Le 2 octobre débutera à Rome la deuxième session du synode sur la synodalité. Parmi les membres de nomination papale, la présence du cardinal Müller, l’un des chefs de file de l’opposition à François et l’un des héritiers de Benoît XVI en tant que « curateur » de ses Opera Omnia, a surpris beaucoup d’observateurs. Avec son langage direct habituel, le prélat allemand dénonce, dans un entretien avec le site espagnol InfoVaticana, la synodalité voulue par François comme « nom de code d’une autre Église, issue de l’imagination sécularisée des protagonistes d’une religion mondiale unique sans Dieu, sans Christ, sans dogmes et sans sacrements de la foi catholique« .

Il y a toujours le danger que des progressistes autoproclamés, en accord avec des forces anticatholiques dans la politique et les médias, introduisent dans l’Église l’Agenda 2030, dont le cœur est une vision woke de l’humanité, diamétralement opposée à la dignité divine de chaque être humain

Giuseppe Nardi

Cardinal Müller : « Il y a un risque que l’Agenda 2030 soit introduit dans l’Eglise ».

Le pape François est actuellement en voyage en Asie du Sud-Est, mais ses yeux sont déjà tournés vers les événements à venir. Le 2 octobre débutera à Rome la deuxième session du synode sur la synodalité. Il s’agit du premier « synode » de l’Eglise qui n’est plus un synode des évêques, car le pape François, en douce, a changé les règles du jeu pour construire l’ « Eglise synodale » qu’il appelle de ses vœux.

Cette deuxième session synodale se déroulera jusqu’au 27 octobre. La fin du synode sur synodalité, initialement prévue pour cette date, a entre-temps été prolongée par François jusqu’en juin 2025.

Le cardinal Gerhard Müller sera lui aussi présent à Rome en tant que membre du synode – nommé à la surprise générale par François lui-même. L’ancien évêque de Ratisbonne, nommé par le pape Benoît XVI à Rome en tant que préfet de la foi de la Sainte Eglise, a été démis de ses fonctions par le pape François à la première occasion, c’est-à-dire en juin 2017. Depuis lors, François ne semble plus avoir vraiment besoin du géant allemand qui, en tant que préfet de la foi, avait tenté de contrecarrer le pontificat bergoglien dès que ses contours se sont précisés et que sa direction est devenue reconnaissable.


Le cardinal Müller fait partie des principaux détracteurs de la « voie synodale » ou du « processus synodal » que François prescrit à l’Eglise et dont les racines sont à chercher en Allemagne. 

InfoVaticana s’est entretenu avec le cardinal sur l’évolution actuelle et le prochain synode sur la synodalité, dont certains disent que François l’a conçu comme un point de non-retour pour l’Eglise, car, selon l’idée de Sainte Marthe, le chemin vers l’avenir « synodal » de l’Eglise devrait être irréversible.

Voici l’interview complète du cardinal Müller, réalisée par Javier Arias pour InfoVaticana

InfoVaticana : Dans quelques semaines débutera la phase finale du Synode, comment abordez-vous cette dernière session  ?

Cardinal Müller: A ma grande surprise, le pape m’a nommé membre du synode. La raison invoquée était qu’il fallait plus d’expérience théologique. Des groupes hérétiques déguisés en progressistes ont critiqué cette décision comme étant une manœuvre purement tactique du pape, qui voulait signaler aux catholiques orthodoxes, étiquetés comme conservateurs, voire traditionalistes, que les participants étaient équilibrés et qu’il n’y avait pas de raison de s’inquiéter.

La constitution hiérarchique et sacramentelle de l’Église existe par droit divin

InfoVaticana : Avec quels sentiments êtes-vous sorti de la session synodale d’octobre dernier ?

Cardinal Müller : Ça aurait pu être pire. Mais beaucoup de participants à ce synode, qui est plutôt devenu un symposium théologique et pastoral en raison de la nomination de non évêques, n’ont pas les idées claires sur la nature, la mission et la constitution de l’Eglise catholique. On a souvent répété que le Concile Vatican II avait inversé la constitution de l’Église, comme une pyramide. La base, c’est-à-dire les laïcs, se trouverait désormais au sommet et le pape et les évêques à la base. Mais le concile Vatican II a confirmé la constitution apostolique de l’Eglise, qu’Irénée de Lyon, nommé docteur de l’Eglise par le pape François, avait formulée si clairement contre les gnostiques.

