Voici le fin mot sur la dernière polémique (en date) autour du synode, l’énigme du mystérieux groupe 5, coordonné par Tucho et censé discuter du diaconat féminin (cf. Scandale au synode: quand c’est flou, y’a un loup). L’opacité entourant ses délibérations et même la nomination de ses membres, et la désinvolture du préfet avaient suscité la fureur des progressistes. Lundi, Tucho a fait lire une lettre d’explication qui est une synthèse parfaite de la méthode-bergoglio. Les choses désagréables sont renvoyées à un « plus tard » indéterminé, on crée une commission, et on dit des choses opposées en fonction de l’auditoire.
Enfin, POUR LE MOMENT, PAS DE « DIACONNESSES ». Soulagement!
« Ce n’est pas le moment de parler du diaconat des femmes », dit le pape François
La boucle féministe sans fin
Giuseppe Nardi
22 octobre 2024
Le pape François estime que ce n’est pas le moment de discuter du diaconat des femmes lors du synode qui se tient actuellement à Rome. C’est ce qu’a fait savoir lundi aux [pères… et mères] synodaux le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet du dicastère de la foi et plus proche confident de François.
Dans une lettre dont le contenu a été présenté par le préfet du dicastère de la communication Paolo Ruffini lors d’un point-presse du synode, Fernandez a déclaré:
« Nous savons que le Saint-Père a indiqué que la question du diaconat féminin n’est pas mûre à ce stade et il a demandé que nous n’abordions pas cette possibilité maintenant »
Le contexte : certains participants au Synode, en particulier ceux du groupe 5 s’étaient plaints du fait que le dicastère de la foi ne prêtait pas attention aux propositions concernant le diaconat des femmes. Le préfet de la foi Fernández a donc laissé le pape François s’exprimer avec autorité sur la question.
En tant que porte-parole de ce dernier, « Tucho » Fernández a fait savoir hier par écrit aux synodaux que François ne souhaitait pas de discussion sur le diaconat des femmes. Il a complété ces propos par un ajout restrictif, précisant que cela ne valait que pour « le moment présent ». La porte reste donc ouverte, pour la refermer aujourd’hui. Cela ne rassurera pas les défenseurs de l’ordination des femmes. L’Eglise dans son ensemble se voit toutefois imposer une nouvelle hypothèque pour l’avenir par le pape François et son acolyte Tucho Fernández.
Le préfet de la foi a encore une autre concession à proposer. Afin d’écarter les plaintes contre son autorité, il invite jeudi prochain à une rencontre avec les défenseurs du diaconat féminin.
En clair : la porte de l’ordination des femmes reste fermée, mais avec un probabilisme aussi inutile que typiquement bergoglien, selon lequel cela vaut pour maintenant et aujourd’hui, mais ne sera peut-être plus valable demain. Il utilise cette tactique à l’égard du diaconat féminin depuis son entrée en fonction. Il suscite chez ses défenseurs des espoirs qu’il n’a pas l’intention de réaliser. Ainsi, il a déjà mis en place deux commissions d’étude afin d’examiner, au cours de plusieurs années de travail, ce qui a été examiné et clarifié depuis longtemps.
En 2016, François a même expliqué très ouvertement le sens et le but de cette tactique : un homme avisé lui aurait en effet dit un jour que l’on devait repousser les choses ennuyeuses en créant une commission.
La composition unilatérale du synode synodal, voulue par François lui-même, a eu pour conséquence qu’il existe un groupe non négligeable de synodaux qui veulent briser le sacrement de l’ordre pour imposer l’ordination des femmes. Cela devrait créer une Eglise « plus inclusive » et « plus participative ».
François ne donne pas de réponse théologique claire à cette question, ce qui est également caractéristique de son pontificat, mais se limite à des indications assez vides de contenu, comme celle selon laquelle le diaconat des femmes « n’est pas la réponse la plus importante pour les femmes aujourd’hui ».
Les résultats des deux commissions d’étude mises en place par François n’ont d’ailleurs pas été publiés à ce jour. La Commission théologique internationale avait déjà donné une réponse claire au début du millénaire, à la demande de Jean-Paul II et sous la direction du cardinal Joseph Ratzinger, réponse qui a été répétée sans équivoque en 2013 par le cardinal Gerhard Müller, son successeur en tant que préfet de la foi, lorsqu’il a déclaré qu’il n’y avait aucun fondement pour les diaconesses et aucun besoin pour les diaconesses. Mais aujourd’hui, ce n’est plus Müller qui est le gardien suprême de la foi à la Curie romaine, mais Tucho Fernández.
