Il y a déjà Timothy Radcliffe, qui n’en définit pas de se provoquer par ses attitudes et ses déclarations, voici maintenant un Français, lui aussi dominicain, le très progressiste et très bergoglien évêque d’Alger, Mgr Vesco, dont la nomination, toute symbolique, doit plus à la faveur du « prince » qu’à l’importance numérique du troupeau dont il a la charge. Dans une interview à la Croix (qui n’en manque pas une et qui porte de plus en plus mal son nom), en mai dernier, il disait son engagement en faveur du diaconat féminin, déplorant que « l’Eglise ait un problème avec les femmes » (!!!), et son espoir que « ce qui semble impensable aujourd’hui deviendra naturel demain ». C’est sans nul doute la raison pour laquelle il a été choisi par François (on ne dira plus « pour recevoir la barrette rouge » – encore une tradition qui va disparaître très vite -. A ce sujet, oserons-nous suggérer au pape de leur remettre plutôt une casquette de baseball blanche?)
Le Cardinal (vêtu de blanc) et les diaconesses
Miguel Cuartero Samperi.
24 octobre 2024
Il y a 21 nouveaux cardinaux qui recevront la barrette cardinalice le 8 décembre. Parmi les hommes choisis par François, la nomination du père dominicain Timothy Radcliffe, connu pour ses positions hétérodoxes sur l’homosexualité et le célibat des prêtres, a fait sensation.
Mais parmi les nouveaux cardinaux, un autre dominicain fait parler de lui pour certaines de ses récentes déclarations.
Il s’agit du Français Jean-Paul Vesco, évêque métropolitain d’Alger (Algérie).
Vesco est salué comme un champion reconnu du dialogue, de la fraternité et de l’amitié dans un pays à forte majorité musulmane. Il a publié plusieurs ouvrages (dont un essai consacré aux divorcés remariés) et entre au collège des cardinaux fort de son jeune âge et du plein soutien du pape François avec lequel il partage des ouvertures sur le dialogue interreligieux, la morale familiale et le rôle des femmes dans l’Église catholique.
Dans une récente interview, l’évêque français s’est inquiété de l’attitude prétendument misogyne de l’Église, estimant que – comme dans toutes les religions monothéistes – l’Église a « un problème avec les femmes » qui ne sont pas considérées à la hauteur de ce qu’elles méritent. Le nouveau cardinal s’est donc prononcé en faveur de l’ordination diaconale des femmes afin que personne dans l’Église ne soit privé du ministère féminin.
Le sujet des diaconesses a été très discuté ces dernières années grâce à la nomination, en 2016, d’une commission nommée par François pour étudier le diaconat féminin dans l’Église primitive en vue de mieux comprendre son rôle et la possibilité de le restaurer aujourd’hui.
La commission nommée par le pape François a étudié la question, mais les résultats de l’étude n’ont pas été publiés (selon la version officielle, des résultats « partiels » ont été obtenus). Le pape a donc promis de nommer une nouvelle commission (avec de nouveaux membres) pour fournir une nouvelle étude (et de nouveaux résultats). La nouvelle commission a été formée en 2020 et n’a pas encore fourni de résultats définitifs.
La question a été discutée au cours du Synode amazonien, et les pères synodaux et (surtout) les mères synodales avaient de grandes attentes en vue du Synode sur la synodalité. Mais, à leur grande surprise, le 20 mai dernier, dans une interview accordée à la chaîne américaine CBS, le pape François a fermé la porte à la discussion en opposant un « non » catégorique à l’ordination des diaconesses.
Cette déclaration a suscité l’inquiétude et les protestations de nombreux théologiens et des groupes ecclésiastiques les plus progressistes. Plusieurs associations se sont regroupées pour créer un site web dédié à la défense du diaconat féminin ; elles demandent au pape François de retirer son « non » et d’inclure la question dans les discussions synodales.
Mgr Vesco n’a pas tardé à commenter le sujet, et dans un article publié le 24 mai 2024 dans La Croix il se demandait pourquoi François avait retiré de l’ordre du jour du synode un sujet aussi » brûlant » que le diaconat féminin.
Au-delà des raisons possibles qui ont poussé le souverain pontife à mettre fin à la discussion (dans une interview télévisée), le néo-cardinal a appelé à un changement radical, tout en demandant de la patience :
« Ce qui semble impensable aujourd’hui deviendra naturel demain »
.
« Le pontificat du pape François a fait bouger des lignes que l’on pouvait difficilement imaginer bouger. L’horizon se découvre en marchant et ce qui semblait inimaginable hier, comme la nomination de femmes aux plus hautes responsabilités de la Curie, devient naturel aujourd’hui. De même, ce qui semble inimaginable aujourd’hui deviendra naturel demain ».
Malgré le fait que les femmes assument des services ecclésiaux de toutes sortes, il y a encore un service, dit Mgr Vesto, qui leur est refusé : celui de la prédication pendant la célébration de l’Eucharistie.
Le futur cardinal se demande:
« Comment pouvons-nous justifier que seule la sensibilité masculine s’exprime dans le commentaire de la Parole de Dieu au cours de l’Eucharistie ?
…
Comment pouvons-nous justifier d’être privés d’entendre cette Parole résonner dans le cœur d’une femme ? J’espère que le temps est enfin venu d’ouvrir ce service de la Parole à des laïcs formés, et donc aussi à des femmes ».
Pour Mgr Vesco, sa nomination est une reconnaissance de l’ensemble de l’épiscopat algérien [!!!] pour le travail effectué
« en faveur de l’accueil des divorcés remariés, en faveur de la synodalité, en faveur d’une plus grande place accordée aux laïcs et aux femmes dans l’Église ».
La grande harmonie avec François a donc favorisé la nomination de l’évêque français comme cardinal, ainsi que celle de nombreux autres prélats ; un signe de la volonté du pape d’assurer la continuité du prochain pontificat et d’assurer la continuité des discussions sur certains sujets controversés sur lesquels, pour l’instant, il préfère ne pas provoquer de ruptures.
Les discussions ont été ouvertes, mais le ralentissement actuel sur le diaconat féminin n’empêchera pas les futurs cardinaux d’attendre les temps mûrs pour proposer des changements importants et définitifs, peut-être avec l’autorité papale ou en élisant une figure appropriée, plus audacieuse et plus décisive.
Mais pour cela, il faudra attendre le prochain Conclave où deux cardinaux dominicains (le cardinal Vesco et le cardinal Radcliffe) entreront vêtus de blanc. Probablement avec des idées très claires.