loge parisienne des Neuf Sœurs, à laquelle appartenaient également Voltaire et Benjamin Franklin, et l’une des principales figures de la Révolution française. Il fut membre de l’Assemblée nationale française de 1790 à 1814, président de la Convention nationale en 1792 et président du Sénat à partir de 1801. En 1790, il se fit élire évêque de Blois et fut le premier clerc à prêter le serment demandé à la Constitution civile. Après la Grande Terreur, il s’opposa certes au « culte de la raison pure » et s’efforça, en tant qu’évêque constitutionnel, de réorganiser l’Église, de fait éteinte, mais sur des bases gallicanes schismatiques et dans l’esprit des Lumières antidogmatiques. En 1808, il fut élevé à la dignité de comte du nouvel Empire français.

La présence de Mgr Gaillot à cet hommage était avant tout un signal adressé au régime du socialiste et franc-maçon François Mitterrand, alors président de la République.

Mgr Gaillot s’est prononcé en faveur de la reconnaissance du divorce et du second mariage, de l’abolition du célibat sacerdotal, de la reconnaissance de l’homosexualité et de l’euthanasie, ainsi que de l’introduction du sacerdoce féminin. Il s’est engagé en faveur des migrants et de la migration et a été salué par les médias de gauche comme un « défenseur des minorités ». Il est ainsi devenu pour l’Eglise l’enfant terrible parmi les évêques de France.

Au bout de treize ans, Jean-Paul II l’a démis de ses fonctions d’évêque d’Evreux en raison de ses opinions hétérodoxes et de son engagement politique, tout en lui laissant le rang et le titre d’évêque titulaire de Partenia, un évêché de Mauritanie qui avait disparu au Ve siècle lors de l’invasion vandale en Afrique du Nord.

Gaillot a poursuivi son engagement teinté d’idéologie jusqu’à sa mort. C’est ainsi qu’à l’automne 2021, déjà très âgé, il demanda la levée du secret de la confession, car celui-ci « ne peut être au-dessus de la laïcité de la République ». Une fois de plus, il faisait écho aux forces hostiles à l’Eglise qui, à l’époque, voulaient supprimer le secret de la confession sous prétexte de « lutter contre les abus ».

Mgr Jacques Gaillot était toujours prêt à prendre parti pour la gauche politique contre l’enseignement de l’Eglise.

Mgr Gaillot lui-même, en tant qu’évêque d’Evreux, ne s’était pas vraiment couvert de gloire en matière de scandale d’abus. En 2000, après des révélations, il a dû admettre ce qu’il avait d’abord nié, à savoir qu’il était au courant des abus homosexuels d’un prêtre de son diocèse, qui avait ensuite été condamné à une peine de prison au Canada pour les mêmes faits.

Avec l’ancien évêque auxiliaire de Paris, Mgr Daniel Pézeril (1967-1986), Mgr Gaillot a été l’un des premiers évêques à mener ouvertement un « dialogue » avec la franc-maçonnerie.

Avec l’élection du pape François, le climat changea enfin. Le 30 août 2015, le marginal Gaillot, qui militait pour le « droit au mariage » des homosexuels et fantasmait sur le fait que les homosexuels « nous précéderont au ciel », donc seraient préférés par Dieu, fut reçu en audience par François. Le pape consacra trois quarts d’heure à Gaillot, à Sainte-Marthe, « dans une atmosphère détendue ». L’entourage de ce dernier qualifia cette rencontre de « rencontre de personnes partageant des idées semblables« .

Jacques Gaillot fait partie de toute une série d’hommes d’Eglise controversés que François a de fait réhabilités ou honorés directement ou indirectement, ou qu’il a fait passer de la marge au centre, parmi lesquels Ernesto Cardenal, Leonardo Boff, Gustavo Gutierrez, Eugen Drewermann, Pedro Arrupe, etc..

Cette galerie de « semblables » est à la fois très dérangeante et révélatrice du pontificat actuel.

Comme l’a annoncé hier la Conférence des évêques de France, Mgr Gaillot est décédé d’un cancer du pancréas, selon un communiqué du diocèse d’Evreux.

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