Partant des « bons fruits » de l’élection de Javier Milei (affecté selon lui d’un « grain de folie ») à la tête de son pays, le blogueur argentin The Wanderer se prend à rêver: et si Trump lui aussi parvenait à renverser la table? … Et si l’Eglise, après le pontificat (désastreux, même si les médias dits conservateurs, particulièrement en France, persistent dans le déni) avait le courage de se donner, elle aussi, un pape atteint du même grain de folie? En guise de provocation (ou s’agit-il d’un wishful thinking?), il propose même le nom du cardinal Müller – qui n’est évidemment pas fou.
Une réflexion passionnante, qu’il nous est malheureusement difficile, au moins pour le moment, d’appliquer à la France, faute de personnalité ad hoc, dans un panorama politique désespérément gris.
Éloge de la folie. Le prochain pape
http://caminante-wanderer.blogspot.com/2024/12/elogio-la-locura-el-proximo-papa.html
Érasme de Rotterdam a écrit dans son Éloge de la folie que « le vrai bonheur est quelque chose que seule la folie peut offrir ». L’une des idées qu’il suggère est que certaines réalisations, comme le bonheur, ne peuvent être atteintes qu’avec un certain degré de folie. Ou, en d’autres termes, certaines réalisations, ou certains exploits, ne peuvent être accomplis que par ceux qui ont un certain degré de folie.
Le 2 septembre de l’année dernière, j’ai publié un billet dans lequel j’émettais de sérieuses réserves quant à la possibilité que Javier Milei soit un président approprié en raison de son trait de folie. Je ne pense pas m’être trompé sur l’existence de ce trait particulier, mais je me suis trompé sur la possibilité que le gouvernement de Javier Milei soit bon, ou du moins bien meilleur que ce à quoi nous nous attendions tous malgré sa folie.
Abordons l’affaire sous un autre angle : seul un fou pouvait mettre en œuvre en Argentine, patrie du populisme péroniste, un ajustement nécessaire de 7 % du PIB, éliminer en quelques mois le déficit fiscal – auquel l’Argentine était condamnée depuis 70 ans – et maintenir non seulement la paix sociale, mais aussi des taux d’approbation supérieurs à 50 %.
Mais plus étonnant encore : seul un fou peut oser faire ce qu’il fait dans ce qu’il appelle une « bataille culturelle ».
Qui aurait cru qu’un dirigeant oserait fermer l’INADI (Institut de lutte contre la discrimination) ou le ministère de la condition féminine, en affirmant qu’ils ne servaient à rien et que leur seul objectif était de faire adopter des politiques progressistes ?
Et plus encore : dans quel esprit fantaisiste a pu naître l’idée qu’il confierait la politique étrangère de l’Argentine, à l’exception des relations commerciales, à un groupe de fonctionnaires que les médias qualifient d’« ultra-catholiques » ? Et ces fonctionnaires ne se sont pas contentés de faire des déclarations :
ils ont refusé de signer la déclaration d’Asuncion de l’OEA [Organización de los Estados Americanos: organisation intergouvernementale créée en 1948 et basée à Washington, qui regroupe la plupart des gouvernements des États d’Amérique, ndt], entraînant la modification de plusieurs paragraphes contenant des inepties ecolo;
- la délégation argentine s’est retirée du sommet de Bakou sur le climat en dénonçant l’idéologie qui le sous-tendait ;
- à l’Assemblée générale des Nations unies, l’Argentine a voté contre une résolution protégeant les droits des peuples indigènes (nous savons tous ce que cela signifie) ;
- elle a été le seul pays du G20 à voter contre une déclaration sur l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes.
- Et le président Milei lui-même, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, s’est prononcé contre l’avortement, contre la domination des élites mondiales et contre l’Agenda 2030.
- En outre, dans le budget qui est débattu ces jours-ci au Congrès, le gouvernement allouera 0 dollar au financement de l’éducation sexuelle dans les écoles, l’une des réalisations les plus chères de la gauche péroniste.
Seul un fou comme Milei pouvait être capable de faire ce que beaucoup d’entre nous pensaient impossible, et seul un fou comme Trump sera capable de prendre des décisions qui nous surprendront autant, voire plus, que celles de Milei, pour le meilleur.
