J’avais parlé de ce film au moment de sa sortie, et formulé mes réserves (avec trop de modération, je le pense avec le recul, dans le souci de séparer le missile contre l’Eglise, inacceptable pour un catholique, de l’œuvre cinématographique, bien ficelée malgré tout). Et je m’étonnais que pratiquement aucun site italien parmi ceux que je suis n’ait apporté un commentaire… disons plus autorisé que le mien. C’est chose faite aujourd’hui, avec cette critique de Riccardo Cascioli, qui partage en gros mon avis, avec plus de pugnacité.
La première pensée qui vient à l’esprit en sortant du cinéma est que l’épilogue [du film] serait aujourd’hui dramatiquement possible, et l’on se demande même s’il n’est pas déjà arrivé qu’un prêtre ou un évêque se trouve exactement dans cette situation.
La révolution gender dans l’Église se reflète dans le film Conclave
Riccardo Cascioli
La NBQ
28 janvier 2025
Des femmes qui deviennent vicaires épiscopaux, des religieuses qui considèrent que la distinction homme-femme est dépassée, des cardinaux qui promeuvent l’agenda Lgbt, des organisations homo et trans chez elles au Vatican. Telle est la réalité actuelle de l’Église et le film Conclave, nominé pour 8 Oscars, est inquiétant car il préfigure ce qui pourrait arriver…
L’évêque du diocèse français de Coutances et Avranches, Mgr Grégoire Cador, a récemment annoncé la nomination d’une vicaire générale, Audrey Dubourget, qui est donc rattachée au conseil épiscopal [ndt: en fait une « déléguée diocésaine », cf. Féminisation et laïcisation: à Coutance et Avranches, l’évêque nomme UNE déléguée diocésaine laïque]. Dans l’archidiocèse de Bruxelles, une déléguée épiscopale, Rebecca Charlier-Alsberge, avait également été nommée en décembre, et son nom a même été introduit dans la prière eucharistique. En Italie, dans l’émission Otto e Mezzo (La7), c’est au tour d’une religieuse, Paola Arosio, de censurer la décision du président américain Donald Trump de ne considérer que les genres masculin et féminin, une décision jugée violente et non conforme à l’air du temps. Sur les théories homosexualistes et transsexualistes du cardinal américain Blaise Cupich, on pourra lire cet article de Tommaso Scandroglio. Et puis le Pape, qui entre septembre et octobre a reçu en grande pompe deux groupes différents d’homosexuels et de transsexuels, mais qui promeuvent avant tout l’agenda LGBTec. dans l’Eglise.
Ce ne sont là que quelques faits récents – on pourrait en citer bien d’autres – qui donnent une idée de la véritable révolution morale en cours dans l’Église. De plus, un processus est en cours qui dénature le sacerdoce.
Ce sont des faits qui viennent immédiatement à l’esprit après avoir vu le film Conclave, réalisé par Edward Berger et basé sur le roman du même nom de Robert Harris, qui est sorti en Italie à Noël et qui est toujours en salle avec un bon succès public. D’ailleurs, nous parlons d’un film nominé pour huit Oscars, sept Golden Globes et de nombreux autres prix. Dans quelques semaines, lors de la soirée des Oscars, il fera donc à nouveau parler de lui.
Malgré cela, on pourrait se dispenser de parler de ce film, s’il ne s’agissait que d’une énième œuvre – bien que cinématographiquement bien faite – destinée à discréditer l’Église catholique, mettant en scène des cardinaux voués uniquement à des intrigues de pouvoir ou ayant de lourds squelettes dans leur placard. Du déjà vu, pourrait-on dire.
