Le commentaire de Luigi Badilla est d’autant plus intéressant qu’il émane non seulement d’un homme qui connaît très bien François pour avoir été l’un de ses conseillers médiatiques de l’ombre (devenu au fil du temps de plus en plus critique), mais surtout d’un homme de gauche, et qui le reste sans doute, même si, après la clôture de son célébrissime blog « Il Sismografo », il a désormais trouvé un toit virtuel auprès du blog résolument conservateur et même traditionaliste MIL
Luis Badilla.
blog.messainlatino.it/2024/11/luis-badilla-la-visita-di-francesco
La visite de François à la Signora Bonino et la saveur du spectacle.
Mais pourquoi ce plateau?
Évident, attendu et normal : le pape François peut rendre visite à qui il veut et quand il veut. En effet, ces visites peuvent être des gestes pastoraux significatifs et doivent toujours être respectées. Mais le pape qui fait des visites pour se donner en spectacle dans un but de popularité dont le Vicaire du Christ n’a pas besoin, c’est moins évident, moins attendu et moins normal.
La visite de François, mardi 5 novembre dernier, à la Signora Bonino, députée historique du Parti radical et ancienne ministre des Affaires étrangères, qui venait de rentrer chez elle après une hospitalisation délicate due à une obstruction bronchique, avait le format habituel des autres visites, c’est-à-dire avec une suite d’opérateurs de télévision, de journalistes et de photographes, régulièrement prévenus avant l’arrivée « surprise ».
Visite pastorale privée ? Peut-être
On le sait, le sujet et l’événement étaient importants, puisque le pape Bergoglio utilise la presse amie comme un instrument de gouvernement, pour envoyer des messages, équilibrer les critiques et ne pas disparaître du radar de la presse. Mais aussi, et c’est très important, il s’agissait d’une rencontre symbolique, pleine de significations qui vont au-delà de la vieille amitié personnelle entre Bergoglio et Bonino. Bref, c’était peut-être l’occasion de faire tout avec discrétion, comme le Saint-Père sait le faire lorsqu’il ne veut pas faire connaître une rencontre.
La Signora Bonino est en Italie un symbole vivant de la légalisation de l’avortement tandis que Bergoglio est un symbole de l’opposition à cette légalisation dans le contexte doctrinal de la défense de la vie. Ensemble, publiquement, lors d’une visite du Souverain Pontife au domicile privé de la députée, que voulait-il dire ?
Dans cette circonstance particulière – si publique et délibérément ostentatoire – il s’est produit « quelque chose » qu’il convient de décoder rigoureusement pour mieux comprendre le comportement du Souverain Pontife.
En 1981, Emma Bonino a fait partie des politiciens italiens qui ont inspiré et finalement réussi – grâce à une lutte acharnée en faveur du « non » au référendum abrogeant la loi 194 – à faire adopter et confirmer au Parlement le droit à l’interruption de grossesse, qui avait été consacré par une loi de 1978.
Emma Bonino, que l’opinion publique italienne tient en haute estime et à qui elle reconnaît son engagement au service de l’Italie [ndt: Badilla pense-t-il vraiment cela?], en tant qu’auteur de cette loi et en tant que personne ayant connu dans sa chair les souffrances de l’avortement illégal et clandestin [même remarque!!], est l’une des nombreuses femmes que le Saint-Père a qualifiées à plusieurs reprises de « meurtrières » qui engagent des assassins pour ôter une vie. François a qualifié ces femmes de coupables de « meurtre ».
Bien qu’il dispose d’un lexique différent pour respecter la souffrance d’autrui, pastoral et miséricordieux, ainsi que de réflexions doctrinales du plus haut niveau [???] pour défendre la vie, il s’obstine depuis quelques années à traiter la question de cette manière, et avec un langage pour le moins douloureux. Avec ce langage, le pape, en outre, traite les médecins et le personnel paramédical qui pratiquent légalement l’interruption de grossesse sous le contrôle de la loi.
Le vocabulaire du Pape
Au retour de son voyage en Belgique, il a déclaré dans l’avion :
« Les femmes ont droit à la vie : à leur propre vie, à la vie de leurs enfants. N’oublions pas de le dire : un avortement est un meurtre. La science dit qu’un mois après la conception, tous les organes sont déjà là. On tue un un être humain. Et les médecins qui s’y prêtent sont – permettez-moi le mot – des tueurs à gages. Ce sont des tueurs à gages. Et cela ne peut être contesté. On tue une vie humaine. Et les femmes ont le droit de protéger la vie. Les méthodes de contrôle des naissances sont une autre chose. Il ne faut pas les confondre. Je ne parle maintenant que de l’avortement. Et cela ne se discute pas. Excusez-moi, mais c’est la vérité ! ». (29 septembre 2024).
Si le Pape avait voulu faire un geste pastoral à l’occasion de la maladie d’Emma Bonino, quelqu’un qu’il aurait qualifié lors de la rencontre d’ « exemple de liberté et de résistance », sans troubler et désorienter le monde catholique, il suffisait d’organiser tout cela en privé.
Au contraire, dans ce cas, il est certain que le spectacle et la scène ont été voulus, ce qui relativise la dimension symbolique de la rencontre.
Dans les cercles vaticans, avec beaucoup d’embarras, on commente en citant le pape François : «il faut regarder les personnes et non ce qu’elles font».
Très bien, mais à l’intérieur de l’Église, dans la hiérarchie et les diocèses, au Saint-Siège, cet axiome de la miséricorde est rarement appliqué.
À l’extérieur, si.