Une analyse intéressante de l’Observatoire Van Thuân (mais qu’on n’est pas obligés de partager en totalité…).
Le débat politique d’aujourd’hui, dominé par des querelles sémantiques (ex chez nous: « invasion migratoire ») et des discussions oiseuses sur des sujets en général « clivants » (environnement, droits des minorités) mais marginaux, n’est rien d’autre qu’une escroquerie, juste destinée à détourner l’attention des gens du sujet principal, l’ARGENT au profit des élites économiques. Manœuvre rendue plus aisée par la consolidation d’une « plèbe intellectuelle » manipulable à merci, que l’effondrement du système éducatif contribue à élargir toujours plus.
La révolution Trump, ce sera peut-être cela: remettre l’argent au cœur du débat, et passer « de l’opposition idéologique à la question sociale, c’est-à-dire au choc des intérêts entre les riches et les pauvres ».
(Les sous-titres sont de moi)
De nombreuses années ont passé depuis qu’un « intellectuel dérangeant », Noah Chomski, a souligné comment, dans le monde politique américain, il existe une règle non écrite consistant à se taire sur les vraies questions et à concentrer l’attention des électeurs sur des sujets qui ne les touchent que marginalement. Si cette affirmation est vraie – ce qui est facilement démontré au quotidien (et pas seulement aux États-Unis) – le jeu subtil auquel se livrent aujourd’hui les élites dirigeantes dans tous les pays apparaît au grand jour.
L’argent, le nerf de la guerre
Quand le débat porte principalement sur le statut démocratique des opposants – avec les accusations opposées de fascisme-communisme, sionisme-antisionisme, nationalisme-mondialisme, etc. – ces arguments finissent par révéler leur nature de simple escamotage visant à détourner l’attention d’un sujet concret : l’argent.
Cela semble surprenant, surtout dans un pays où la valeur des personnes tourne essentiellement autour de leur richesse. À y regarder de plus près, les politiques économiques y sont menées, bon an mal an, quel que soit le parti au pouvoir. À cet égard, les États-Unis ne font pas exception. Tôt ou tard, les citoyens prennent conscience de la réalité des choses et réagissent presque partout en désertant les urnes. Ce comportement, qui ne s’explique nullement par l’accusation facile de « j’menfoutisme« , met les groupes dominants dans une position difficile, générant une incertitude sur les résultats électoraux (c’est-à-dire sur la répartition du pouvoir). Au-delà d’un certain point, il constitue une menace pour la résilience d’un système qui prétend tirer sa légitimité de la volonté du peuple. Dans le même temps, l’abstention aggrave la situation de la société dans son ensemble, car elle laisse les groupes dominants de plus en plus libres d’agir à leur guise.
La parade: créer de nouveaux motifs de conflits sociaux
Face à ce problème, on tente de réagir en proposant à l’électorat potentiel des questions toujours nouvelles qui provoquent une forte division dans le corps social, dans l’intention d’inciter les gens à se ranger du côté de l’un des deux partis en lice.
En substance, il s’agit de soulever sans cesse de nouveaux motifs de conflit social, centrés sur des questions spécifiques qui donnent l’impression de lutter pour des intérêts concrets et non pour des causes historiquement liées à des revendications idéologiques. Comme on peut le comprendre, il s’agit d’une authentique escroquerie, d’autant plus que les questions soulevées sont soigneusement choisies afin de légitimer une marge de manœuvre très large pour les gouvernants, qui les utilisent pour intervenir dans toutes les sphères de la société.
Certaines questions environnementales (l’épuisement des ressources, le soi-disant « réchauffement climatique anthropique »), la menace de pandémies (réelles ou supposées), la position par rapport à la vie (l’avortement et l’euthanasie), la protection et la valorisation de toute minorité (réelle ou inventée), la question LGBTQ, le langage « politiquement correct », etc. sont sans aucun doute basés sur des aspects concrets de la vie.
Cependant, la manière dont ils sont mis en œuvre au niveau politique en fait des cadres problématiques qui proposent des changements radicaux à l’ensemble du complexe culturel, et donc à l’ensemble de l’orbe. Par essence, il s’agit de véritables modules d’interprétation de la réalité – physique et intellectuelle – qui révèlent leur nature intrinsèque de constructions idéologiques. Ce qui n’est pas sans rappeler les vieilles idéologies qui ont servi de modèle aux partis politiques qui ont dominé les deux derniers siècles.
La croyance générale est que ces cas émergent spontanément à la surface et, étant enracinés dans la réalité, ont une dignité et le droit d’être affirmés.
Cependant, si l’on y prête attention, il est facile de se rendre compte que bon nombre des préoccupations, pourtant légitimes, pour l’environnement, telles qu’elles sont déclinées et mises en pratique, ne constituent rien d’autre qu’une perversion de la science. Celle-ci est prostituée aux intérêts d’une élite économique qui se soucie de tout sauf du bien de l’humanité.
Une nouvelle « plèbe intellectuelle »
Si l’on se libère des messages, même subliminaux, dont nous sommes constamment bombardés, on s’aperçoit que la spontanéité des revendications en question est une feuille de vigne qui recouvre des stratégies corporatives et financières raffinées et complexes qui dépassent de loin l’imagination de l’homme de la rue. Lequel, à dire vrai, n’est guère disposé à consacrer du temps et de l’énergie à l’élargissement de ses connaissances.
