Il est curieux, sinon savoureux, de voir à quel point une Eglise qui prétend être attentive à la voix des derniers, l’Eglise « en sortie » de Jorge Mario Bergoglio, s’est rangée sans condition du côté des puissants, cette Europe de Bruxelles qui, en plus d’écraser les peuples sous une myriade de règlements absurdes et délétères et de leur imposer une immigration sans limite, défend l’avortement, la culture gay et l’euthanasie. A cet égard, les communiqués de la COMECE (avant, puis éprès les élections) sont une synthèse…

Parlement européen: les évêques ont perdu mais disent qu’ils ont gagné

Stefano Fontana
La NBQ
12 juin 2024

Le lendemain du vote qui a consacré les partis de droite, les réactions des évêques européens – qui avaient activement soutenu les positions pro-européennes les plus extrêmes – expriment la satisfaction de voir confirmée la ligne von der Leyen. Échec également pour les candidats italiens parrainés par l’Église officielle.


Pour les élections européennes, les évêques catholiques eux aussi sont descendus dans l’arène, comme militants du parti « Plus d’Europe ». La Lettre ouverte à l’Europe du cardinal Zuppi et de Mgr Crociata [ndt: cette lettre est publiée en français sur le site de L’Eglise en France, avec approbation de nos évêques, cf. eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/leurope/elections-europeennes-2024], l’un président des évêques italiens et l’autre des évêques de l’Union [COMECE, Commission des évêques de l’Union européenne], avait poussé à ce que le « rêve » européen ne s’arrête pas mais se renforce. Les communiqués de la Comece, la Commission des évêques de l’Union, invitaient à poursuivre le défi, en contrecarrant les tentations populistes et nationalistes. Le secrétaire adjoint de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Francesco Savino, a même souhaité que l’Europe redevienne cohérente avec l’esprit de Ventotene [1]. De nombreux diocèses italiens ont invité à voter pour des partis et des personnes soutenant le projet européen. Personne n’a demandé de voter pour arrêter le processus et le repenser.

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Les évêques ont donc participé à la campagne électorale en choisissant un camp. Ont-ils gagné ou perdu ? Le résultat du vote indique qu’ils ont perdu. Le train Europe ne s’est pas arrêté, il n’est pas revenu à sa gare de départ, mais il a au moins ralenti ; s’il continue, ce ne sera plus comme avant, l’abandon de souveraineté à l’Union diminuera, les passagers du train ont manifesté un profond mécontentement. La grande vitesse ne convient plus à l’Union. Les exhortations des évêques à avancer rapidement, même avec de nouvelles dispositions institutionnelles et le réarmement, n’ont pas été entendues.

La défaite des évêques, en l’occurrence italiens, est également marquée par l’échec des candidats catholiques parrainés par l’Église officielle. Fabio Pizzul, ancien président de l’Action catholique à Milan et occupant des fonctions importantes dans le diocèse, très impliqué dans l’associationnisme catholique (de gauche), n’a pas été élu.
Marco Tarquinio, longtemps à la tête d‘Avvenire, le journal appartenant aux évêques italiens, est passé par le trou de la serrure. Il a été le premier des non-élus, lorsque – une fois résolu l’étrange problème technologique dans la collecte des données romaines – il a réussi à rassembler juste ce qu’il fallait pour rentrer par la fenêtre. Et dire que Tarquinio avait derrière lui une grande partie du monde catholique institutionnalisé dans la ligne Zuppi-Sant’Egidio.

Les candidats qui ont signé le manifeste Pro Vita & Famiglia, un manifeste qui représente l’exact opposé de la position de la CEI et de la COMECE, ont eu plus de succès. Une vingtaine d’entre eux ont été élus après s’être engagés non pas à défendre la démocratie contre les populistes, mais à empêcher l’avortement systématique et à ne pas soutenir l’idéologie verte et l’idéologie du genre. Des engagements que les pasteurs auraient dû exiger.

Personne n’exige que les évêques fassent amende honorable et déclarent leur défaite. Mais il est assez étrange qu’ils disent avoir gagné.
Immédiatement après les élections
, le Secrétariat de la COMECE a publié un communiqué évaluant les élections qui venaient d’avoir lieu.

Malgré le tsunami électoral, la COMECE se dit satisfaite parce qu’il y a une majorité pro-Union, une grande partie du nouveau parlement qui veut « plus d’Europe » persiste, et cela confirme les indications et les demandes des évêques eux-mêmes. Voici le passage :

« Les premiers résultats montrent qu’une majorité pro-européenne persiste au sein du Parlement européen. La majorité des électeurs a exprimé son soutien au projet européen et un grand désir de plus d’Europe. Il s’agit d’une bonne nouvelle et d’un des points clés soulignés par la COMECE dans les mois précédant les élections ».

Le communiqué déplore ensuite « l’augmentation considérable des partis nationalistes et eurosceptiques, en particulier dans les pays fondateurs de l’Union européenne » qui « manifeste une grande désaffection à l’égard de la politique de l’UE » et qui est donc à l’origine du fort taux d’abstention. Enfin, il appelle à davantage de travail pour « réduire le fossé perçu entre l’Union européenne et ses citoyens et pour apporter des réponses adéquates à leurs préoccupations. Ces réponses doivent être apportées en renforçant l’Union, et non l’inverse.

Bref, tout s’est bien passé, nous avions raison, continuons.

Selon de nombreux évêques allemands, la ligne von der Leyen est confirmée par le vote et le danger ne vient pas d’une Union européenne artificielle et instrumentale, mais d’un populisme de droite qu’il faut arrêter.

L’idée qu’une solide majorité pro-européenne est sortie des urnes est également soutenue par l’agence SIR des évêques italiens selon laquelle « le vote européen renforce von der Leyen ». Une manière de faire croire que rien de nouveau ne s’est produit.

La mobilisation électorale de l’Eglise catholique est motivée par la haine de deux ennemis : le populisme et la simplification qui, selon les évêques, sont un danger mortel pour la démocratie. Le populisme serait le désir de se débarrasser des institutions et de la médiation, la simplification consisterait à transformer des questions complexes en problèmes faciles à résoudre. Les deux seraient le signe d’un infantilisme politique, celui-là même qui a poussé la moitié de l’Europe à voter contre l’Union.

Mais à bien y réfléchir, ouvrir les frontières sans discernement, oublier que l’Europe s’étend jusqu’à l’Oural, croire aux fables de la transition verte, dépouiller l’Europe d’énergie pour « sauver la planète »… ne sont-ce pas là des formes de populisme et de simplification immature ?

NDT

Le Manifeste de Ventotene, écrit en juin 1941 et ayant pour titre complet « Pour une Europe libre et unie. Projet de manifeste », est un texte précurseur de l’idée de fédéralisme européen. Ses rédacteurs sont Altiero Spinelli et Ernesto Rossi.

Journaliste, militant communiste et anti-fasciste avant de devenir homme politique, Altiero Spinelli fut condamné en 1927 à 16 ans de prison pour ses écrits contestant l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini.

D’Ernesto Rossi, il faut retenir le considérable travail de propagande anti-fasciste, fondant des groupes d’opposition, publiant des journaux clandestins et participant à des organisations secrètes (« Italia Libera »).

C’est en résidence surveillée, alors qu’ils sont déportés sur l’île de Ventotene, que fut rédigé ce manifeste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_de_Ventotene
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