Dans sa « lettre confidentielle » (dont la diffusion m’intrigue décidément de plus en plus) reprise par le blog MIL, Luis Badilla se penche sur la liste des cardinaux qui seront créés lors du prochain consistoire. Après les considérations statistiques de rigueur (qu’on trouvera sans difficulté ailleurs) il fait une analyse que je trouve digne de tous les superlatifs (je laisse le lecteur les deviner) qui met en évidence la médiocrité des personnalités (qui n’est qu’une conséquence d’une baisse générale du niveau, DANS TOUS LES DOMAINES), et les problèmes que les choix du pape créeront immanquablement, à plus ou moins long terme, dans l’Eglise: dans la perspective du prochain conclave, il y a de quoi, raisonnablement, être inquiet.

Il y a un manque de grandes figures, avec une lumière propre, des pasteurs, bien sûr, mais aussi des intellectuels puissants, avec un arrière-plan philosophique, théologique et canonique convaincant et reconnaissable.

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À ce jour, la quasi-totalité des cardinaux créés par le pape François (163 au 8 décembre) sont des personnes qui se comportent comme des clones du pontife, ou plutôt, comme on l’a écrit ces derniers jours, « ce sont des cardinaux copié-collé ».

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Luigi Badilla

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Liste « plate »

Les personnes choisies apparaissent, à en juger par de nombreux médias, notamment non italiens, comme des figures mineures de l’Église universelle alors que chacun évidemment dans son propre pays ou environnement est certainement une personnalité importante ou au moins relativement connue.

Ces derniers jours, à propos des personnes annoncées par le Pape Bergoglio, certains ont parlé d’une « flat list », c’est-à-dire de clercs, à quelques exceptions ponctuelles près, de profil faible.

Il y a quelques mois, plusieurs observateurs qui s’occupaient de l’éventuel 10e Consistoire qui se profilait à l’horizon se sont retrouvés à spéculer sur la tonalité basse ou plate des possibles nouveaux cardinaux. La perplexité provenait des difficultés objectives qui empêchaient même les plus audacieux de proposer le nom et le prénom d’ecclésiastiques, disons en « odeur de cardinalat ». Au cours des neuf consistoires précédents, il y a toujours eu des personnalités éminentes pour porter la pourpre et la presse en a donc beaucoup parlé. Cependant, même lors de ces événements, la formulation était habituelle : universalité et périphéricité.

Il y a un manque de figures avec leur lumière propre. Trop d’entre elles sont en dessous de la barre.

L’impression que la moyenne des nouveaux cardinaux n’est pas d’un niveau particulièrement élevé peut être étendue à l’ensemble du corps électoral du Collège des cardinaux. Il s’agit d’une critique formulée à l’encontre du pontificat par de nombreux acteurs et qui concerne aussi bien la Curie romaine (dicastères, bureaux et institutions connexes) que les nominations épiscopales. Depuis des années, il est dit, souvent en privé puis démenti en public, que le pape François n’est pas satisfait de nombreuses nominations [ndt: c’est le comble! N’est-ce pas lui qui les choisit? Ou alors il est « sous contrôle »].

Une analyse des 163 cardinaux créés par François au cours de ces presque 12 années de pontificat (y compris donc les 21 derniers à être créés le 8 décembre), en se concentrant sur leurs biographies, montre qu‘il y a un manque de grandes figures, avec une lumière propre, des pasteurs, bien sûr, mais aussi des intellectuels puissants, avec un arrière-plan philosophique, théologique et canonique convaincant et reconnaissable.

Les cardinaux électeurs d’un éventuel prochain Conclave, pour la plupart, brillent substantiellement à la lumière bergoglienne, et parmi eux, il y en a pas mal qui sont en dessous de la barre.

Il faut souligner que le Conclave, appelé à assurer la succession de l’apôtre Pierre à la tête de l’Église universelle en tant qu’évêque de Rome (qui préside dans la charité), est un événement de la plus haute et suprême importance qui ne peut être réduit à une dialectique de forces entre groupes, cordées ou alliances. Par conséquent, le cœur de la mission et de la tâche d’assurer la succession de l’évêque de Rome implique la qualité et le niveau des électeurs. Cela devrait être l’exigence primordiale, primaire et substantielle pour créer les cardinaux de l’Église capables de prendre des décisions qui déterminent l’avenir de la communion de l’Église.

L’avenir de l’Église dépend – dans une large mesure – des choix des cardinaux électeurs

Certes, il faut élire une personne (un homme baptisé), mais il faut surtout – en ces temps troublés – garantir à l’Église un chef ferme, compétent et incontesté. Le dernier à avoir réitéré un tel axiome en parlant du ministère pétrinien et de « son essence spirituelle, qui doit être accomplie avec des actes et des paroles, mais non moins avec la souffrance et la prière », a été le pape Benoît XVI dans son acte de démission :

« Dans le monde d’aujourd’hui, soumis à des changements rapides et secoué par des questions d’une grande importance pour la vie de foi, pour conduire la barque de saint Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’âme sont également nécessaires ».