Bref, un fou – que ce soit Milei, que ce soit Trump, et d’autres apparaîtront sûrement – est seul capable de donner un coup de pied dans la fourmilière et de changer très vite ce qui semblait établi, et de récupérer en quelques mois des territoires que l’on croyait perdus.
Mais la question que je veux poser dans ce billet est de savoir si l’on peut faire une analogie avec l’Église.
Il va sans dire sur cette page que la crise de l’Église est monstrueuse et que nous, catholiques, désespérons qu’il puisse y avoir une solution parce que nous sommes raisonnablement convaincus qu’aucun cardinal ne pourra, une fois élu pontife romain, apporter les changements drastiques qui s’imposent.
Rêvons de l’impossible, comme nous l’avons fait non seulement pendant les abominables gouvernements kirchneristes, mais aussi pendant le gouvernement du modeste Mauricio Macri.
Pensons à un pape qui, une fois que tous les postes hiérarchiques de la Curie auraient présenté leur démission, comme c’est la coutume, les accepterait tous et enverrait Tucho comme aumônier de la prison d’Ushuaia (il se lierait d’amitié avec le gouverneur Melella), Roche comme évêque de l’île de Juan Bravo et tous les autres cardinaux comme missionnaires en Corée du Nord. Claude Barthe comme préfet des cultes, le cardinal Burke comme préfet de la doctrine de la foi et le cardinal Sarah comme préfet des évêques. Il demanderait à tous les évêques argentins de démissionner – comme François l’a fait avec les évêques chiliens -, accepterait la démission de la moitié d’entre eux, et nommerait aux sièges les plus importants les bons prêtres que nous connaissons tous et que nous ne nommerons pas ici. Ferait de même en Espagne et, pour défendre les prêtres de la sacristie de La Vandée, les nommerait évêques pour remplacer ceux qui ne sont pas présentables et qui se trouvent actuellement dans la péninsule.
Il déclarerait invalides les points litigieux d’Amoris laetitiae, cesserait de parler de la terre nourricière et du réchauffement climatique et rendrait caduque Fiducia supplicans.
Et nous pourrions rêver indéfiniment à de telles mesures. Et sûrement, quelques minutes plus tard, nous nous réveillerions, dirions « Assez de ces bêtises » et continuerions à prier le rosaire.
J’insiste sur le fait que nous, Argentins, avons eu des désirs similaires l’année dernière.
Et l’impensable s’est produit : beaucoup de ces désirs se sont réalisés plus ou moins, et beaucoup d’autres continueront à se matérialiser dans les mois à venir. Comment cela a-t-il été possible ? Quelles étaient les conditions de possibilité pour que ces illusions optimistes se réalisent ? Curieusement, c’est un fou qui est arrivé au pouvoir.
Revenons au cas de l’Église : pourrait-il se produire dans l’Église quelque chose d’analogue à ce qui se passe en Argentine et se passera aux États-Unis? Les cardinaux oseraient-ils élire un fou pour gouverner l’Église en dernier recours afin d’éviter son auto-anéantissement ? Mais surtout, existe-t-il un membre du Collège des cardinaux capable d’une telle folie ?
Je crois qu’il y en a un, et c’est le cardinal Gerhard Lüdwig Müller.
Certains bons amis se fâcheront et me diront : « Müller est un moderne », « Non, c’est un moderniste », « Il n’a pas favorisé la tradition ». « Il n’a pas favorisé les tradis lorsqu’il était à la Doctrine de la Foi. « Il ne célèbre qu’occasionnellement la messe traditionnelle ! » “C’était un ami de Gustavo Gutierrez !”. « Il célèbre le nouveau rite ! ». Et d’autres questions du même ordre.
Plus ou moins ce que d’autres bons amis disent de Milei : « Il n’a pas la chasteté de Saint Louis Gonzague ! » « Il n’a pas la foi de Saint Louis Roi de France ! » « Il a nommé beaucoup de juifs dans son gouvernement ! » « Il n’a pas lu Le libéralisme est un péché de Sardá y Salvany ! »
Et ils ont raison. Il est tout cela et bien plus encore, mais malgré cela, Milei fait beaucoup plus pour la restauration des principes de la civilisation occidentale que les présidents des cinquante dernières années.
Pourquoi ne pas laisser ouverte la possibilité qu’un cardinal avec le même degré de folie (ou d’audace ?) que Milei puisse faire la même chose pour l’Église ?