Quelle est cette émission de télévision si populaire, qui a invité à deux reprises le pape actuel, cette fois dans une opération de promotion publicitaire d’un livre (destiné à finir au pilon).
Giuseppe Nardi a plongé dans ses archives, remontant en 2008, pour nous rappeler le passage dans la même émission de l’écrivain allemand Gunther Grass (1927-2015), grande conscience et éminent représentant de la gauche morale et christianophobe d’outre-Rhin.

Celui-ci avait publié deux ans plus tôt une autobiographie « Pelures d’oignons » (nous en avons parlé dans ces pages) dans laquelle il reconnaissait pour la première fois qu’il avait été dans les Waffen SS.
Gott im Himmel!!! Stupeur et tremblement sous les cieux (progressistes!) teutons!

Pour faire passer la pilule, si j’ose dire, Grass racontait dans le livre qu’il « pensait » avoir rencontré à l’époque, dans un camp de prisonniers, le jeune Joseph Ratzinger. L’affaire avait fait grand bruit dans les médias allemands, au premier rang la FAZ [Frankfurter Allgemeine Zeitung], principal journal allemand, dit pudiquement « de tendance libérale » (étonnant, non?), qui s’était assuré l’exclusivité du scoop… en l’illustrant d’une photo du jeune Joseph Ratzinger

Deux ans plus tard, donc, en 2008, Grass était en Italie pour y assurer la promotion de son livre… et passait « chez Fazio ».

François à « Che Tempo che fa » en 2025

Guseppe Nardi
21 janvier 2025
katholisches.info/2025/01/

Un an après sa première prestation, le pape François est à nouveau apparu dans l’émission du journaliste Fabio Fazio « Che tempo che fa », « l’antre télévisuel de la gauche politiquement correcte infaillible » selon le vaticaniste Marco Tosatti.

Che tempo che fa est l’émission qui, le 27 avril 2008, a permis à l’écrivain allemand Günther Grass de discréditer de la pire des manières le pape Benoît XVI, alors régnant, ironisant sur lui, sans être contredit, à la satisfaction de l’auditoire et l’enthousiasme du présentateur Fabio Fazio. Le récit de Grass n’était certes que le fruit de son imagination, on aurait pu dire qu’il était bidon et mensonger, mais l’attaque était ciblée – et Fazio lui a offert une plateforme pour le faire.

L’incident a été l’un des plus graves manquements au respect envers le pape allemand, mais presque personne n’a levé le petit doigt pour défendre Benoît. Il serait plus juste de dire pour accuser Grass, car ce dernier, dans le meilleur style gauchiste d’un commando d’exécution verbale, a inventé une histoire pour salir publiquement un adversaire mal-aimé, concrètement un pape.

Le pape François semble en revanche se sentir très à l’aise dans ce milieu. Si bien qu’à douze mois d’intervalle, c’est la deuxième fois qu’il se fait inviter par Fazio. L’émission, diffusée à l’origine sur la chaîne publique RAI 3, qui était la chaîne communiste dans l’équilibre médiatique italien, a entre-temps été transférée sur la chaîne privée 9 [Nove], appartenant au groupe Disney.

(…)

Retour en 2008

Günter Grass, le pape et l’imagination (antichrétienne)

– Ah, les intellectuels allemands ! –

Giuseppe Nardi
28 avril 2008
katholisches.info/2008/04/28/gunter-grass-der-papst-und-die-antichristliche-phantasie-deutschland-deine-intellektuellen/

On pourrait en parler poliment ou du moins relativiser, passer outre, mais ce serait une politesse mal placée. Dimanche soir dernier, Günter Grass, prix Nobel de littérature, est intervenu sur la RAI, la télévision publique italienne. Il était l’invité de l’émission « Che tempo che fa » de Fabio Fazio, un présentateur certes sympathique mais ouvertement marqué à gauche. Le roman de Grass « Pelures d’oignon », publié en 2006, était au centre de l’émission.

. . .

Grass n’a pas pu s’empêcher – en homme de conviction qu’il est – de répéter cette anecdote romancée qui, à l’époque déjà, avait paru aussi antipathique qu’outrancière lors de la présentation à sensation du livre dans le supplément dominical de la FAZ [la Frankfurter Allgemeine Zeitung, de tendance « libérale » est le principal quotidien allemand]. Il y présentait son passé de SS de manière objective, ce qu’il avait toujours refusé jusqu’à présent, et racontait sa prétendue rencontre dans un camp de prisonniers de guerre américain avec un « Josef de Bavière ».

