Attention, le pape n’est pas encore mort, et « nous ne connaissons ni le jour ni l’heure ». Mais sa santé (qui connaît des hauts et des bas depuis longtemps, avec beaucoup de très bas en ce moment – mais il est solide) rend de plus en plus actuel le débat sur sa succession, y compris la possibilité d’une démission, envisagée aujourd’hui par rien de moins que par un pois lourd de la curie, (même s’il n’est plus électeur), le cardinal Ravasi.
Un chroniqueur du site The Remnant s’est appuyé sur le fameux College of Cardinals Report établi par deux vaticanistes américains très respectés, Edward Pentin et Diane Montagu, pour dresser une liste de 22 « papabili » parmi les 138 électeurs. Un document passionnant et indispensable.

Après François.
Qui sont les papabili ?
remnantnewspaper.com
Gaetano Masciullo
17 février 2025
À ce jour, le Collège des cardinaux est composé de 252 cardinaux, dont 138 sont des cardinaux votants et pas moins de 149 (près de 60 % du total !) ont été créés par François, contre 103 créés par ses prédécesseurs immédiats. Au cours de ces douze années de pontificat, nous avons assisté à un très grand nombre de consistoires et de créations de cardinaux, dont beaucoup ont impliqué des prélats issus de régions éloignées du monde et de l’Église, ou – comme nous préférons le dire aujourd’hui – de régions « périphériques ».
Apparemment une manière de donner une voix à ces personnes qui jusqu’à présent seraient restées marginalisées dans la gouvernance de l’Église, en réalité, après une analyse plus attentive et plus sérieuse, on comprend que ce choix fait partie d’une stratégie très précise de la part de François pour favoriser, après son départ, l’élection d’un pape « à son image et à sa ressemblance » et qui soit donc capable et désireux d’achever ou du moins de poursuivre l’œuvre qu’il a commencée, d’une profonde révolution néo-moderniste de l’essence de l’Église catholique et en particulier de la papauté.
En créant autant de cardinaux « périphériques », François a produit deux effets.
1 : la majorité des cardinaux d’aujourd’hui ne connaissent pas la logique complexe du pouvoir curial.
2 : ceux qui composent le Collège, dans leur grande majorité, ne se connaissent pas entre eux.
Cela ouvre la voie à la deuxième phase de la stratégie : dans l’espoir que les cardinaux choisis se sentiront « reconnaissants » envers François pour le titre qu’ils ont reçu et conscients qu’ils sont tous, plus ou moins, apparentés aux tendances les plus progressistes de la théologie catholique contemporaine, ils devraient être encouragés à s’unir et à soutenir le parti franciscain du Collège au conclave, c’est-à-dire les cardinaux qui poursuivent activement l’agenda bergoglien, un parti qui – comme nous le verrons – n’est pas aussi majoritaire qu’il n’y parait.
Pour combler ce grand déficit de connaissances parmi les cardinaux, les vaticanistes bien connus Edward Pentin et Diane Montagna ont entrepris un travail aussi nécessaire que louable. The College of Cardinals Report est en effet un site immersif et interactif qui permet d’apprendre de manière concise mais pas grossière les données les plus importantes sur le Collège dans son ensemble, mais aussi sur les cardinaux considérés individuellement.
De cette manière, chaque cardinal peut se plonger dans chaque profil de ses collègues les plus ‘en vue’ et être en mesure de voter de manière beaucoup plus informée. Ce site, s’il est diffusé parmi les princes de l’Église, pourrait servir d’amortisseur à la stratégie de Bergoglio que nous venons d’évoquer. Attention : je ne dis pas que ce sont là les intentions de Pentin et Montagna, ce n’est qu’une réflexion personnelle.

Grâce à ce précieux outil, désormais accessible à tous, nous pouvons identifier 22 cardinaux papabili et, parmi eux, 12 particulièrement remarquables. Si l’on imaginait une répartition « parlementaire » de ces cardinaux, en plaçant à droite les plus favorables à la protection de la tradition catholique et à gauche les néo-modernistes les plus radicaux, on obtiendrait un tableau comme celui mis en exergue de cet article.
En rouge, j’ai mis en évidence les cardinaux les plus favorables à la Tradition. En violet, j’ai indiqué les papabili qui, sans être explicitement ou manifestement amis de la Tradition catholique (en particulier de la Tradition liturgique), peuvent néanmoins être considérés comme proches de la ligne ratzingerienne et donc plus conservateurs d’un point de vue théologique, moral et pastoral. Il est clair que, dans l’ensemble, les traditionalistes et les conservateurs forment la majorité, malgré ce que l’on pourrait croire, mais cela nous permet peut-être de mieux comprendre pourquoi François a décidé d’utiliser la stratégie expliquée ci-dessus.