Désormais, il est simplement dit de manière énigmatique que les « conclusions partielles » de la commission d’étude seront publiées « en temps voulu ». La commission doit en tout cas poursuivre son travail. François veut continuer à repousser la question aux calendes grecques, car il ne semble pas vouloir donner une réponse théologique claire et dogmatiquement contraignante, comme l’avait fait Jean-Paul II en 1994 avec Ordinatio sacerdotalis , lorsqu’il avait précisé qu’il ne pouvait y avoir et qu’il n’y aurait pas de sacerdoce féminin, cette porte étant donc dogmatiquement fermée.
En coulisses, François, sans s’être engagé d’aucune manière, laisse « bricoler » et proposer des formes « innovantes ». Déjà en 2016, le cardinal Walter Kasper, le théologien de référence du pape, avait déclaré qu’il n’était pas possible de simplement transférer le diaconat masculin à la femme. Il fallait chercher de manière « innovante » un nouveau ministère. C’est surtout le synode amazonien qui devrait ouvrir la porte à des formes « nouvelles », ce que François a fait dans son exhortation post-synodale, même si c’est de manière aussi codée que possible.
Tucho Fernández écrit ainsi dans sa lettre :
« Le Saint-Père est très préoccupé par le rôle des femmes dans l’Église et, avant même le synode, il a demandé au dicastère pour la doctrine de la foi d’étudier la possibilité d’une évolution dans ce domaine, sans se concentrer sur l’ordination ».
Le cardinal Fernández écrit à propos de la conclusion papale que « nous ne pouvons pas travailler dans une autre direction, mais je dois dire que ‘en suis satisfait». Il ajoute en outre que « la réflexion sur le diaconat pour quelques femmes ne résout pas la question des millions de femmes dans l’Église », car « la demande d’ordonner des diaconesses n’est pas aujourd’hui la réponse la plus importante pour la promotion des femmes ».
Déjà au début du synode synodal , le secrétaire spécial du Synode, le père Giacomo Costa SJ, avait souligné que « ce n’est pas le moment de prendre une décision » sur le diaconat des femmes. Toutefois, il a également lancé une friandise en ajoutant qu’« il est bon que le sujet soit étudié en profondeur ». Or, cela avait déjà été fait depuis longtemps, bien avant le début du pontificat de François. C’est justement grâce à l’indécision de ce dernier que le sujet, réglé depuis longtemps, est revenu à l’ordre du jour, en envoyant des signaux différents selon les interlocuteurs. C’est finalement à François que l’on doit le fait qu’en 2017, la revue jésuite romaine La Civiltà Cattolica ait relancé le sujet. La revue est soumise à la censure pontificale. Rien n’y paraît qui ne soit pas voulu par Sainte Marthe ou la Secrétairerie d’Etat.
Le message des conseillers du pape, qu’il s’agisse de Fernández ou de Costa, est que pour le pape François, il y a actuellement « d’autres sujets plus importants à explorer et à résoudre ».
Nathalie Becquart, religieuse des sœurs françaises Xavière et sous-secrétaire générale de l’assemblée synodale, a sauté sur l’occasion en soulignant qu’il y avait « une grande différence entre là où nous étions au début et là où nous sommes maintenant » en ce qui concerne le « rôle des femmes » dans l’Église. Il est intéressant de noter que les catholiques croyants ne peuvent guère aborder cette question. Elle est un produit de la théologie féministe issue de la révolte de 68 et est perçue comme artificielle par les catholiques pratiquants.
Entre-temps, le synode synodal en est à la dernière phase de l’assemblée. Elle s’achèvera dimanche prochain. Bien que l’on parle encore à tort d’un synode des évêques, il ne s’agit plus d’un tel synode. Le pape François a modifié les règles du synode et a permis aux laïcs et aux femmes d’y participer. Ainsi, le synode est certes une assemblée, mais il n’est plus canoniquement significatif pour l’Eglise.
La lettre du cardinal Fernández présentée hier présente de nombreux défauts caractéristiques de l’actuel pontificat, comme le principe hégélien modifié selon lequel « la réalité est supérieure à l’idée », réaffirmé par le plus proche confident du pape François. Le recours à l’Esprit Saint, répété par Fernández et multiplié depuis le pontificat de François, suscite également des sentiments pour le moins mitigés. Les innovations sont justifiées par l’Esprit Saint, ce qui a toutefois un arrière-goût amer car on pourrait contredire le préfet de la foi et même le pape, mais pas l’Esprit Saint.
Voici maintenant le texte de la lettre du cardinal Tucho Fernández, qui a été lue hier par le préfet de communication Paolo Ruffini aux journalistes présents :
Communication du cardinal Víctor Manuel Fernández à la XIIIe Congrégation générale du Synode
Je voudrais préciser que le groupe 5 est coordonné par le secrétaire pour les affaires doctrinales du Dicastère pour la Doctrine de la Foi. Vendredi dernier, il a dû subir une intervention médicale et a proposé à sa place deux auditeurs très compétents pour recevoir les propositions. J’ai appris par la suite que certains attendaient ma présence et j’ai proposé une rencontre jeudi à 16h30.
