Avec son humilité habituelle, comme s’il était un simple observateur et pas un prince de l’Eglise dont la sagesse est nourrie de l’expérience d’un longue vie au service de l’Eglise (périphérique! pas dans les palais vaticans ou dans les sacristies progressistes), souvent dans la souffrance, il relève les points problématiques, nombreux. Parmi eux, non des moindres, la « nouveauté » introduite par le pape lui-même, de ne pas rédiger d’exhortation post-synodale.

Le Saint-Père croit aux « processus » (le temps est plus important que l’espace). Commencer un processus plutôt que d’obtenir immédiatement certains résultats.

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Le Synode est terminé, mais le processus a commencé ! Avec ce document final, l’Église synodale commence ; en elle, nous devons vivre !

Le Synode s’est-il bien (/correctement) conclu?

Cardinal Joseph Zen
oldyosef.hkcatholic.com
(Via La NBQ)

Le 27 octobre, « la seizième assemblée ordinaire du Synode des évêques » a été déclarée close. Le document de clôture a été immédiatement ratifié par le pape François, qui dit, en conséquence, qu’il ne rédigera pas d’exhortation apostolique post-synodale. Tout le monde a noté cette grande « nouveauté », mais il me semble qu’elle n’a pas été jugée  » problématique « , comme elle m’a semblé l’être. Craignant que mon jugement soit erroné en raison de mon « parti pris » pessimiste, je n’ai pas osé l’exprimer.

Trois articles parus plus tard, que j’ai pu lire, m’encouragent à partager mes préoccupations avec ceux qui visitent mon blog :

Le premier est celui de Jules Gomes (le 1er novembre)  “The Church of Permanent Revolution” . Le second par Sandro Magister (le 4 nov.)  “Tutto, tranne che sinodale. La strana Chiesa voluta da papa Francesco” . Le troisième par S.E. l’archevêque Robert Barron (5 novembre) “Some Thoughts Upon Returning from the Second Session of the Synod” .

Voici les réflexions que j’aimerais partager avec les lecteurs :

I. Le Synode qui vient de s’achever ne peut être appelé « Synode des évêques ».

Il a été inauguré en tant que « Seizième Assemblée Ordinaire du Synode des Évêques », c’est-à-dire la Seizième Assemblée Ordinaire de ce Synode des Évêques, institué par le Pape Paul VI, en 1965, vers la fin du Concile Vatican II, avec le document Apostolica Sollicitudo, dans le but principal de donner au Pape une occasion périodique d’avoir l’avis de ses « frères évêques » sur des problèmes particuliers. Le synode est donc un instrument permettant aux évêques, successeurs des apôtres, d’exercer collégialement leur charge de pasteurs de l’Église universelle.

Le pape François, cinq ans après son élection, a apporté quelques modifications au règlement du synode avec le document Episcopalis communio. Mais pour ce récent Synode, il a fait, de sa propre initiative, une chose qui va au-delà des nouvelles règles qu’il a établies, en invitant 96 non-évêques à être membres du Synode avec droit de vote.

Le pape a évidemment le pouvoir de convoquer tout type de réunion consultative, mais il ne peut pas se targuer d’avoir amélioré la constitution du synode donnée par le pape Paul VI. Sous le nom de Synode des évêques, le pape François a institué une nouvelle assemblée hybride.

II. Quel doit être le but d’un synode ?

Dans les synodes célébrés sous le pape François, nous constatons que l’objectif est souvent de modifier un point de doctrine ou de discipline de l’Église au lieu de préserver la tradition.

Lors du Synode sur la famille de 2014-2015, on a cherché à admettre les divorcés remariés au sacrement de la communion. Lors du synode sur l’Amazonie, on a cherché à admettre les « viri probati » à la prêtrise. Cette fois, les documents publiés par le Secrétariat du Synode montrent que l’ordre du jour est beaucoup plus large : changer la structure hiérarchique de l’Église en une démocratie de baptisés ; établir le diaconat pour les femmes (ce qui conduira également à la prêtrise pour les femmes ?); abolir l’obligation de célibat pour les prêtres de rite latin ; changer la moralité sexuelle traditionnelle (en commençant par la bénédiction des couples homosexuels).

