Une réflexion du blog argentin « The Wanderer », en marge et bien au-delà de l’élection de Trump. L’une des leçons de sa victoire écrasante est la sanction définitive de la fin de l’influence exclusive du « quatrième pouvoir » auto proclamé – les médias -, progressivement remplacés par les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas un hasard si cette élection accompagne le changement d’époque sans précédent que nous vivons en ces jours, avec l’IA (on ne peut pas ne pas penser au rôle d’Elon Musk – qui, par certains aspects, ne laisse pas d’être inquiétant), et l’Eglise n’a pas su l’accompagner. A cet égard, Jorge Mario Bergoglio a été une calamité, pour parler familièrement, il a « misé sur le mauvais cheval » (la gauche immigrationniste, wokiste, pro-LGBT), sa perte d’influence est patente, et la composition du Sacré Collège en grande partie choisi par lui ne laisse rien augurer de bon quant à son successeur

Regardons ce qui s’est passé lors du synode sur la synodalité ; malgré la propagande forcenée, il a été d’une inutilité et d’une insignifiance des plus totales. Des ressources de toutes sortes – intellectuelles et financières – ont été gaspillées pendant des années pour le néant lui-même.

Mais c’est encore plus grave quand on voit que les médias non seulement ne lui ont pas accordé le moindre espace sur leurs sites internet – parce qu’ils ne sont pas intéressés puisqu’il n’attire pas les visiteurs – mais, même s’ils l’avaient fait, cela n’aurait servi à rien parce que, comme nous l’avons dit au début, les médias ont déjà perdu leur pouvoir.

L’Église face au changement d’époque

caminante-wanderer.blogspot.com
12 novembre 2024

Le triomphe de Donald Trump a été la dernière preuve, à l’échelle planétaire en l’occurrence, d’une réalité qui s’impose depuis quelques années déjà. Ce qui a été déterminant, ce n’est pas le triomphe de Trump, dont je me réjouis, mais la défaite cuisante non pas tant de Kamala Harris, pauvre malheureuse médiocre, que des médias, alliés inconditionnels et indispensables du progressisme mondial. Nous avions vu le même phénomène l’année dernière dans des dimensions plus modestes avec le triomphe de Javier Milei en Argentine, et l’étonnant soutien populaire qu’il conserve après un an de mandat, et dans d’autres pays d’Amérique et d’Europe, mais le cas américain, qu’on le veuille ou non, est paradigmatique. En bref, il a été démontré aux yeux du monde entier qu’un changement d’époque est en train de s’amorcer.

[Détail plus qu’inquiétant : les changements d’époque sont de plus en plus fréquents. Ils ne prennent plus des siècles, mais des décennies, et sont aussi brutaux, sinon plus, que les changements d’époque classiques qui se produisaient de siècle en siècle. Serait-ce l’accélération de la fin qui approche] ?

Ce changement d’époque est donc marqué par la disparition de ceux qui s’autoproclamaient pompeusement le « quatrième pouvoir »: la presse et les journalistes engagés par idéologie ou par les grasses enveloppes des maîtres du monde vont fortement diminuer leur influence au profit des réseaux sociaux.

Mais on peut relever plusieurs autres caractéristiques : ne serait-ce qu’en raison du mouvement de balancier de l’histoire, je crois qu’il y aura un glissement vers la droite, entendue comme « ultra-droite » selon la dénomination des médias. J’entends par là non seulement un mouvement politique, mais aussi un mouvement culturel qui affirmera les valeurs occidentales traditionnelles. Par ailleurs, je ne parle pas d’une « restauration de la culture chrétienne » ou d’une refondation du christianisme, mais d’un simple retour aux éléments fondamentaux de la raison humaine.

Toutefois, les changements les plus profonds et les plus importants viendront, à mon avis, d’un élément dont nous n’avons pas encore saisi toutes les dimensions. Je veux parler de l’intelligence artificielle. Dans très peu d’années, nous assisterons à la disparition des professions traditionnelles, à la disparition de l’université de masse et, par conséquent, à la disparition de l’accréditation des connaissances et à la disparition des modes d’accès au marché du travail, ou, en d’autres termes, à la disparition des modes et des conditions de vie de chacun d’entre nous. Il s’agit d’un changement révolutionnaire dont nous n’avons pas encore pleinement conscience et qui nous surprendra plus que nous ne le pensons.

Mais ceci n’est pas un blog de réflexions politiques ou sociales.

Ce qui m’intéresse, c’est de me demander, face à ce scénario tout à fait nouveau, comment l’Église réagit et comment elle se prépare à réagir.

Si nous regardons l’histoire, nous constatons que l’Église a toujours réagi à l’avance aux changements d’époque ; que les mesures ont toujours été la « conservation de l’acquis » (serva quod habes), c’est-à-dire des réactions conservatrices. Cela a parfois bien fonctionné, parfois plus ou moins bien, parfois mal. On peut en discuter, mais, par exemple, la réforme de saint Benoît d’Anianne à la veille de la Renaissance carolingienne, ou celle de saint Bernard à la veille de la splendeur médiévale, ont bien fonctionné. Celle de Trente, face à la reconfiguration mondiale due à la Réforme protestante, à la découverte de l’Amérique et à la consolidation de la puissance musulmane aux portes de l’Europe, s’est plutôt bien passée, mais avec de graves effets secondaires. Vatican I et Pascendi contre le libéralisme politique et théologique ont été un échec cuisant. Et Vatican II contre le monde émergent de l’après-guerre, qui a changé de stratégie et qui, au lieu de « garder ce qu’il avait reçu », l’a remis à l’ennemi (perde quod habes), a été catastrophique. Et tout porte à croire que ce qui se passera cette fois-ci sera encore pire.