.Nous savons que le Saint-Père a indiqué que la question du diaconat féminin n’est pas mûre à ce stade, et il a demandé que nous ne discutions pas de cette possibilité maintenant. La commission d’étude sur ce sujet est parvenue à des résultats partiels que nous publierons en temps voulu, mais elle poursuivra son travail.
.D’autre part, le Saint-Père est très préoccupé par le rôle des femmes dans l’Église, et il a demandé au Dicastère pour la Doctrine de la Foi, avant même la demande du Synode, d’étudier les possibilités de développement sans se concentrer sur la question de l’ordination. Nous ne pouvons pas travailler dans une autre direction, mais je dois dire que cela me satisfait. Pourquoi ?
.Parce que réfléchir au diaconat pour certaines femmes ne résout pas la question des millions de femmes dans l’Église. D’autre part, nous n’avons pas encore pris certaines mesures que nous pourrions prendre à la place. Je ne citerai que quelques exemples :
.1) Lorsque le nouveau ministère de catéchiste a été créé, le Dicastère pour le culte a envoyé une lettre aux conférences épiscopales. Dans cette lettre, deux possibilités différentes d’aménagement du ministère étaient proposées. La première concernait l’orientation de la catéchèse. La seconde proposition faisait référence à ce que le pape avait dit dans Querida Amazonia à propos des catéchistes qui, en l’absence de prêtres, soutiennent les communautés, des femmes qui sont à la tête, qui dirigent les communautés et exercent diverses fonctions. Les conférences épiscopales auraient pu accueillir favorablement cette deuxième voie, mais très peu l’ont fait. Cette proposition a été possible parce que le pape avait déclaré dans ses documents que le pouvoir sacerdotal lié aux sacrements ne s’exprime pas nécessairement en termes de pouvoir ou d’autorité, et qu’il existe des formes d’autorité qui n’exigent pas l’ordre sacré. Ces textes n’ont toutefois pas été appliqués.
.2) Le ministère d’acolyte pour les femmes n’est en effet accordé que dans un faible pourcentage de diocèses, et ce sont souvent les prêtres qui ne veulent pas proposer de femmes à l’évêque pour ce ministère.
.3) Le diaconat pour les hommes : dans combien de diocèses du monde ont-ils été admis ? Et combien de fois, là où ils ont été admis, ne sont-ils ordonnés que comme servants de messe ?
—Ces quelques exemples montrent clairement que la demande précipitée d’ordonner des diacres femmes n’est pas aujourd’hui la principale réponse à la question de la promotion des femmes.
.Pour susciter la réflexion, j’ai demandé à ce que mon dicastère reçoive des témoignages de femmes qui sont réellement à la tête de communautés ou qui exercent des fonctions d’autorité importantes. Non pas parce qu’elles ont été imposées aux communautés, ni comme résultat d’une étude, mais parce qu’elles ont acquis cette autorité sous l’impulsion de l’Esprit en réponse à un besoin du peuple.
La réalité est supérieure à l’idée. C’est la ligne de travail de cette phase.
Je demande surtout aux femmes membres de ce synode de nous aider à recevoir, à formuler et à envoyer au dicastère diverses propositions sur les voies possibles de participation des femmes à la direction de l’Église, que nous pourrons entendre dans leur contexte. En ce sens, nous attendons avec impatience vos propositions et réflexions.
.Jeudi, j’entendrai donc des idées sur le rôle des femmes dans l’Église. Pour ceux qui se sont beaucoup inquiétés des procédures et des noms, je les nommerai jeudi afin qu’ils puissent être associés à ce travail.
.Pour ceux qui sont convaincus de la nécessité d’approfondir la question du diaconat des femmes, le Saint-Père a confirmé que la commission présidée par le cardinal Giuseppe Petrocchi continuera à fonctionner, quoi qu’il en ait été dit. Les membres du Synode qui le souhaitent – soit individuellement, soit en groupe – peuvent transmettre à cette commission des réflexions, des propositions, des articles ou des préoccupations sur ce sujet. Le cardinal Petrocchi m’a confirmé que le travail reprendrait dans les prochains mois et que le matériel reçu serait analysé.
Mes amis, je suis convaincu que nous pouvons avancer pas à pas et arriver à des choses très concrètes pour que l’on comprenne qu’il n’y a rien dans la nature des femmes qui les empêche d’occuper des positions très importantes dans le gouvernement de l’Église. Ce qui vient vraiment du Saint-Esprit ne peut pas être arrêté.