Cela souligne que les cardinaux électeurs sont appelés, d’un point de vue éthique et moral, à réfléchir et à choisir le nouveau successeur de Pierre – et l’essence spirituelle de sa mission – dans le contexte du monde et de l’humanité, en laissant hors de la chapelle Sixtine les intérêts égoïstes, les commodités personnelles de la célébrité et de la carrière, ainsi que les désirs de pouvoir et de leadership.

Malheureusement, toutes ces limites pèsent sur les Conclaves, de même que de nombreuses tentatives de lobbying extérieur, souvent de la part de groupes laïco-cléricaux. La presse pèse également, en particulier les jours où les congrégations pré-conclaves se tiennent au Vatican. Des pressions plus cachées, voire inavouables, pèsent également.

Les cardinaux kingmaker

Parlons des fameux cardinaux kingmaker – faiseurs de rois – qui peuvent être décisifs car pas mal de cardinaux électeurs, à la fin, lorsque la route se rétrécit et que la confusion augmente, se fient à l’avis d’un autre ; ils votent pour un candidat parce que « cela lui a été demandé par un frère cardinal célèbre et bien connu, en qui il a confiance ».

Les conclavistes kingmaker indiquent les papabili, puis se regroupent ou font « cordée » autour de ceux qui ont été signalés et enfin apportent les voix des moins convaincus et des plus craintifs. Ces cardinaux, souvent experts en la matière, sont les premiers à savoir et à accepter ce que le cardinal Giuseppe Siri (1906-1989) a dit il y a plusieurs décennies : « Les papes sont faits en conclave ».

Ce schéma, dans un éventuel Conclave avec de nombreuses figures mineures, comme c’est le cas aujourd’hui, pourrait prendre le contrôle de la situation. Le risque est donc grand qu’à la fin, dans la chapelle Sixtine, ce soient 3 ou 4 cardinaux kingmaker qui décident, en jouant sur le résultat final, en particulier avec les indécis, les perplexes et les opposants.

D’après ce que l’on entend à ce sujet, évidemment dans les cercles ecclésiastiques, un éventuel Conclave aurait une dynamique différente selon que la Sede vacante est déterminée par la renonciation ou l’impossibilité ou par la mort de l’évêque de Rome. Cependant, le Conclave doit être en tout et toujours au service de l’Église, sachant qu’alors, la personne légitimement élue aura la tâche de chercher, de choisir et de créer les cardinaux qui garantiront la Succession Apostolique.

Un doute non négligeable, mais connu et soupçonné, reste ouvert : l’élection d’un nouvel évêque de Rome pourrait être le résultat d’une campagne de propagande antérieure, préparée comme un projet électoral, avec ruse et sans scrupules. Cette option hypothétique a été discutée dans la presse. Nous savons qu’au cours des siècles passés, de puissantes monarchies ont élu des papes ou les ont fait couler. Et il y a eu les campagnes électorales, les alliances bancales, les connivences et les convenances.

Doutes, perplexités, interrogations…

Autour de la nomination des cardinaux et du Conclave lui-même, il y a des doutes, des perplexités, des questions et des controverses. Parmi ceux-ci, il y a le fait que le choix des futurs cardinaux est entre les mains du Pontife et du Pontife seul [cela ne contredit-il pas l’insatisfaction du pape concernant le niveau des cardinaux???]. C’est son acte de gouvernement absolu. La question est donc évidente : un homme seul peut-il prendre de telles décisions ? [attention, danger de dérapage!!]

D’autres questions se posent, par exemple : la publication des bulletins de vote à la fin du conclave et la clarification de l’affirmation apodictique qui assure une sorte de permission de l’Esprit Saint dans l’élection de l’évêque de Rome.

Dans une interview du cardinal Joseph Ratzinger à la télévision bavaroise (1997), citée également par le National Catholic Reporter (14 avril 2005) et par Avvenire, la question suivante lui a été posée : « L’Esprit Saint est-il responsable de l’élection du Pape ? »

Voici la réponse du cardinal Ratzinger :

« Je ne dirais pas cela, dans le sens où c’est le Saint-Esprit qui le choisit. Je dirais que l’Esprit Saint ne prend pas exactement les choses en main, mais qu’en bon éducateur qu’il est, il nous laisse beaucoup d’espace, beaucoup de liberté, sans pour autant nous abandonner complètement. Le rôle de l’Esprit doit donc être compris dans un sens beaucoup plus élastique, et non pas comme s’il nous dictait le candidat pour lequel nous devrions voter. La seule sécurité qu’il offre est probablement que la chose ne peut pas être totalement ruinée. Il y a trop d’exemples de papes que l’Esprit Saint n’aurait manifestement pas choisis ».

Comment le pape décide-t-il ? Quelle est l’importance de sa synodalité ?

Le Pape, quelques jours avant l’annonce des 21 nouveaux cardinaux dimanche dernier, s’adressant aux Jésuites le 28 septembre en Belgique, a souligné la relation entre autorité, décision et synodalité, depuis le dernier pasteur jusqu’au Pontife lui-même. Voici quelques-uns de ses propos :

« La synodalité n’est pas facile, non, et parfois parce qu’il y a des figures d’autorité qui ne favorisent pas le dialogue. Un curé peut prendre des décisions seul, mais il peut le faire avec son conseil. Il en va de même pour un évêque et pour le pape. La synodalité dans l’Église est une grâce ! L’autorité se fait dans la synodalité ».