Par le baptême et la confirmation, tous les chrétiens participent à la mission de l’Eglise, qui émane du Christ, pasteur, grand prêtre et prophète de la Nouvelle Alliance. Mais contrairement à la négation protestante du sacrement de l’ordre (évêque, prêtre, diacre), la constitution hiérarchique et sacramentelle de l’Église existe de droit divin. Les évêques et les prêtres n’agissent pas en tant que représentants (délégués, mandataires) du peuple sacerdotal et royal de Dieu, mais au nom de Dieu pour le peuple de Dieu. Ils sont en effet désignés par l’Esprit Saint pour paître, en tant que bergers, le troupeau de Dieu qu’Il a acquis par le sang de son propre Fils comme le nouveau peuple de Dieu (cf. Actes 20,28). C’est pourquoi le ministère d’évêque et de prêtre est conféré par un sacrement spécifique, afin que les serviteurs de Dieu ainsi dotés d’un pouvoir spirituel puissent agir au nom et dans la mission du Christ, Seigneur et Tête de son Église, dans leur ministère d’enseignant, de pasteur et de prêtre (Vatican II, Lumen gentium 28 ; Presbyterorum ordinis 2).

Il y a un risque que l’Agenda 2030 soit introduit dans l’Église

InfoVaticana : Y a-t-il des raisons de s’inquiéter de ce qui pourrait se passer après le Synode ?

Cardinal Müller : Il y a toujours le danger que des progressistes autoproclamés, en accord avec des forces anticatholiques dans la politique et les médias, introduisent dans l’Église l’Agenda 2030, dont le cœur est une vision woke de l’humanité, diamétralement opposée à la dignité divine de chaque être humain [cf. L’avertissement des cardinaux : « Il y a des puissances qui veulent abuser du covid pour s’emparer de la domination mondiale »]. Ils se considèrent comme progressistes et estiment qu’ils ont réussi à rendre service à l’Eglise quand l’Eglise catholique est louée par ce camp trompeur pour avoir vendu notre droit d’aînesse à l’Evangile du Christ aux idéologues écomarxistes de l’ONU et de l’UE pour le plat de lentilles des applaudissements.

InfoVaticana : Le cardinal Víctor Manuel Fernández a dit il y a quelques mois que Fiducia supplicans avait été publiée afin que les bénédictions pour les couples de même sexe ne monopolisent pas le Synode. Que pensez-vous de cette déclaration ?

Cardinal Müller: Ils se félicitent peut-être pour leurs jeux tactiques. Mais il s’agit de la vérité. La prise en charge pastorale des personnes ayant des problèmes d’orientation vers l’autre sexe, que le Logos du Créateur a lui-même inscrits dans notre nature, ne doit pas nuire à la vérité du sacrement de mariage et de la bénédiction, qui est la promesse de la grâce de Dieu de faire le bien et d’éviter le péché.

L’Église n’est pas une organisation politique

InfoVaticana : D’autres, comme le cardinal Zen, ont critiqué le format du Synode des évêques parce qu’il permet la participation de laïcs, de religieux et de prêtres.

Cardinal Müller:   J’ai déjà expliqué qu’il y a soit un Synode des évêques en tant qu’institution de la collégialité de tous les évêques avec et sous le Pontife romain, soit un symposium avec des participants de tout le peuple de Dieu pour échanger des points de vue sur les questions urgentes et les défis actuels, pour consulter et aussi pour faire des propositions. Cette assemblée ne doit en aucun cas ressembler à une conférence de parti dans un système autoritaire, où chacun est étroitement surveillé et contrôlé afin qu’il s’exprime selon les souhaits des autorités et où le seul véritable dirigeant décide ensuite comme il l’entend. L’Eglise n’est pas une organisation politique et sa constitution n’a rien à voir avec une monarchie absolue ou constitutionnelle, une oligarchie aristocratique ou un gouvernement libertaire ou totalitaire du peuple. .

L’Église est le peuple de Dieu, et chaque chrétien individuel s’adresse directement à Dieu dans sa conscience et sa prière. Et les évêques sont établis comme pasteurs pour enseigner, guider et sanctifier le peuple de Dieu selon le cœur de Jésus. L’Église est le sacrement du salut pour le monde en Christ. Elle contribue également au bien commun, à la justice sociale et à la paix dans le monde en exhortant les puissants et en priant pour eux. Mais elle n’a pas de mission politique directe et tient compte de l’autonomie relative en ces matières (Vatican II, Gaudium et spes 36).
Nous ne pouvons pas sanctionner par des peines spirituelles une opinion légitime sur le changement climatique, la vaccination obligatoire et l’immigration au profit d’une autre. De même que l’autorité ecclésiastique ne peut pas introduire de nouveaux sacrements, elle ne peut pas non plus inventer de nouveaux péchés capitaux. Celui qui a une opinion différente de la majorité politique actuelle sur le changement climatique ne peut certainement pas être sérieusement menacé de peines infernales.