Dans la zone de gauche, nous trouvons l’aile la plus progressiste des candidats au pontificat. Dans le segment de couleur cobalt, nous trouvons trois cardinaux que l’on pourrait qualifier de « modérés », très discrets dans leurs affirmations, mais qui sympathisent très probablement avec le parti franciscain. Enfin, dans la section bleue, nous trouvons le parti de François, ceux que Bergoglio a indiqué à plusieurs reprises comme ses favoris et protégés (en vérité, ses dauphins ont connu des moments de plus ou moins grande faveur de la part du Souverain au cours de ces dernières années). Les noms des candidats favoris sont indiqués en caractères gras et blancs.
En supposant, et non en concédant, que le parti franciscain soit battu au conclave, il convient d’apporter une prémisse à notre brève analyse des papabili. L’Église, après la mort de Bergoglio, aura besoin d’un pape très courageux et fort, mais surtout jeune, capable de réparer résolument tous les dommages causés ces dernières années. Il faudra, sauf imprévu, au moins vingt ans pour remettre les choses en ordre du point de vue liturgique, doctrinal, moral et législatif, sans parler des problèmes de gestion du Vatican, de l’IOR et de tant d’autres problèmes graves qui sont apparus bien avant ce pontificat.
Si les cardinaux veulent poursuivre la voie authentique de la contre-révolution catholique, ils auront besoin d’un candidat jeune et, dans la liste actuelle, très peu se prêteraient à ce projet, à l’exception peut-être du cardinal Pierbattista Pizzaballa (59 ans), créé par François lui-même. Il n’est donc pas exclu qu’au cours du vote, les cardinaux décident de regarder au-delà de cette liste, c’est-à-dire vers certains outsiders, comme le très jeune Canadien Francis Leo (53 ans), également créé cardinal par François.
Considérons un autre élément. Le mécontentement est largement répandu parmi les cardinaux. Ces douze années ont été difficiles à gérer, même pour ceux qui sont très proches du favori de Saint-Gall. La considération suivante pourrait donc également être faite. En cas de décès de François, de nombreux cardinaux qui, jusqu’à présent, semblent réservés et discrets, pourront exprimer ouvertement leurs positions contraires. Par exemple, il est bien connu que Fiducia supplicans a suscité une vive indignation et une grande déception parmi les cardinaux africains qui étaient initialement très proches de l’agenda bergoglien. En cas d’abdication de François (perspective qui ne doit pas être totalement exclue), ces cardinaux pourraient conserver un profil de discrétion et, dans ce cas, le choix pourrait se porter sur un candidat de « compromis », en attendant que le temps fasse son œuvre.
Les papabili traditionalistes et conservateurs
Commençons donc par l’aile la plus traditionaliste.
Le plus à droite de tous est certainement le cardinal américain Raymond Leo Burke, que l’on ne présente plus. Fermement opposé à des questions telles que le diaconat des femmes, la bénédiction des homosexuels, l’abolition du célibat des prêtres, la restriction de la messe tridentine, les accords secrets avec la Chine, la communion aux divorcés remariés et le dépassement d’Humanae Vitae, il a cependant très peu de chances d’être élu pape. Récemment, il s’est même prononcé en faveur de Donald Trump, ce qui a certainement contrarié une partie importante des cardinaux. Néanmoins, Burke jouera certainement un rôle de premier plan dans la coordination du parti anti-François, ce qui explique également les nombreuses tentatives faites ces dernières années par le Sedente pour limiter et entraver son action.
Nous avons donc le cardinal guinéen Robert Sarah, que le site web de Pentin et Montagna cite comme l’un des douze favoris. Il serait le premier pape africain après Gélase Ier, pape au Ve siècle. L’article de six pages publié par Paris-Match en juillet 2022 le décrit comme une personne à « l’influence énorme ». Malgré cela, le cardinal Sarah n’a jamais fait de déclaration publique indiquant qu’il souhaitait devenir pape. Au lieu de cela, il a continué à écrire, à prêcher et à donner des interviews, en se concentrant sur la « défense de la foi ». Lors du précédent conclave, il ne figurait pas parmi les principaux candidats à la papauté. Ce que l’on sait, en revanche, c’est l’aide silencieuse que Sarah a apportée à Benoît XVI pour promouvoir la fidélité à l’enseignement de l’Église, et peut-être cela sera-t-il pris en compte lors du conclave.
