Et si la raison du retour du pape argentin dans sa patrie était (entre autres) politique? Rappelons que depuis 2019, le président d’Argentine, Alberto Ángel Fernández, est issu du « parti justicialiste » fondé par Juan Peron, et que la vice-présidente est Cristina Kirchner. Un « ticket » qui a succédé en 2019 au président de droite libérale, Mauricio Macri, ami de Trump (!) donc peu apprécié du système. Dans ce commentaire, José Arturo Quarracino émet l’hypothèse que le projet du Pape de se rendre en Argentine (qu’il a jusqu’à présent soigneusement évitée) en 2024 serait lié à l’intention de peser directement sur la vie politique de son pays (même s’il s’en défend).

Le véritable architecte de la formule présidentielle qui a été imposée lors des élections de 2019 et qui « gouverne » l’Argentine jusqu’à aujourd’hui n’était pas l’actuel vice-présidente, mais le pape François, qui a conseillé et aidé, par l’intermédiaire d’opérateurs politiques proches de lui, à faire en sorte qu’Alberto Fernández et Cristina Kirchner mettent de côté l’inimitié qui les avait opposés afin d’unir leurs forces et d’empêcher que l’expérience « néolibérale » – pour l’appeler par son nom – des forces politiques regroupées autour du président de l’époque, Mauricio Macri, ne continue à gouverner l’Argentine.

Jorge Mario Bergoglio en Argentine : voyage pastoral ou voyage politique ?

José Arturo Quarracino
www.marcotosatti.com/2023/05/30/el-fantasma-del-viaje-papal-a-argentina-politico-no-pastoral-quarracino/

La semaine dernière, la possibilité que François-Jorge Mario Bergoglio se rende pour la première fois en Argentine, après avoir été élevé au siège pétrinien en 2013, a été annoncée par l’actuel pontife lui-même. Une visite que l’on pensait être une réalité dans les premiers jours de son pontificat, mais qui a été reportée jusqu’à ce qu’elle atteigne les dix ans de sa non-présence en Argentine.

Un report qui n’a jamais connu d’explication officielle convaincante pour le non-voyage de Bergoglio dans son pays natal, sachant que saint Jean-Paul II s’était rendu moins d’un an après son élection en Pologne (2-10 juin 1979), avec l’un des gouvernements communistes les plus loyaux à l’Union soviétique de l’époque – totalement hostile à l’Église catholique. Pour sa part, Benoît XVI a effectué une visite pastorale officielle en Allemagne un an et cinq mois après son élection (9-14 septembre 2006), alors qu’il s’était déjà rendu dans son pays natal, pour quelques jours seulement (18-21 août), mais dans le cadre des Journées mondiales de la jeunesse de Cologne, programmées depuis 2004 par Jean-Paul II, huit mois avant sa mort.

On n’a jamais su pourquoi François-Bergoglio n’a pas voulu se rendre en Argentine, alors qu’il a visité à deux reprises des pays voisins : l’Équateur, la Bolivie et le Paraguay (5 au 13 juillet 2015), le Chili et le Pérou (15 au 22 janvier 2018).

Cela n’est pas dû à des problèmes d’agenda, comme on l’a souvent dit de manière informelle, car il est bien connu que lorsque l’évêque de Rome prend ses décisions, il le fait de manière totalement individuelle, en sautant ou en laissant de côté les protocoles, les agendas, les programmes, les décisions institutionnelles, etc.

Il est clair que s’il ne s’est pas rendu en Argentine en tant que pape jusqu’à présent, c’est parce qu’il n’a jamais voulu le faire… jusqu’à présent. Bien qu’il n’y ait pas de confirmation officielle, et malgré les doutes de beaucoup, il semble cette fois que le pontife se rendra l’année prochaine dans son pays natal, notre Argentine.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la nouvelle n’a pas suscité d’émoi, ni de joie ou d’enthousiasme parmi les fidèles catholiques, comme cela aurait pu être le cas au début de son pontificat. Tout d’abord, parce que le temps écoulé depuis l’élection du pape argentin est en principe préjudiciable à la nouveauté; l’exercice du pouvoir par notre compatriote a suscité des ressentiments, voire des perplexités – tout comme au niveau de l’Église universelle – puisqu’il a été constaté qu’au sein de l’Église argentine, il y a « des fils de première classe et des fils de seconde classe », au-delà de la « synodalité », du « dialogue », du « discernement », de la « miséricorde », de la « tendresse », de la « fraternité », comme l’ont prouvé certaines communautés religieuses traditionnelles et certains évêques non-progressistes, tous fidèles à la tradition catholique et à l’orthodoxie. Des évêques délinquants et pervers [voir par exemple le cas Zanchetta, ndt]] qui ont compté jusqu’à la dernière minute sur la protection complice du pontife, alors qu’il y a des évêques fidèles au Christ et à l’Église dont la démission a été acceptée quelques heures ou quelques jours après avoir atteint la limite d’âge pour rester en fonction, parce qu’ils ne faisaient pas partie du cercle d’amis pontifical [comme Mgr Aguer, archevêque de La Plata, ndt].

