Au moment où se déroule à Rome un synode qui n’intéresse pas grand monde (pour rester poli) et qui va discuter de la nature de la « vraie » l’Eglise, bref, « peser des œufs de mouches dans des balances en toile d’araignée », le père Guadalix, alias le curé de la Sierra nous régale d’une de ses paraboles truculentes qui dressent un portrait de l’Eglise d’en-bas d’aujourd’hui, en mettant en scène, comme d’habitude, des paroissiens (ou plus souvent des paroissiennes, Rafaela, Juana…) de bout de banc qui, sans bruit, servent humblement l’Eglise.
Comme je ne connais pas l’espagnol, certains sigles m’on donné du fil à retordre, mais même sans en connaître la signification, le sens est très clair, dans le contexte (voir annexe)

Synodalité particulière

Père Jorge Guadalix,
6 octobre 2024
www.infocatolica.com/blog/cura.php/2410060718-particular-sinodalidad

L’Église demande, l’Église exige, l’Église revendique, l’Église préfère, l’Église suggère.

Je ne sais pas si quelqu’un vous a demandé, aimables lecteurs, ce que vous demandez, exigez, réclamez, préférez ou suggérez. Certainement pas moi. Mais le fait est que si l’Église parle ainsi, c’est que quelqu’un le décide.

Par exemple, la question épineuse et difficile de l’immigration.

Nous avons lu à plusieurs reprises que l’Église demandait la régularisation de tous les immigrés ou la fermeture des centres de détention pour étrangers.
Rafaela dit que personne ne lui a demandé son avis. Mme Juana ne sait rien non plus. Je ne sais pas si une telle question a été posée à mes aimables lecteurs. Si ce n’est pas le cas, permettez-moi de dire que cela ne semble pas très synodal.

Autre exemple. Je lis sur le site de l’archevêché de Madrid : « L’Église de Madrid réclame la fermeture du CIE ».

L’Église de Madrid.

Et à la fin de la nouvelle, on nous donne un compte rendu d’un manifeste signé par Pueblos Unidos – SJM; CP San Carlos Borromeo; Cáritas diocesana de Madrid; Sercade; Comunidad de Sant’Egidio; Mundo en Movimiento; Observatorio DDHH Samba Martine; Mesa por la Hospitalidad de la Archidiócesis de Madrid; Justicia y Paz [voir annexe]

Il me semble que l’Église de Madrid, c’est plus que cela.

L’Église de Madrid, n’est-ce pas les quatre ou cinq dames de Braojos qui prient et aident leur paroisse et leur église, qu’il fasse chaud ou froid, plutôt que le CP San Carlos Borromeo? Juana, de La Serna, qui, à quatre-vingts ans, est la première à ouvrir l’église et à s’assurer qu’il ne manque pas de fleurs pour la Vierge, n’est-ce pas l’Église de Madrid ? L’Observatorio DDHH Samba Martine est-il plus l’Eglise de Madrid que les catholiques de Pozuelo, de La Guindalera, de Vallecas ou de Chamberí ? La Cáritas diocesana de Madrid est-elle plus l’Eglise de Madrid que les bénévoles qui travaillent depuis dix ans à l’économat de la paroisse de Beata Mogas ou que les centaines d’adorateurs qui maintiennent l’adoration perpétuelle dans cette même paroisse ? Car, à ma connaissance, personne ne leur a demandé, et je peux vous dire que les immigrés, on les connaît autant à Braojos, Vallecas, Beata Mogas ou Gandullas.

Depuis longtemps, de facto, il existe des groupes, des communautés, des observatoires ou des plateformes ecclésiastiques ou pseudo-ecclésiastiques qui ont décidé par l’article 33, c’est-à-dire par leur sainte volonté hormonale, qu’ils étaient l’Église fetén, authentique, synodale, évangélique et parfaite, et, par conséquent, ils sont devenus les porte-parole de toute l’ecclésialité sans que personne ne leur en ait accordé la représentation.

Cela se produit à tous les niveaux, et les membres du conseil paroissial Untel, qui gèrent les mêmes groupes depuis des années et qui sont des amis du curé, décident de ce qu’est la paroisse, et les membres de la plateforme X ou de la plateforme Y, pareil à d’autres niveaux, avec pour résultat qu’il existe une Église qui va à la messe tous les dimanches, se confesse, prie, fait l’aumône et défend sa foi, mais qui ne joue aucun rôle, tandis que ceux qui jouent un rôle sont ceux des plateformes habituelles qui, du haut de leur grand mépris, regardent avec une certaine commisération les Rafaelas, Joaquinas et Juanas qui, semble-t-il, pour ces groupes d’élus, ne comprennent toujours pas l’authentique vérité de l’Évangile.

Con su pan se lo coma [ndt: « expression figurée par laquelle on laisse entendre l’indifférence avec laquelle on regarde les affaires d’autrui ». Ou: « ça nous laisse de marbre »]

Annexe

  • CIE: Centre d’Internement d’Etrangers
  • Pueblos Unidos – SJM : Peuples unis- Service jésuite aux migrants (Servicio Jesuita a Migrantes
  • CP San Carlos Borromeo, Comité de paroisse Saint-Charles Borromée
  • Sercade Capucins en mission
  • Observatorio DDHH Samba Martine, Observatoire droits de l’homme Samba Martine (du nom d’une immigrée congolaise morte dans un CIE – centre de rétention – à Madrid en 2011)
  • Mesa por la Hospitalidad de la Archidiócesis de Madrid : accueil des migrants de l’archidiocèse de Madrid (mesa= table)
  • etc.

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