Tout d’abord, il est un fait que le changement d’époque a trouvé le Pape François vieux et sans ressources dans son portefeuille. Il les a toutes épuisées. En bon jésuite, il a flairé le changement dans les années 1970 et est devenu de droite sous le gouvernement militaire argentin, ce qui lui a valu l’épiscopat ; il a flairé le changement dans les années 1990 et est devenu progressiste et a habilement géré un progressisme modéré qui lui a valu le pontificat. Une fois à ce poste, il a tenté de s’ériger en leader du progressisme mondial – le gouvernement de l’Église ne lui suffisait pas, il voulait être le seigneur du monde – et a rapidement épuisé toutes les fusées et les feux d’artifice qu’il avait économisés ; mais ils étaient de mauvaise qualité ; il a échoué et, maintenant que le monde tourne irrémédiablement à droite, il est vieux, fatigué et trop attaché au wokisme de basse intensité pour tenter quelques unes de ses acrobaties typiquement félines et retomber du bon côté.

La question n’est plus de regarder la réaction du pape François au changement d’époque, mais la réaction et les réflexes des cardinaux du prochain conclave et la capacité de celui qui sera élu.

Et le premier facteur auquel le nouveau pontife devra faire face est précisément la manière dont le changement d’époque affecte déjà l’Église et qui implique un changement radical par rapport à ce à quoi nous, catholiques, avons été habitués au cours des quinze derniers siècles, et je fais référence à l’absolue perte d’influence.

Et cette réalité n’a pas besoin de beaucoup de syllogismes pour être démontrée. Regardons ce qui s’est passé lors du synode sur la synodalité ; malgré la propagande forcenée, il a été d’une inutilité et d’une insignifiance des plus totales. Des ressources de toutes sortes – intellectuelles et financières – ont été gaspillées pendant des années pour le néant lui-même. Mais c’est encore plus grave quand on voit que les médias non seulement ne lui ont pas accordé le moindre espace sur leurs sites internet – parce qu’ils ne sont pas intéressés puisqu’il n’attire pas les visiteurs – mais, même s’ils l’avaient fait, cela n’aurait servi à rien parce que, comme nous l’avons dit au début, les médias ont déjà perdu leur pouvoir.

En d’autres termes, l ‘Église a non seulement perdu du poids et de la présence dans le mainstream mondial – elle n’est plus visible parce qu’elle ne suscite pas d’intérêt et, de toute façon, la seule présence significative dans les réseaux sociaux appartient aux critiques de la politique bergoglienne – mais elle a également perdu de la présence et de l’influence au sein de l’establishment politique. Les gouvernements progressistes affaiblis l’ignorent et la méprisent, comme on pouvait s’y attendre (rappelez-vous ce qui s’est passé il y a un mois en Belgique) et les gouvernements de droite aussi, car ils la considèrent à juste titre comme faisant partie de l’alliance ennemie. Paradoxalement, l’Église catholique ne fait pas partie des « forces du ciel »…

Cela montre, d’autre part, la maladresse brutale de Bergoglio qui n’a pas su anticiper le changement. C’est précisément l’Eglise qui aurait pu adopter un rôle de grande importance, et devenir un allié solide des gouvernements conservateurs qui ont commencé à s’établir, puisqu’ils partagent de nombreux idéaux traditionnels. Cependant, elle a choisi de se placer de l’autre côté de la barrière, en défendant de manière ehontée l’Agenda 2030, qui devra être prolongé pendant au moins un siècle ; en pérorant avec l’autorité de regrettables documents pontificaux sur le réchauffement de la planète et les causes anthropogéniques du changement climatique ; et en adoptant tous les postulats de la culture woke : des revendications LGBT à la défense de l’immigration indiscriminée.

Les naïfs pourraient dire que c’est précisément la mission prophétique de l’Église : s’opposer aux diktats du monde, mais la réalité est que la mission prophétique est la proclamation de l’Évangile et non une opposition stupide. Si les gouvernements du monde, pour quelque raison que ce soit, adoptent des principes cohérents avec ceux de l’Évangile, la mission prophétique de l’Église sera de les soutenir. Avec Bergoglio, et dans le simple prolongement de Vatican II, la mission prophétique de l’Église s’est confondue avec la défense des causes des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, qui a fini par dégénérer dans le progressisme d’aujourd’hui.

Il reste peu de temps à Bergoglio. La question, comme nous l’avons dit, est de savoir qui lui succédera. Et cela dépend des cardinaux électeurs, tous nommés par François. S’agira-t-il d’un pape bergoglien ? Le bergoglianisme cessera d’exister lorsque Bergoglio rendra son dernier soupir. Y a-t-il alors un espoir ? Il n’y a aucune raison de penser que les critères de sélection des cardinaux ont été différents des critères de sélection des évêques. Il faut se faire à l’idée que la moyenne des cardinaux est la moyenne des évêques. Le successeur de François sera choisi par des nullités analogues à Jorge García Cuerva, Dante Braida, José Cobo ou Francisco Cerro Chaves. En d’autres termes, avec le successeur de Bergoglio, l’Église continuera à s’enfoncer encore plus rapidement dans l’insignifiance.

Je reviens à la prophétie de Ratzinger : des petits groupes qui maintiendront les feux allumés. Et je ne parle pas nécessairement de groupes qui rompent avec les structures de l’Église ; l’insignifiance même de l’Église rendra la rupture insignifiante. Et je ne serais même pas surpris que, du fait de l’inévitable changement d’époque, ces petits groupes et ces feux vacillants soient largement oxygénés par les réseaux sociaux.

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