Contrairement à ce qu’affirment certains médias français plutôt conservateurs, ce n’est pas du tout de chez nous qu’est partie la campagne de démolition de l’homme à abattre du moment (c’est assez rare aujourd’hui que les Français inventent quelque chose, ça me coûte de l’avouer, mais c’est un fait: en général, nous nous contentons du rôle de suiveur). J’en trouve une preuve dans cet article de Stefano Magni. Il a épluché les médias transalpins.

Musk n’a pas fait le salut « romain ».
Le fascisme est une obsession
Stefano Magni
lanuovabq.it/it/musk-non-ha-fatto-il-saluto-romano-il-fascismo-e-unossessione
Elon Musk mime le geste de jeter son cœur à la foule de ses supporters. Le journalisme de gauche le prend pour un salut romain et en fait une affaire. Cela fait deux jours que l’on ne parle que de cela. Et la violence monte. Le fascisme est une obsession, la seule capable d’unifier les âmes de gauche.
Attention à ne pas lever le bras droit. On pourrait vous accuser de fascisme. Cela paraît incroyable, mais après deux jours, tout le monde ne parle que de cela : Elon Musk a salué la foule des partisans républicains le bras droit tendu, à la Capital One arena, le 20 janvier, le jour de l’inauguration de l’administration Trump. Il l’a fait à deux reprises. Dans les deux cas, il a d’abord touché sa poitrine, au niveau du cœur. Il est donc « évident » qu’il s’agissait d’un salut nazi.
Or, pour être nazi, un geste ne suffit pas
Mais que disait Elon Musk en saluant ses partisans et ceux de Trump ? « Je voudrais vous donner mon cœur », c’est le sens du geste : prendre symboliquement son cœur et mimer le geste du lancement. Mais que disait-il auparavant ?
C’est grâce à vous que l’avenir de la civilisation est assuré. Grâce à vous. Nous aurons enfin des villes sûres. Des villes sûres, des frontières sûres, des dépenses judicieuses. Des choses essentielles. Et nous les porterons sur Mars. Je veux dire, vous imaginez ? Comme ce sera génial. Des astronautes américains plantant le drapeau sur une autre planète pour la première fois ? »
Puis :
« Je suis très enthousiaste pour l’avenir. Il sera très excitant. Comme l’a dit le président, nous allons connaître un âge d’or. Ce sera fantastique. Et l’une des choses fondamentales, l’une des valeurs les plus américaines que j’aime, c’est l’optimisme et le sentiment que l’avenir sera bon. Nous allons faire en sorte qu’il soit bon ».
Certains ont ironisé sur « Fascisti sur Marte », le film créé à la fin des années 1990 par le génie comique de Corrado Guzzanti. Mais objectivement, il n’y a rien de nazi (mais beaucoup de rêve américain) dans le discours de Musk.
En Amérique, la campagne de terreur nazie a commencé immédiatement après la diffusion des images. Elle fait encore l’objet de débats aujourd’hui. En Italie, les fact checkers de L’Espresso ont immédiatement reconnu qu’il ne s’agissait pas d’un salut romain. Ce qui n’a pas empêché le tintamarre de commencer
Florilège de la presse de gauche, y compris sur X!! [synthèse de moi]
- « 80 ans plus tard. De la libération de l’Europe du nazifascisme au retour de la Bête ».
- « La fin de tout cela sera violente (…). Mais avant de tomber, combien d’horreurs encore ? Combien de temps durera l’agonie de la démocratie ? Maudit soit Musk ».
- « Salut romain, persécutions et déportations annoncées, environnement vidé, territoires annexés. Qu’est-ce qui pourrait aller de travers ?
- « Symbole d’une autre époque que Trump vient de finir d’effriter, la Statut de la Liberté devrait être retirée des eaux de New York et placée dans un musée ».
- « S’il sait ce qu’il fait, il est dangereux. S’il ne sait pas ce qu’il fait, il est dangereux ».
Florilège de la gauche politique [synthèse]
- « Il ne s’agit pas seulement d’une pose provocatrice, mais de l’expression d’un programme politique précis. Un programme de déportation de millions et de millions de personnes a été annoncé ».
- Un eurodéputé confond également (délibérément ?) « expulsion » des immigrants illégaux avec « déportation », obtenant ainsi un effet scénique choc.
- « Un coup sur la poitrine. Puis le salut nazi. Immanquable : le bras droit tendu. Un geste, celui de ce soir, qui évoque la mort, la guerre, l’extermination. Un geste qui a accompagné les armées qui ont envahi, occupé, exterminé même chez nous. Et c’est le premier jour. Seulement le premier jour. C’est la droite. C’est Musk et Trump. Ce sont les références internationales du gouvernement Meloni ».
- « C’est un danger pour la démocratie et l’Europe ne peut pas bégayer. La loi sur les services numériques doit être appliquée ».
Cette fois, la gauche a du grain à moudre. Pour les quatre prochaines années, au moins. Elle avait du mal à croire que Musk lui donnerait cette occasion en or de ressusciter le spectre du nazifascisme, la seule peur qui soit apparemment capable de réunir toutes les âmes querelleuses de la gauche.
Mais d’où vient, en particulier, la peur de Musk ? Qu’est-ce qui a empêché tous ces journalistes, intellectuels et politiciens de lire son discours et de comprendre le sens de son geste ?
Le président argentin Javier Milei, ami personnel de l’entrepreneur de Space X, a son idée claire sur la question :
Il a acheté X, en un acte qui a été considéré comme insensé d’un point de vue commercial, mais qui sera sans aucun doute considéré comme l’une de ses grandes contributions à l’humanité, en prenant le contrôle d’une plateforme qui était censée être un forum de débat public, mais qui était programmée pour effacer tout discours autre que celui de la parole hégémonique. C’est pourquoi aujourd’hui tous les progressistes internationaux surfent sur le geste innocent d’Elon Musk pour le qualifier de « nazi ».
Évoquer le spectre du nazifascisme, à tout moment, n’est pas sain pour la mémoire. L’historien britannique Niall Ferguson écrit ceci sur son profil X :
« Aucun spécialiste sérieux du Troisième Reich ne confondrait les gestes exubérants de Musk avec le salut hitlérien. Les politiciens qui diffusent ces calomnies ne semblent pas encore se rendre compte qu’en plus d’être mensongères, elles ne font changer personne d’avis. Ils devraient cesser de dévaluer la monnaie de l’analogie historique ».
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« Ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique de Trump ont tout à fait le droit de le critiquer, lui et son administration. Cependant, les analogies avec le nazisme alimentent un récit dangereux et faux. De plus, leur utilisation cavalière et inauthentique de l’analogie diffame la mémoire de ceux qui sont morts dans l’Holocauste aux mains des vrais nazis. Il faut arrêter ».
Notamment parce qu’à force de lancer des accusations de nazisme, il y en a qui y croient et certains pourraient envisager de passer à l’action. Bien que Musk ne se préoccupe probablement pas que la marionnette le représentant ait été pendue à l’envers sur le Piazzale Loreto [ndt: là où fut exposé le corps supplicié de Mussolini et de ses partisans, le 25 avril 1945] (un lieu qui n’a pas été choisi au hasard) dans la lointaine ville de Milan, aux États-Unis aussi, le tir pourrait suivre le chargement.
Et après deux attaques contre Trump (dont l’une a miraculeusement échoué), on peut s’attendre à tout.