Pour atteindre ces objectifs, une procédure a été imposée : beaucoup de partage [sharing] et peu de discussion ; des évêques et des non-évêques autour d’une table, guidés comme des enfants par des « facilitateurs“ ; une obligation stricte de secret sur ce qui se passe dans le synode, de sorte que le peuple chrétien n’a aucun moyen légitime de suivre un synode « synodal », qui insiste sur l’écoute et la participation ?

III. La machination semble avoir échoué

Malgré la revue à la baisse des discussions, les propositions des organisateurs du synode ont rencontré de fortes résistances. Le Pape, en dehors du synode, a même précisé qu’il n’y aurait pas de diaconat féminin. Le sujet de l’abolition du célibat clérical (qui, soit dit en passant, est déjà apparu à plusieurs reprises dans l’Église) ne semble pas avoir été beaucoup abordé.

La session qui s’est achevée en octobre 2023 n’a pas enregistré de délibérations, mais a seulement présenté un résumé des sujets abordés. L’acronyme LGBTQ, qui avait fait son entrée solennelle dans les documents synodaux, ne figurait plus dans le résumé. Tout le monde pensait que les discussions et les délibérations auraient lieu lors de la session de 2024.

À la surprise générale, peu après la fin de la session de 2023, le Dicastère de la doctrine a publié une déclaration, Fiducia Supplicans, affirmant que, dans certaines circonstances, les ecclésiastiques peuvent bénir des couples de même sexe. Cette déclaration a provoqué un clivage rarement vu au sein de l’Église (les évêques africains étant en première ligne pour protester) et une grande confusion au sein du peuple catholique. Il semble que les responsables aient dû « suspendre » la décision.

Nouvelle surprise. Le pape fait savoir qu’il a confié tous les problèmes particuliers, apparus lors de la session de 2023, à des « groupes d’étude » qui lui remettront les résultats de l’étude à la mi-2025. Les « réformateurs » sont déçus, les « traditionalistes » restent inquiets.

En attendant, les organisateurs du synode ont voulu faire un sondage (sur X et Facebook) avec une seule question : « Pensez-vous que le synode a réussi à favoriser l’esprit de participation et de communion en vue de la mission de l’Église ? » Quelqu’un a fait une capture d’écran des réponses qui commençaient à arriver, le résultat était cohérent, toujours un peu plus de 10% de « oui », et plus de 80% de « non ». Le sondage devait durer 24 heures, mais avant qu’il ne soit terminé, il a été mis hors ligne. Devant une telle débâcle, se rendront-ils?

IV. Dernière tentative – Dernier danger

Si tous les problèmes particuliers ont été écartés de la discussion et ne sont pas résolus par le Synode, à quoi aboutira le Synode de 2024 ? La victoire de la synodalité ! L’Église synodale ! Une Église inconditionnellement inclusive ! C’est-à-dire une communauté démocratique de baptisés marchant ensemble….

Mais un document de 2018, de la Congrégation pour la doctrine, également approuvé par le pape François, dit que la synodalité dans l’Église catholique est le principe selon lequel la hiérarchie, à travers les synodes des évêques (le Conseil œcuménique et d’autres synodes légitimes à différents niveaux), guide le peuple de Dieu.