Les positions hérétiques ne doivent pas être reconnues au nom de l’égalité des droits.

InfoVaticana : Le pape a appelé des personnalités controversées et hétérodoxes comme James Martin ou Maurizio Chiodi à participer au synode et aux groupes de travail.

Cardinal Müller: Il existe certainement dans l’Eglise une diversité légitime d’opinions sur des questions qui ne se rapportent pas à la vérité de la révélation, mais à des déclarations concrètes sur la pastorale, l’organisation des universités catholiques, etc. Il est évident que les positions hérétiques ne peuvent cependant pas être reconnues comme égales, car elles sapent le fondement de l’Eglise dans sa confession de foi.

La ruse consiste à opposer la position hétérodoxe, plus sensible sur le plan pastoral, à la position orthodoxe. La foi orthodoxe n’est pas remise en question, mais les défenseurs de la foi catholique sont psychologisés en tant que pharisiens et hypocrites, en tant que hérauts de la lettre, au cœur froid, en tant que traditionalistes épris du passé ou en tant que « spirituels » ‘indécrottables . A ce niveau intellectuel, il est facile d’organiser une alliance étroite avec les médias critiques envers l’Eglise et les idéologues du mondialisme socialiste-capitaliste.

InfoVaticana : Pensez-vous que d’autres sujets comme le célibat sacerdotal, le diaconat des femmes ou la pastorale pro-LGBT seront mis sur la table lors de cette dernière session ?

Cardinal Müller: Les protagonistes profiteront de l’occasion qui leur est offerte pour faire avancer leur agenda, mais cela ne conduira qu’à un nouveau déclin de l’Église, parce que ces objectifs sont dogmatiquement contradictoires ou manquent de toute profondeur spirituelle.

InfoVaticana : Ce synode conduit à davantage de divisions et de conflits au sein de l’Église ?

Cardinal Müller : Les divisions existent déjà. Ce synode – qui n’est plus un synode des évêques – ou plutôt ce symposium catholique international, doit être l’occasion de rendre visible l’unité de l’Eglise, qui est un prédicat de l’Eglise et qui, au-delà de toute politique et de toute diplomatie humaine, est un don de Dieu, et il doit rendre visible l’unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit, afin que les croyants croient que Jésus est le Fils du Père, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes (Lumen gentium 4).

InfoVaticana : L’Église en Allemagne suit de très près les événements du synode à Rome. Quelles pourraient être, selon vous, les conséquences en Allemagne si les demandes progressistes de l’Église allemande n’étaient pas mises en œuvre ?

Cardinal Müller : L’Eglise en Allemagne, surtout en ce qui concerne ses représentants officiels et les cercles de fonctionnaires catholiques qui leur sont associés, se trouve dans un état de rapide déclin intellectuel et spirituel. En revanche, il y a encore beaucoup de prêtres, de religieux et de laïcs, et même quelques évêques, qui sont et veulent rester catholiques. Ceux-ci sont toutefois ostracisés et marginalisés par les « synodalistes ».

InfoVaticana : C’est finalement le Vatican qui insiste sur le fait que ce synode porte sur la « synodalité ». Pourriez-vous expliquer en quoi consiste ce nouveau concept ?

Cardinal Müller : La synodalité est un concept abstrait créé artificiellement et un slogan basé sur la concrétisation du synode, c’est-à-dire l’assemblée régionale ou générale des évêques catholiques qui exercent leur ministère d’enseignement et de pastorale avec le pape, mais qui, paradoxalement, tire sa force d’attraction de la négation de la constitution hiérarchique et sacramentelle. Dans un sens plus large, le synode peut aussi être considéré comme une méthode de collaboration optimale entre tous les membres et toutes les couches de l’Église, qui doivent être unanimes pour louer Dieu et servir leur prochain (Ac 2,43-47).


Le synode n’est ni un nouvel attribut de l’Église, ni le nom de code d’une autre Église, issue de l’imagination sécularisée des protagonistes d’une religion mondiale unique sans Dieu, sans Christ, sans dogmes et sans sacrements de la foi catholique.

Share This