Paradoxalement, notre vision est voilée par une scolarisation de masse censée améliorer le niveau culturel de la planète et donc l’esprit critique des populations. Là encore, il s’agit d’une illusion, que connaissent bien ceux qui ont l’expérience de la dégradation progressive et inéluctable des systèmes éducatifs dans tous les pays occidentaux. Il s’agit d’une tragédie en cours, trop vaste pour ne pas être le résultat d’un dessein caché, dont on ne parle ni dans les médias ni dans la littérature académique.
Qu’on le veuille ou non, il faut accepter la réalité d’un monde mal acculturé, qui produit, au niveau industriel, une nouvelle catégorie sociale : la « plèbe intellectuelle ». Un véritable « bloc social » composé de « consommateurs évolués » dont la principale compétence consiste à saisir les messages subliminaux diffusés par les sirènes du pouvoir et à se les approprier.
Le mouvement woke, comme mai 68
Le même discours s’applique aux nouvelles « questions sociales » qui ont occupé la scène au cours de la dernière décennie.
Il est intéressant de noter comment le mouvement woke, né dans la communauté afro-américaine dans les années 1960, n’est devenu un slogan politique répandu que quand le groupe Black Lives Matter l’a revendiqué, en 2013 et 2014. Sa popularité est montée en puissance dans le cadre de la lutte contre la candidature de Donald Trump à l’élection présidentielle. Une coïncidence temporelle qui fait réfléchir et explique les raisons qui ont poussé le nouveau président à annuler dès son retour au pouvoir les bases de la législation woke promulguée par l’administration Biden & Harris.
L’hostilité à l’égard de cette sous-culture, dans ses déclinaisons sexuelles et culturelles, est devenue partie intégrante de la « légende noire » construite autour de Trump par les médias et décantée sur la place publique. Biden et Harris ont surfé sur cette tendance qui a toujours été minoritaire dans la société américaine. En effet, comme le note Pierre Valentin (2021), « il n’existe pas de prolétariat woke« . La corrélation entre les revenus élevés des parents et le comportement woke des enfants saute aux yeux ». Les émeutes dans les universités les plus prestigieuses (c’est-à-dire les plus chères) en sont la preuve la plus évidente. On se rend compte à quel point le wokisme n’est rien d’autre que la version actualisée de 68. Un mouvement également géré d’en haut et exporté dans le monde entier, à des fins largement cachées. Ceci étant, accuser Trump de » populisme » pour avoir répondu à des demandes émanant de la majorité des électeurs semble confirmer la vocation autoritaire de ceux qui se disent liberal.
Les ratés d’une démocratie… pas vraiment irréprochable
Cette réalité amène à réfléchir sur la nature démocratique du « système » américain, ainsi que sur l’affirmation de Trump selon laquelle les élections de 2020 ont été truquées.
Apparemment, à cette occasion, la réponse des urnes a donné au Parti démocrate près de 13 millions de voix de plus que lors de toutes les élections présidentielles précédentes. Un surplus de voix exprimées dans une situation d’atteinte générale aux droits civiques due à l’état d’urgence Covid et réduite de plus de moitié en 2024, une fois la normalité rétablie. Cela s’est produit malgré la force électorale incontestable de l’appareil présidentiel et la très forte affluence dans les bureaux de vote.
Un autre élément de perplexité vient du nouveau précédent créé par Joe Biden, qui a étendu la traditionnelle « grâce présidentielle » de fin de mandat à tous les membres de sa famille ainsi qu’à un groupe restreint d’associés. Ces derniers sont liés soit à l’opération Covid, soit à la gestion des émeutes de Washington qui ont suivi la publication des résultats de l’élection.
La révolution trumpienne
Enfin, le discours de Chomski, qui date de 2009 (juste après l’élection d’Obama), permet d’éclairer davantage la « révolution trumpienne ».
En effet, l’autre « faute » (généralement occultée par les médias) que le président réélu a endossée est précisément d’avoir remis les vrais problèmes au centre du débat politique. A savoir, la situation tragique dans laquelle se trouve l’économie américaine et l’habitude prise de chercher dans la guerre une solution – temporaire – à des caisses vides.
Cette circonstance modifie profondément le cadre de gestion du processus électoral, qui passe de l’opposition idéologique à la question sociale, c’est-à-dire au choc des intérêts entre les riches et les pauvres. Il s’agit essentiellement de reconnaître que les effets des politiques économiques proposées par les ploutocrates sont parfois préjudiciables à la majorité de la population. Comme on le voit de manière flagrante dans le cas de la transition énergétique et des programmes de vaccinatiion.
Il est certes paradoxal que ce soit un personnage comme Trump, pleinement intronisé dans le club des milliardaires (en dollars) et assez peu regardant dans l’accroissement de sa propre richesse, qui mène cette véritable révolution, et ce d’autant plus si l’on considère ses projets de réduction de la pression fiscale sur les classes les plus aisées.
Mais il s’agit là d’un mantra acquis dans la politique américaine, à commencer par Reagan et sa prétendue (et malencontreuse) « révolution ». Un hommage aux puissants, sans lequel aucune carrière politique n’est imaginable, du moins à un haut niveau.
L’avenir dira si ce retour aux sources restera un élément isolé dans la politique d’un président américain ou un nouveau départ pour la nation qu’il s’apprête à gouverner.