« Pour arrêter le déclin, on a besoin de minorités créatives ». Le 24 mai 2016, une rencontre sur le thème « Université sans les disciplines humanistes? Les impulsions de Joseph Ratzinger / Benoît XVI ». était organisée au Campo Santo Teutonico à Rome. J’écrivais alors, et je pense que cela reste vrai aujourd’hui, après la mort du Saint-Père – si l’on met de côté la référence à Jean Paul II, qui a perdu beaucoup de son aura médiatique après les attaques dont il a été l’objet, notamment autour de l’affaire Orlandi:

Trois ans après le renoncement, le rayonnement intellectuel du Pape-théologien augmente de façon inversement proportionnelle à sa présence dans les médias. Des livres savants, des conférences lui sont consacrées, alors que ces derniers l’ont quasiment oublié (ce dont on ne se plaindra finalement pas), en tout cas évitent soigneusement toute référence à lui, faisant systématiquement comme si on était passé directement de Jean-Paul II à l’omniprésent François.

Dernière initiative en date, cette rencontre à Rome, parrainée par la bibliothèque Ratzinger, dont l’intervenant « vedette », Lorenzo Ornaghi (né en 1948), Professeur d’université a été – entre autre – ministre de la Culture du gouvernement Monti en 2011.

Le thème est la conception qu’a le Professeur Ratzinger de l’Université – un sujet que Benoît XVI connaît évidemment à fond par expérience personnelle.

Je crois intéressant aujourd’hui de relire ce que disait il y a sept ans l’un des principaux intervenants, Lorenzo Ornaghi:

« UNIVERSITÉ SANS LES DISCIPLINES HUMANISTES?
LES IMPULSIONS DE JOSEPH RATZINGER / BENOÎT XVI »


« ÉLARGIR LA RAISON » ET REDÉCOUVRIR L’HUMANISME


«Ratzinger est l’un des plus grands interprètes de la pensée et de la culture occidentale».
C’est la conviction de Lorenzo Ornaghi, ancien recteur de l’Université catholique du Sacré Cœur et ancien ministre du Patrimoine et des activités culturelles, qui intervenait hier soir à la troisième rencontre promue par la Bibliothèque Ratzinger au Campo Santo Teutonico au Vatican, sur le thème: « Université sans les disciplines humanistes? Les impulsions de Joseph Ratzinger / Benoît XVI ».

«Lieu de production de la recherche scientifique, c’est-à-dire d’authentique culture»: telle est l’idée d’université de Ratzinger, préoccupé par le fait que «la raison se referme en une science, ou le plus souvent, une pseudo-science, qui s’occupe seulement de ce que est quantifiable, mesurable, qui se rabougrit sous une forme de pseudo-science soupesée et évaluée en fonction de son utilité sociale réelle ou supposée».

«Si nous voulons au contraire bloquer le risque de déclin de la pensée et de la culture occidentale, nous devons élargir la raison, parce que la raison, en s’élargissant, réussit à embrasser la réalité complexe dans son ensemble, pas un fragment de celle-ci», a résumé Ornaghi illustrant le parcours du Pape théologien.

«En s’élargissant, la raison rencontre la foi, qui constitue la meilleure garantie de l’unité de la connaissance et est la prémisse indispensable de l’humanisme. C’est seulement par la promotion de cette unité fondamentale de la connaissance de l’homme, que nous réussissons – selon Ornaghi – à saisir jusqu’au fond non seulement la richesse, mais aussi l’actualité de l’humanisme. Si l’humanisme disparaissait de l’horizon de la recherche scientifique, la recherche s’appauvrirait vraiment, se réduisant à ce qui est mesurable ou jugé socialement utile. Si la culture de l’Europe desséchait ses racines humanistes, cette culture serait de plus en plus incapable d’interpréter les tendances de fond des changements en cours et d’essayer de les orienter, elle ne serait faite que d’esclaves, et les individus, les grandes communautés, les peuples au lieu d’être protagonistes de l’histoire, sujets importants du devenir historique, deviendraient seulement des objets ou des acteurs complètement insignifiants».


POUR ARRÊTER LE « DÉCLIN », ON A BESOIN DE « MINORITÉS CRÉATIVES »


«Le déclin des universités accompagne ou même précède le déclin de l’ Europe», dit Ornaghi.
«Cette vision d’un pessimisme presque augustinien dans les discours du pape Ratzinger est toujours accompagnée et corrigée par des aspects de grand encouragement et d’espoir: les universités ont non seulement la force de contribuer à arrêter le déclin de la culture et de la pensée occidentales, mais elles se trouvent dans une saison historique qui serait particulièrement heureuse pour ce travail».
Les « impulsions » de Benoît XVI sont deux: «la raison et les minorités créatives».

«La raison – explique Ornaghi – empêche que la paix précaire entre des valeurs que l’on considère comme toutes égales les unes aux autres et qui au contraire sont opposées et contradictoires, ne sombre dans le désordre de l’ensemble du système social».

La deuxième impulsion vient de l’expression «minorités créatives» qui «inspirées par l’humanisme cherchent à orienter les changements qui se produisent».
«Elles ne sont pas les résidus de vieilles majorités mais un élément vital, authentiquement humain, qui réapparaît lorsque l’ordre global de la société se grippe. Tandis que la forme de l’ordre se dissout, que ce soit d’une manière violente, ou bien par le vieillissement, ces éléments survivent et immédiatement après se recomposent dans une nouvelle forme».

«Je pense que la formation des minorités créatives est beaucoup plus importante que le consensus transitoire apparent des masses».

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