Ces deux ecclésiologies ne sont pas compatibles, l’une est fidèle à l’enseignement de Vatican II (Lumen Gentium), l’autre est la voie suivie par l’Église des Pays-Bas juste après Vatican II (avec leur « nouveau catéchisme », de sorte que cette Église est maintenant presque moribonde); c’est la voie entamée dans l’Église d’Allemagne (appelée « la voie synodale », avant que l’Église universelle n’entame le synode sur la synodalité. En 2022, cette Église avait perdu un demi-million de croyants); c’est la voie suivie par l’Église anglicane de Londres (elle a conféré l’épiscopat aux femmes et reconnu le mariage des couples de même sexe. Récemment, la Global Anglican Future Conference, qui représente plus de 80 % de la communauté anglicane mondiale, a écrit à l’archevêque de Canterbury pour le menacer de ne plus être reconnu comme primus inter pares).

L’Instrumentum Laboris de la session synodale de 2024 contient la proposition de codifier l’autonomie des conférences épiscopales nationales en matière de doctrine.( !)

Allons-nous devenir comme l’Église anglicane ? Nous ne serons plus l’Église « une, catholique et apostolique » ! Nous ne serons plus l’Église ‘sainte’, parce que sans principes moraux fiables pour discerner entre la sainteté et le péché. Si cette autonomie avait été approuvée, notre Église se serait effondrée. Le Seigneur ne l’a pas permis. De nombreux fidèles, avertis du danger, ont prié. Et ils ont été exaucés. Deo gratias.

Cependant, cette section pas si courte de la partie IV du document final, parle des liens pour l’unité : les conférences épiscopales et les assemblées ecclésiales (paragraphes 124-129), apporte quelques bonnes clarifications, mais laisse de nombreux points à préciser pour les futures réflexions « synodales ». L’avenir reste encore très flou.

V. Comment s’est conclu le Synode ?

Encore une nouveauté ! Comme mentionné plus haut, à la fin du Synode, le Pape a déclaré qu’il reconnaissait en bloc le document de conclusion du Synode et qu’il n’écrirait pas d’exhortation post-synodale.

Je suppose que beaucoup ont admiré l’humilité du Saint-Père et la confiance qu’il place dans les membres du synode.

Mais j’ai des réserves : si le pape a vraiment « accepté » le résultat du travail des membres du synode, cela me semble peu prudent de sa part. Les conclusions d’un synode n’ont qu’une valeur consultative (surtout de celui-ci, qui n’est même pas un vrai synode), en les acceptant en bloc le pape leur donne la valeur d’un authentique magistère.

Les synodes précédents, presque tous, se sont conclus par des délibérations concises, bien discutées et votées ; celles-ci ne sont pas publiées, mais remises au Saint-Père, qui utilise librement ces « délibérations » et, sous sa propre responsabilité, rédige une Exhortation, et tout cela prend du temps. Aujourd’hui, par contre, je me demande comment le Pape pourrait comprendre tout le contenu d’un long document et assumer la responsabilité de tout son contenu.

Et puis, en revenant à ce document, de nombreuses questions se posent. Qui a rédigé le projet de ce document ? Une commission vraiment représentative, élue par les synodes ? De combien de temps ont-ils disposé, eux, les membres du Synode, pour comprendre le document présenté et préparer sa discussion ? Pour préparer les demandes d’amendements ? Qui est chargé de trier les, je suppose, nombreux amendements et de les pré-soumettre à la discussion et au vote ? Le vote des amendements peut être une opération très délicate. Enfin, on a l’impression que tout cela a été fait dans l’urgence. Comment le Saint-Père peut-il en prendre la responsabilité ?

A moins que ce ne soit le Saint-Père lui-même qui ait indiqué la direction de ce document final. Cette supposition est-elle une « théorie du complot » ? Non. Le Saint-Père croit aux « processus » (le temps est plus important que l’espace). Commencer un processus plutôt que d’obtenir immédiatement certains résultats.

Le Synode est terminé, mais le processus a commencé ! Avec ce document final, l’Église synodale commence ; en elle, nous devons vivre !

Prions l’Esprit Saint et confions-nous à la Sainte Vierge.

Auxilium Christianorum, Mater Ecclesiae, Ora pro nobis.

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