À ce stade, s’agissant de deux événements rapprochés et évoqués par François lui-même, la question se pose : dans quelle mesure cette « synodalité » a-t-elle été appliquée dans la sélection et la création des cardinaux, en particulier de ces 21 derniers clercs ?

Des cardinaux copiés-collés

Le pape Bergoglio, progressivement mais fermement, a changé le profil des cardinaux ces dernières années parce qu’il a changé les critères de leur sélection. En réalité, ces « nouveaux » critères sont inconnus, à l’exception de deux termes qui sont devenus deux mantras médiatiques : l’internationalisation du Collège des cardinaux (qui a commencé en 1946 avec la création de 32 cardinaux) et les périphéries, un mot si arbitrairement galvaudé qu’il ne communique plus rien ou presque.

Cette sorte d’« orgueil » que certains manifestent dans l’Église quand, pour donner un exemple, on crée un cardinal pour des diocèses dont le pourcentage de fidèles est proche de 0% et qu’on refuse en même temps la pourpre à des diocèses parmi les plus importants du monde. Il s’agit d’une erreur qui nuit considérablement à l’Église et qui n’a rien à voir avec le choix très juste de rapprocher la papauté des périphéries.

Cette façon d’agir, d’une part, déconstruit l’histoire de l’Église dans laquelle les diocèses (naissance, développement, histoire, peuples…) sont essentiels pour comprendre et déchiffrer l’Église elle-même et son pèlerinage, disait le cardinal Achille Silvestrini lorsqu’il a associé pour la première fois la géopolitique au Siège Apostolique.

D’autre part, il faut tenir compte du fait que, bon gré mal gré, dans les médias, la création des cardinaux a été transformée en épreuve de force, pour ou contre le pape Bergoglio, une base de fans. On en vient donc à dire : un nouveau pape dans la continuité ou un nouveau pape de la rupture.

Cette dernière annonce sur la création de 21 cardinaux et les personnes choisies a été expliquée, une fois de plus, par les citations en question, plutôt poussiéreuses et inadéquates. A vrai dire, le seul à connaître les raisons de ces choix est le Pape Bergoglio, et il faut donc attendre que le temps passe pour voir et analyser avec des faits qui sont ces hommes d’église qui seront appelés à élire, le cas échéant, l’évêque de Rome.

À ce jour, la quasi-totalité des cardinaux créés par le pape François (163 au 8 décembre) sont des personnes qui se comportent comme des clones du pontife, ou plutôt, comme on l’a écrit ces derniers jours, « ce sont des cardinaux copiés-collés ». Nous ne disons pas que le pape a fait quelque chose de mal. Non ! Agir de la sorte est son droit et sa prérogative exclusive.

La question est plutôt la suivante : cette conduite du Pontife (…) réduit le choix aux critères de loyauté et écarte ceux de la compétence.

Un tel comportement a aussi d’autres conséquences qui se prolongent dans le temps. Par exemple, toute dissidence saine et créative est étouffée, on craint de la parésie (« nécessaire pour le pape lui-même », disait Joseph Ratzinger). Par contre, ce faisant, on encourage la peur d’ouvrir la bouche, l’honnêteté et la cohérence de la pensée, on autorise et on alimente l’hypocrisie et les convenances personnelles, bref, on finit par dédouaner et légitimer la papolâtrie, un péché qui, dans l’histoire de l’Église, a causé des dégâts gigantesques et irrémédiables pour toujours.

Un grave écueil guette le Pape

À la fin du mois de juin dernier, dans notre Newsletter n° 24, dans la note sur un nouveau Consistoire, nous écrivions :

« Parmi les critiques lourdes et insistantes adressées à la papauté de J.M. Bergoglio, l’une concerne précisément le choix des clercs appelés au titre de cardinal. Une partie substantielle, peut-être la majorité des 142 cardinaux créés par le pape François, est considérée par de larges secteurs de l’Église comme n’étant pas à la hauteur de la mission et de la tâche. Beaucoup sont considérés comme des personnes avec une formation médiocre ou mauvaise et sans charisme au sein du clergé et des consacrés et bien sûr parmi les fidèles. Certains des cardinaux créés ces dernières années sont considérés comme diviseurs et présomptueux, souvent protagonistes d’un mimétisme bergoglien mal dissimulé (gestes, langage, documents, directives et orientations), mais clairement défaillants. [Les cardinaux dits « copier/coller »]. Cette fois, la liste des nouveaux cardinaux sera soumise à des investigations impitoyables et, en vue du Conclave, une certaine presse réalisera ce qu’elle prépare depuis quelques années : dévoiler l’anatomie publique et privée de chacun des cardinaux électeurs, en particulier des « papabili ». Les manœuvres sur les dossiers se préparent depuis longtemps ».

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