(en marge de la dernière encyclique).
En italien « so muovermi » – qui pourrait aussi se traduire par « je sais y faire », ou « je sais naviguer » – est l’auto-définition que le François nous avait livrée dans la toute première « grande interviewe », celle donnée à son ami le père Spadaro sj, dans les premiers jours du pontificat, alors que la presse du monde entier vibrait encore de l’extase du pape venu du bout du monde.
Cet auto-portrait d’un homme qui se décrit également comme « naïf, un peu fourbe » fait tiquer (il était temps!!) Luis Badilla, repris par MIL, qui réagit, entre autre, au timing pour le moins opportun de la dernière encyclique Dilexit nos [Le pape est en difficulté? Voilà l’encyclique]

(…) L’expression « je sais me mouvoir » est la plus inquiétante [question], parce qu’elle a trait au pouvoir.

Savoir se mouvoir est une attitude humaine nécessaire là où il y a de la compétitivité, des rapports de force, des objectifs à atteindre, de la domination.

Il est surprenant de voir un tel concept sortir de la bouche d’un pape, proposé, entre autres, comme faisant partie de la définition de soi, de la prise de conscience de sa propre personnalité.

Luis Badilla. « Qui est Jorge Mario Bergoglio ?

La réponse du pape François : « Je suis un peu fourbe, je sais me mouvoir, mais il est vrai que je suis aussi un peu naïf » (septembre 2013).

blog.messainlatino.it/2024/11/luis-badilla-chi-e-jorge-mario

Luis Badilla

Ce qui est écrit dans le titre est très exactement ce que nous avons lu mot pour mot dans la première interview – « historique », « monumentale », « complètement inédite dans l’histoire de la papauté », selon les textes de l’époque – du pape François à la revue La Civiltà Cattolica, menée et élaborée éditorialement par le père Antonio Spadaro, alors directeur de la prestigieuse publication. Le passage intégral est le suivant :

« Qui est Jorge Mario Bergoglio ? », demande le père Spadaro au pape dans l’entretien publié le 19 septembre 2013, et voici comment il retranscrit la réponse .

Le pape me regarde en silence. Je lui demande si c’est une question légitime à lui poser…. Il fait un signe de tête pour accepter la question et me dit : « Je ne sais pas quelle pourrait être la bonne définition…. Je suis un pécheur. C’est la bonne définition. Et ce n’est pas une figure de style, un genre littéraire. Je suis un pécheur ».

.

Le pape continue à réfléchir, comme s’il ne s’attendait pas à cette question, comme s’il était contraint à une réflexion plus poussée.

.

« Oui, je peux peut-être dire que je suis un peu fourbe, je sais me mouvoir, mais il est vrai que je suis aussi un peu naïf. Oui, mais la meilleure synthèse, celle qui vient le plus de l’intérieur et que je sens la plus vraie, c’est précisément celle-ci : « Je suis un pécheur que le Seigneur a regardé ».

Et il répète : « Je suis quelqu’un que e Seigneur a regardé». Ma devise Miserando atque eligendo [cf. www.vatican.va/content/francesco/fr/elezione/stemma-papa-francesco], je l’ai toujours sentie très vraie pour moi.
*

www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2013/september/documents/papa-francesco_20130921_intervista-spadaro

La question de savoir qui est le pape « régnant » est aussi ancienne que la papauté elle-même. Nous l’avons entendue dans le cas de tous les papes, de Pie XII à François. Dans tous les cas, sauf aujourd’hui, nous avons toujours trouvé des réponses sans ambiguïté, des biographies concordantes, un spport historique et des récits cohérents. Cela n’a pas été le cas avec le pape François, cependant, et il est certain que son autobiographie, qui sera publiée le 15 janvier 2025 dans 80 pays, compliquera encore la question de savoir « qui est Jorge Mario Bergoglio ».

Le simple fait, comme l’a dit l’éditeur, que François lui-même ait décidé d’avancer à aujourd’hui la publication du volume qu’il avait déjà préparé pour être publié après sa mort, est un indice très significatif.

Les raisons invoquées pour expliquer ce changement sont irrecevables parce qu’elles sont contradictoires. Il faut rappeler que selon l’éditeur – qui ne peut pas attribuer des pensées erronées au Pape – l’anticipation s’explique par le fait qu’en 2025 nous vivrons le Jubilé du 2025ème anniversaire de la naissance du Christ et pour d’autres raisons non précisées.

La question immédiate est la suivante : ce mouvement [mossa] du pape François a-t-elle quelque chose à voir avec l’expression « je sais me mouvoir» ? Quel sens cela a-t-il, ou pourrait-il avoir, de vouloir publier tout de suite, de son vivant, ce qui a été écrit pour venir à la lumière post-mortem ? Et même, comme il l’a dit lui-même, cette décision du Pape fait-elle partie de sa manière d’être et d’agir, de son énigmatique « je sais me mouvoir» ?

» Je sais me mouvoir » …

Le Pontife confesse au Père Antonio Spadaro qu’il est naïf, fourbe et un pécheur ‘miséricordé’ (pardonné). Un évêque de Rome ‘naïf et fourbe‘ pose plusieurs questions auxquelles il n’est pas facile de répondre, surtout si, en fin de compte, l’auto-définition confuse est celle d’un ‘naïf fourbe’ ou d’un ‘fourbe naïf’.

Mais, à notre avis, l’expression « je sais me mouvoir » est la plus inquiétante, parce qu’elle a trait au pouvoir. Savoir se mouvoir est une attitude humaine nécessaire là où il y a de la compétitivité, des rapports de force, des objectifs à atteindre, de la domination. Il est surprenant de voir un tel concept sortir de la bouche d’un pape, proposé, entre autres, comme faisant partie de la définition de soi, de la prise de conscience de sa propre personnalité.

Le rappel de cette citation (sur la fouberie et la naïveté) était une note que nous avons reçue d’un prestigieux théologien et aimable lecteur de New York à propos du peu d’attention accordée par la presse à l’encyclique « Il nous a aimés » [Dilexit nos]. Pourquoi ? Parce il y en a pas mal qui pensent, et parfois le disent, que la nouvelle encyclique fait partie du « je sais me mouvoir… » – en somme d’une démarche non pas naïve, mais plutôt fourbe.

Il nous raconte qu’un article du New York TimesNew Pope Francis Encyclical Urges Catholics to Reject Individualism », par Emma Bubola) sur le document papal ne dit jamais qui est Celui qui « nous a aimés », en substance, il n’explique pas à ses lecteurs que le document concerne le Christ, que le pape Bergoglio est l’évêque de Rome, le pasteur universel de l’Église catholique. Bref, le quatrième document le plus important signé par le pape François,

La journaliste s’attarde sur le pape Bergoglio peut-être parce qu’elle ne sait pas sur quoi elle écrit. De tels journalistes, nombreux, se disent Bergoglio-friendly.

Share This