Même chose pour les communautés et mouvements religieux qui professent la foi en toute orthodoxie et restent fidèles à la tradition liturgique latine, mais dont la vie religieuse a été limitée ou annulée pour des raisons canoniques qui ne sont pas toujours claires.

Ou la fermeture ou la dissolution de séminaires de formation doctrinale et théologique solide, parce qu’ils ont « négligé ou laissé de côté la pastorale ».

Ou l’ouverture d’églises et de basiliques pour « inclure » des militants pro-avortement, des activistes LGTB, des pseudo-mariages homosexuels, tout en refusant la permission de célébrer la messe en latin dans ces mêmes enceintes sacrées.

Bref: l’exercice d’un pouvoir factieux appliqué par Bergoglio dans l’Église universelle – progressisme contre tradition – a également été ressenti en Argentine, ce qui a conduit à un fait frappant : aujourd’hui, l’Église argentine est un hybride, avec peu ou pas de poids ou de présence dans la vie nationale, pratiquement une ONG qui se nourrit de bonnes intentions, et rien de plus. Au milieu d’une crise colossale que le pays subit à tous les niveaux et qui n’offre aucun horizon d’espoir immédiat ou intermédiaire.

Dans ce contexte, la grande question que soulève l’éventuel voyage de Bergoglio en Argentine est de savoir s’il s’agira d’une visite essentiellement pastorale ou d’une visite aux intentions politiques à court terme.

La question se pose non seulement du fait que le pontife a publiquement manifesté une sympathie marquée pour des secteurs et des personnalités de la force politique au pouvoir, avec une nette tendance social-démocrate mondialiste, qui promeut à l’intérieur et à l’extérieur l’Agenda 2030 des Nations unies et le Forum économique mondial, qui comprend la promotion et la mise en œuvre de politiques de contrôle des naissances, la perspective gender et la subordination aux folies sanitaires imposées par l’Organisation mondiale de la santé, au bénéfice exclusif du pouvoir financier ploutocratique mondialiste qui s’est emparé des richesses naturelles du pays.

Un fait très peu connu, mais qui doit être pris en compte, est celui fourni par le journaliste et politicien radical Rodolfo Terragno, qui, dans un article publié le 15 janvier dans un grand journal argentin, a fait savoir, sur la base de sources fiables, que le véritable architecte de la formule présidentielle qui a été imposée lors des élections de 2019 et qui « gouverne » l’Argentine jusqu’à aujourd’hui n’était pas l’actuel vice-présidente [Cristina Kirchner, ndt], mais le pape François, qui a conseillé et aidé, par l’intermédiaire d’opérateurs politiques proches de lui, à faire en sorte qu’Alberto Fernández et Cristina Kirchner mettent de côté l’inimitié qui les avait opposés afin d’unir leurs forces et d’empêcher que l’expérience « néolibérale » – pour l’appeler par son nom – des forces politiques regroupées autour du président de l’époque, Mauricio Macri, ne continue à gouverner l’Argentine.

D’autre part, un analyste et politologue argentin de premier plan, Ignacio Zuleta Puceiro, a récemment publié un article dans lequel il analyse l’éventuelle visite du pape François en Argentine presque exclusivement d’un point de vue politique. Selon lui, l’objectif de la visite papale est de « remédier à la discorde irréconciliable » qui oppose actuellement les deux principales forces politiques – le gouvernement et l’opposition – afin de parvenir à un accord national qui permette de suivre, dans les années à venir, une voie qui s’annonce menaçante et qui, en principe, aura des conséquences catastrophiques pour la grande majorité de la population argentine.

Des conséquences catastrophiques non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan social, culturel, émotionnel et spirituel, ce qui est encore plus grave, mais sans qu’il y ait de dirigeants en vue qui possèdent les qualités morales et spirituelles qui leur permettraient d’assumer la responsabilité de gouverner dans l’intérêt du peuple et non en faveur de leurs petites ambitions personnelles.

Dans ce contexte, il reste à voir si notre compatriote à Rome osera venir en Argentine, car il est lui aussi en partie responsable de cette débâcle nationale qui semble ne pas avoir de fin. Et peut-être percevra-t-il que le défi de l’unité le dépasse, puisque l’expérience a montré jusqu’à présent qu’il était un spécialiste de la division et de la séparation, plutôt que du maintien de l’unité dans la diversité, comme il le proclame sans cesse, mais sans jamais l’avoir forgée au cours de sa longue carrière sacerdotale.

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