En réalité, l’opération Conclave est beaucoup plus sournoise et inquiétante. Pourtant, les ingrédients du thriller vaticaniste sont bien là : à commencer par la bande-son, digne d’un film de Dario Argento, qui accompagne dès les premières scènes les actions les plus ordinaires et les plus évidentes consécutives à la mort d’un pape, donnant l’impression d’assister à on ne sait quel méfait. Les scandales ne manquent pas non plus, émergeant peu à peu pendant le déroulement du Conclave et restant évidemment enfermés dans les salles secrètes : le cardinal africain avec un fils et le Canadien qui complote et paie d’autres cardinaux pour obtenir leur voix. Et puis il y a les deux fronts opposés, les progressistes et les traditionalistes, strictement occidentaux, manifestement engagés dans une simple lutte de pouvoir. Tout cela est assaisonné, dans les rares discours importants, d’un langage politiquement correct : surtout l’homélie de la messe qui introduit le conclave, lorsque le cardinal Lawrence, le doyen qui sert de guide dans le déroulement du film, prononce un éloge du doute contre toute certitude. Un doute qu’il exprime à un moment de crise de la foi.
Jusqu’à l’épilogue où, tous les principaux candidats ayant été balayés par le scandale, en vertu d’un discours totalement banal sur les pauvres et les guerres, le jeune cardinal, qui vient des périphéries, remporte les suffrages pour la papauté. Et qui, pourtant, cache le secret d’une nature sexuelle que l’on pressent intersexuée, même si la description qui en est faite relève de l’anatomie-fiction.
Au final, le nouveau pape, avec toute son ambiguïté et même sa banalité, apparaît comme la seule figure vraiment positive du Sacré Collège, un homme-femme qui, en vertu de cette nature, a la douceur et la propension au dialogue – contre l’arrogance et la violence des mâles toxiques – dont l’Église et le monde ont besoin.
Bref, une intrigue, si l’on veut, même pas très originale.
Qu’y a-t-il donc de dérangeant dans ce film ?
Que ce qui, il y a seulement un pontificat, aurait été considéré comme une œuvre de religion-fiction, comme l’était le Da Vinci Code pour donner un exemple, apparaisse aujourd’hui dramatiquement réaliste. Les discours des cardinaux dans le film, qui ne font aucune référence concrète aux raisons de la foi, sont terriblement similaires à ceux entendus sur les lèvres de nombreux prélats aujourd’hui, y compris l’éloge du doute, « l’Église n’est pas la tradition » et ainsi de suite. Et même, des choses bien pires sont entendues et vues dans la réalité.
Quand un évêque promeut une exposition blasphématoire et qu’ un autre approuve approuve le fast food à l’église en se justifiant par le fait que « Jésus l’approuverait », que voulez-vous que soit un cardinal obsédé par la peur que le candidat traditionaliste devienne pape ?
Si l’on veut, la réalité illustrée par les faits que nous venons de citer est déjà en avance sur ce que l’on voit dans le film. Au point que l’élection d’un cardinal intersexe ou même transsexuel comme pape, aujourd’hui – après le pontificat actuel – n’est plus de la religion-fiction.
La première pensée qui vient à l’esprit en sortant du cinéma est en effet que cet épilogue serait aujourd’hui dramatiquement possible, et l’on se demande même s’il n’est pas déjà arrivé qu’un prêtre ou un évêque se trouve exactement dans cette situation. Rappelons qu’il y a déjà trois ans, le diocèse de Turin a accepté de confirmer avec le nouveau nom et le nouveau sexe une femme qui était « devenue » un homme ; et l’on peut être sûr qu’ailleurs dans le monde occidental, on ne se scandalise plus de tels cas. La pression croissante pour accepter des candidats homosexuels à la prêtrise dans les séminaires va dans le même sens.
Dans le film, le pape défunt apprend la situation de l’évêque intersexué et, malgré cela, le nomme cardinal, lui disant « Vas-y ». Ne s’agit-il pas d’une situation que nous connaissons bien ? N’avons-nous pas assisté ces dernières années aux brillantes carrières de personnalités ouvertement pro-LGBT telles que le cardinal Cupich, ou le cardinal Robert W. McElroy, promu ces dernières semaines archevêque de Washington ?
Au fond, Conclave sert de caisse de résonance à ceux qui, dans l’Église, travaillent à sa destruction, rendant familier et acceptable pour un large public, y compris catholique, un épilogue comme celui du film.