Ce serait hilarant si ce n’était si grave… La deuxième saison du feuilleton commencé en 2023 débutera le 2 octobre prochain et sera précédée d’une retraite « spirituelle » puis d’une « liturgie pénitentielle » où les participants (pardon, les « pénitents ») se battront la coulpe publiquement pour des péchés qui n’existent pas encore. L’inventaire en laisse songeur, à croire que les metteurs en scène de cette farce ont dressé leur liste (dont le clou est le « péché contre la synodalité ») à l’aide d’une variante écclésiastique du pipotron. Pauvre, pauvre Eglise
Le synode-farce redéfinit les péchés selon une logique politique
Stefano Fontana
lanuovabq.it/it/il-sinodo-farsa-ridefinisce-i-peccati-secondo-una-logica-politica
18 septembre 2024
Péché de « doctrine utilisée comme une pierre qu’on jette» et péché contre la synodalité. Mais aussi contre les migrants. La deuxième session du Synode ouvre des contenus politiques ou idéologiques pour appeler péché ce qui relève peut-être plutôt du bon sens. Faudra-t-il demander pardon pour avoir rappelé quelque principe doctrinal en récusant ceux qui veulent le changer ?
Le Synode sur la synodalité est de retour. Les travaux en assemblée de cette deuxième session intitulée « Pour une Église synodale : communion, participation et mission » se dérouleront du 2 au 27 octobre.
Toutefois, les jours précédents, les membres du synode participeront à deux rendez-vous dans la basilique Saint-Pierre : une retraite spirituelle qui durera deux jours (du 30 septembre au 1er octobre), puis une liturgie pénitentielle qui, selon les indications du Secrétariat général du synode, comprendra la confession publique de certains péchés énumérés comme suit: contre la paix, la création, les peuples indigènes, les migrants; contre les abus; contre les femmes, la famille, les jeunes; le péché contre la doctrine utilisée comme une pierre qu’on jette; contre la pauvreté, la synodalité, c’est-à-dire le manque d’écoute, de communion et de participation de tous.
Ce Synode n’est pas en bonne santé. Un sondage, aussitôt annulée par le Vatican, avait affirmé que la grande majorité des personnes interrogées n’attendaient rien de bon du synode. La fragilité théologique sur laquelle il prétend se fonder, les tactiques de politique ecclésiastique auxquelles il est soumis, la pratique d’un dialogue piloté et inclusif et, surtout, la perception que son point final est déjà décidé et que tous ces parcours sont destinés à être instrumentalisés ont conduit à l’utilisation du mot « farce ». C’est donc avec une certaine lassitude que nous abordons la deuxième session.
Le Synode sur la synodalité s’avère être un coup de force, un instrument pour faire évoluer la pratique ecclésiale vers quelque chose de nouveau sans le dire, un projet concret pour insérer une nouvelle sensibilité, une manière de faire qui change la manière d’être, une manière de sentir qui change la manière de penser la foi. Comme nous l’avons déjà noté ailleurs, ceci est également évident dans l’Instrumentum laboris rédigé pour cette deuxième session, et nous en trouvons la confirmation dans cette liste farfelue de péchés pour lesquels il faut demander pardon dans la Liturgie Pénitentielle du 1er octobre.
Les péchés énumérés ici manquent de forme, ils manquent de substance, de sorte que les fidèles sont incapables d’évaluer ce que signifie pécher dans le sens de ces péchés.
La forme du vol est l’appropriation du bien d’autrui.
Mais quelle est la forme du péché contre les peuples primitifs ou les immigrés? On ne peut pas se repentir et demander pardon pour quelque chose que l’on ne peut pas définir et donc évaluer.
Pécher contre la paix, la création, les peuples indigènes, les migrants… en général, sans évaluer le contenu de l’action, les circonstances et les intentions, est superficiel et moralement peu indicatif. De plus, cela ouvre facilement la porte à des contenus politiques ou idéologiques et, à leur lumière, finit par appeler péché ce qui pourrait être du simple bon sens.
Deux péchés en particulier apparaissent incompréhensibles dans la liste de la Liturgie Pénitentielle: celui de «doctrine utilisée comme pierre qu’on jette» et celui contre la synodalité.
Cette expression sur la doctrine a été utilisée, comme on le sait, à plusieurs reprises par François, mais elle n’est rien d’autre qu’un slogan, une phrase d’accroche difficilement traduisible en langage théologique. C’est une phrase polémique, pour frapper quelqu’un, pour stigmatiser toute attitude de fidélité à la doctrine contre les menaces d’une pastorale irréfléchie, une manière de dire la priorité de la praxis sur la doctrine sans l’affirmer explicitement, ou pour écarter ceux qui croient que les fondements doctrinaux ne changent jamais.
La phrase qui prétend exprimer ce péché suit la même logique que la lutte contre les hate speeches, les discours de haine, qui est au fond une manière de culpabiliser ceux qui disent des vérités qui ne plaisent pas aux pouvoirs en place.
Ou encore, cela ressemble à la condamnation des fake news: le pouvoir est le premier à les utiliser, mais appelle ensuite à les combattre lorsqu’elles expriment des vérités malvenues. Souvent, les fake news sont les seules vérités qu’on entend. Devrons-nous demander pardon pour avoir rappelé un principe doctrinal en récusant ceux qui veulent le changer ? Ceux qui rappellent les vérités de toujours seront-ils assimilés à des lanceurs de pierres ?
Le péché contre la synodalité est encore plus grotesque. S’il y a un point clair à propos de la synodalité, c’est que personne ne sait ce que c’est.
L’establishment ecclésiastique lui-même déclare que sa nature est d’être un processus : nous n’avons pas un synode, nous sommes synode et donc nous sommes processus et chemin, et c’est au cours de ce chemin que nous découvrirons, mais jamais définitivement, ce qu’est la synodalité. Elle n’aura pas de forme définie, mais sera une pratique à expérimenter.
Sur cette base, comment établir un péché contre la synodalité ? Lorsque l’autorité établira que telle ou telle action est un péché contre la synodalité, le processus synodal aura évolué entre-temps et ce pourrait alors être les censeurs qui pécheraient contre lui.
Quand on assume une logique historiciste – comme le fait la synodalité en tant que processus – plus rien n’est péché, car lorsque le péché est considéré comme tel, on l’a déjà dépassé et il n’existe plus.