L’opération de médiation du Saint-Siège dans le conflit ukrainien, claironnée par un pape désireux de jouer à titre PERSONNEL un rôle de premier plan sur la scène politique internationale a viré à la catastrophe, et s’est terminé en un fiasco diplomatique et médiatique mondial, après la visite de Zelenski au Vatican. Le Saint-Siège a perdu la face, le pape, et avec lui les catholiques, a été humilié, en voulant assumer un rôle qui ne peut PAS être celui du Vicaire du Christ: une évidence soulignée par cette photo représentant François encadré par les « gros bras » de Zelenski (qui se croit décidément tout permis) en tenue de camouflage. Le commentaire de Stefano Fontana.

Le pape médiateur, une opération ratée et mal gérée

Stefano Fontana
La NBQ
17 mai 2023

Le traitement méprisant de François par le président ukrainien Zelenski a été embarrassant pour le pape et le Vatican. De graves erreurs ont été commises, notamment d’un point de vue diplomatique. L’Église catholique a pour mission d’enseigner la justice et le salut dans le Christ. Elle ne doit pas s’abaisser au niveau des puissants de cette terre.

Le traitement méprisant infligé à François par le président ukrainien Zelenski – « nous n’avons pas besoin de médiateurs » – après leur rencontre il y a quelques jours a été pour le moins embarrassant pour le pape et le Vatican, en rien adouci par quelques mots de circonstance, et même aggravé par les clarifications ultérieures. L’image représentant François au centre d’une cohorte de fonctionnaires ukrainiens en tenue de camouflage et armés a certainement été désolante pour le Saint-Siège. Même le protocole n’a pas pu être géré.

Il est vrai que le refus de la médiation vaticane a clairement révélé un président ukrainien désireux de résoudre la question par la seule force des armes, sans laisser à l’autre partie la moindre chance de poser la moindre condition ; il est également vrai que symétriquement est apparue la grave responsabilité des États européens dans l’armement de l’Ukraine sans pousser à un quelconque processus de paix… mais on ne peut nier que pour la diplomatie vaticane, cela a été un échec et une lourde perte d’image.

De graves erreurs ont été commises, précisément du point de vue diplomatique. Personne n’exprimerait publiquement sa volonté de servir de médiateur dans un conflit sans s’être assuré au préalable de l’acceptation des parties impliquées. La tierce partie qui propose sa médiation doit déjà être certaine, avant de rendre publique sa proposition, qu’elle sera acceptée. L’acceptation ou non ne doit pas être une possibilité mais une certitude préalable. Si l’on n’a pas cette certitude, il vaut mieux ne pas se proposer, compte tenu de l’effondrement d’image et d’influence qu’entraînerait un éventuel « non ».

Deuxièmement, si une action diplomatique « secrète » est lancée, pourquoi le dire dans une interview alors qu’elle est encore en cours ? C’est pourtant ce qu’a fait François à son retour de Hongrie, recevant en retour le démenti du gouvernement ukrainien, qui a nié l’existence même d’une telle action diplomatique secrète, mettant gravement le Vatican dans l’embarras, au point que même le secrétaire d’État Parolin a dû intervenir. Il n’en reste pas moins que personne ne peut légitimement affirmer qu’il y a eu ou qu’il n’y a pas eu d’activité diplomatique.

Toute l’opération du « pape médiateur » a donc été montée de manière désastreuse dès le départ et tout au long de son déroulement, tout d’abord du point de vue de la stricte pratique diplomatique. Ces choses-là se font discrètement, on s’assure à l’avance d’être accepté (lorsqu’en 1978 Jean-Paul II a évité la guerre entre le Chili et l’Argentine, sa médiation avait été demandée par les parties), on organise la communication et on règle le protocole des rencontres parce qu’en termes d’image, elles sont d’une grande importance.

Cette défaite contraste avec le désir de François de se positionner au niveau mondial comme un point de référence, exprimant même sa propre « géopolitique ». Le père Antonio Spadaro, directeur jésuite de La Civiltà Cattolica, a même écrit un livre intitulé L’atlante di Francesco. Selon lui, François serait opposé aux simplificateurs et à ceux qui voient tout comme un affrontement définitif entre le bien et le mal, il voudrait ramener le dialogue et la miséricorde au centre des relations internationales, pour travailler à un avenir de réconciliation.

Il aime toucher les plaies ouvertes qui existent entre les peuples, entre les nations ; il veut toucher les murs et les guérir. Le même geste que Jésus.

Cela signifie donc, poursuit Spadaro, que pour lui

il n’existe pas de situations non cicatrisées qu’on ne puisse résoudre ; il veut toucher les endroits blessés parce qu’il sait qu’entre les peuples et les nations il n’y a pas de situations de conflit qui ne peuvent être résolues : c’est une grande ouverture vers l’avenir.

Le fait est, cependant, que le prestige international du Saint-Siège a diminué au cours des dernières années, et le dernier acte de ce déclin a été le « non » de Zelenski. Le silence de l’Église sur la question des droits de l’homme en Chine et son compromis avec Pékin ont certainement joué un rôle. Mais aussi le silence sur les anciens et nouveaux régimes communistes d’Amérique latine. Dans ce sous-continent, il y a des gouvernements, comme celui du Nicaragua, qui persécutent depuis longtemps même les ecclésiastiques, ou d’autres qui accélèrent l’introduction de lois contre la vie et la famille, mais aucun cri d’alarme n’a été entendu de la part de Rome. Même en ce qui concerne Hong Kong et le Venezuela, le pape n’est pas intervenu. Ajoutez à cela ses différents discours « politiques » et l’adhésion de fond de l’Église catholique à des transitions politiquement correctes, comme celles de l’environnement et du green, de la santé et des objectifs 2030 de l’ONU, certes orientées. Tout cela a brouillé le rôle international du Saint-Siège.

La principale question à se poser est de savoir si l’Église a une mission de médiation diplomatique. L’Église catholique a pour mission d’enseigner la justice et le salut dans le Christ. Elle ne doit donc pas descendre au niveau des puissants de cette terre, en se faisant passer pour l’un d’entre eux et en opérant selon des critères politiques, qui ne sont même pas bien utilisés. Il se peut que deux nations, en particulier celles de tradition catholique, demandent une médiation, mais il ne faut pas que le pape se présente comme médiateur, descendant ainsi à un niveau politique et politisant.

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