« J’avais été élevé dans la religion catholique, mais j’avais perdu la foi très tôt », a confié Grass [à Fazio].
Dans cet « immense camp », un autre jeune prisonnier de guerre allemand a tenté de le « convertir, d’une voix douce, un peu susurrée et avec une tendance au fanatisme ». Et voilà que 60 ans plus tard, c’est comme si des écailles tombaient des yeux de l’écrivain : « J’écrivais ce livre alors que la nouvelle de l’élection de Joseph Ratzinger comme pape venait de tomber. Quand j’ai entendu sa voix, cette « voix douce, un peu susurrée, et cette tendance au fanatisme conservateur, je me suis dit que cela aurait pu être ce Joseph dans le camp ».

Que veut dire Grass par là depuis bientôt deux ans ? Il ne fait aucun doute qu’en bon romancier, il a tout simplement inventé cet épisode du camp, du moins en ce qui concerne Joseph Ratzinger. Il le laisse lui-même clairement entendre. C’est l’élection du pape Benoît XVI qui lui aurait inspiré ce passage. On ne peut lui dénier l’imagination nécessaire. Mais ce faisant, il s’est également révélé être un habile stratège publicitaire.

Cette petite astuce marketing n’est toutefois qu’un aspect.

Grass, l’« autorité morale » fictive de l’Allemagne d’après-guerre, a révélé avoir été membre des Waffen SS, ce qu’il avait caché jusqu’à présent. Il est possible que cette révélation fasse partie d’une stratégie de marketing. En tout cas, il savait qu’elle déclencherait un débat public.

En essayant d’attirer dans le même bateau le pape nouvellement élu en tant qu’instance morale effective (tous deux d’une certaine manière à la guerre, tous deux dans le même camp de prisonniers de guerre, même destin suggéré, bien que les biographies fussent déjà à l’époque extrêmement différentes), il cherchait probablement aussi à se protéger.

Le supplément dominical de la FAZ, avec sa présentation en exclusivité, a activement contribué à cette intention. A côté du titre sensationnel : « J’étais membre de la Waffen-SS », ce n’est pas une photo de Grass en uniforme SS qui a été publiée, mais celle de Joseph Ratzinger, qui n’a jamais fait partie de la SS, mais qui a été engagé de force comme auxiliaire de la Flak. Honni soit qui mal y pense ? Probablement pas, quand on sait à quel point cette « exclusivité » a dû être « chaude » pour la FAZ et à quel point le titre et les images ont été choisis consciemment. Le pape devait servir à « blanchir » le passé de Grass ou du moins à atténuer quelque peu la tempête prévisible qui l’attendait.

Mais ce qui devait être une protection pour Grass devait à l’inverse être synonyme de souillure pour le pape. Qui ne se souvient des coups bas peu ragoûtants d’une partie de la presse britannique, qui tentait de rapprocher le pape du nazisme. Il semble que l’anticlérical Grass, totalement égocentrique, ait accepté à bon compte cet effet négatif au moins potentiel pour le nouveau pape.

Son apparition en prime time sur RAI 3, l’ancienne chaîne communiste de la télévision publique, a montré qu’il ne s’agissait en aucun cas d’un dérapage unique en 2006.

Aujourd’hui, l’écrivain n’a certes plus besoin de protection. Grass n’est pas devenu une non-personne, un statut qu’il a assidûment « aidé » à obtenir pour d’autres. Le monde culturel officiel lui est resté favorable et a continué à le traiter avec tous les honneurs et, malgré son passé de SS, avec prévenance et bienveillance. Grass s’est donc rendu en Italie en tant qu’ambassadeur anticlérical afin d’expliquer enfin aux Italiens qui était ce pape : « un fanatique ».

Grass semblait visiblement persuadé d’avoir lancé sa pique de manière particulièrement habile et subtile. Il avait pourtant le charme d’une hache sur un billot avec son manque d’humour teuton et son éloignement de la réalité.

On ne pouvait s’empêcher de penser à une autre déclaration de Grass. Il avait proposé, comme « un grand geste », de transformer une église de Lübeck en mosquée afin de promouvoir la candidature au titre de capitale mondiale de la culture. Ceci à un moment où l’Allemagne compte déjà plus de 2000 lieux de culte musulmans. Il ne lui est évidemment pas venu à l’esprit d’encourager en même temps la transformation d’une mosquée en église dans un pays musulman. Cette initiative révèle donc moins une attitude favorable à l’islam qu’une attitude profondément antichrétienne et anti-européenne.

Quoi qu’il en soit, Fazio a déclaré à la fin de l’émission que cela avait été « un honneur » d’avoir Grass comme invité. Avec sa prestation, Grass n’a toutefois fait honneur ni à lui-même ni à l’Allemagne, même dans un contexte de gauche comme celui de l’émission télévisée de Fazio, même si le public a applaudi chaleureusement à la fin parce que la consigne de mise en scène correspondante s’est allumée dans le studio.

(Giuseppe Nardi)

Share This