Le cardinal allemand Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, est considéré comme théologiquement orthodoxe et soutient fermement les enseignements du concile Vatican II. Il a adopté des positions traditionnelles sur plusieurs questions, s’opposant à l’ordination de femmes au diaconat et s’opposant aux changements apportés au célibat des prêtres dans le rite latin. Il a critiqué la voie synodale allemande et ce qu’il perçoit comme des écarts par rapport à l’enseignement établi de l’Église. Critique à l’égard du mondialisme et de l’Agenda 2030, il a publiquement exprimé des doutes et des questions sur les actions de François, tout en s’efforçant d’éviter de critiquer directement le souverain pontife. Cependant, la liturgie ne semble pas être sa priorité.
Le cardinal uruguayen Daniel Fernando Sturla Berhouet a une ligne fortement Ratzingerienne. Il considère la lutte contre la culture séculière institutionnalisée et la propagation croissante d’un sentiment religieux impie comme un défi pour l’Église. Il souligne souvent la centralité de l’Eucharistie pour la vie de foi. Il a porté un jugement très sévère surFiducia supplicans, estimant que le document était « ambigu, source de division et de confusion ». Lui aussi est très sceptique quant à la synodalité.
Le cardinal italien Mauro Piacenza a fait preuve de compétences administratives et d’une profonde sensibilité spirituelle, qualités qui le rendraient apte à diriger l’Église non seulement en Italie mais aussi dans le monde entier. Défenseur de l’orthodoxie et très apprécié comme directeur spirituel des prêtres, bien qu’il ne se soit jamais exprimé publiquement sur la question de Traditionis Custodes jusqu’à présent, il est connu pour être fortement opposé à toute restriction de la messe tridentine à un niveau privé. Attaché à la clarté doctrinale, il a souligné à plusieurs reprises la beauté et l’efficacité du sacrement de la confession comme remède aux maux individuels. L’attention portée par Piacenza à la réforme du clergé est particulièrement significative : il a souvent souligné l’importance pour les prêtres d’être bien formés sur le plan doctrinal et d’être au fait des questions morales et bioéthiques. Cependant, son âge avancé (80 ans) ne fait pas de lui un candidat de premier plan.
En revanche, le cardinal sri-lankais Malcolm Ranjith (peut-être encore peu connu) a occupé de nombreuses fonctions au fil des ans, de curé à évêque dans différents diocèses, de nonce apostolique à fonctionnaire de la Curie et à archevêque métropolitain. Polyglotte chevronné, certains voient en lui une figure en parfaite continuité avec Benoît XVI. Son origine géographique est un autre facteur en sa faveur : il vient du Sud, plus précisément d’Asie, une région où l’Église est en pleine croissance. Sur le plan liturgique, il a favorisé des éléments tels que la restauration des balustrades d’autel et la réception de la communion à genoux et sur la langue. Il partage également certains éléments pastoraux avec le pape François, comme le souci des pauvres et la protection du climat (ce qui est compréhensible, compte tenu de ses origines). Il s’agit toutefois d’un élément de plus pour le considérer comme un candidat potentiellement privilégié, même par les cardinaux qui ne sont pas traditionalistes.
Le cardinal néerlandais Willem Jacobus Eijk est considéré comme un autre candidat favori pour la papauté, grâce à plusieurs caractéristiques distinctives. Grand spécialiste des questions de bioéthique en raison de sa formation médicale et théologique, il est connu pour son adhésion à la doctrine catholique et sa volonté de la défendre, même sur des questions impopulaires telles que Humanae Vitae et l’indissolubilité du mariage. Il a également fait preuve d’une grande habileté dans la réorganisation financière et pastorale des diocèses dans lesquels il a travaillé, a corrigé les abus liturgiques et a promu de nouvelles initiatives pour les jeunes. En tant qu’archevêque, il a dû relever le défi des abus sexuels commis par le clergé, mettant en place des commissions d’enquête et des programmes d’assistance. Farouchement marial, il s’est prononcé contre l’ordination des femmes, la bénédiction des couples de même sexe et les théories du genre.
Le cardinal hongrois Péter Erdő est un autre candidat de premier plan. Né et élevé sous le régime communiste, Erdő a compris de première main ce que signifie la défense de la liberté religieuse pour les catholiques. Canoniste de renommée internationale, sa nomination en tant que rapporteur général des synodes sur la famille (2014 et 2015), un poste traditionnellement réservé à un successeur potentiel du pape, a encore rehaussé son prestige. Il est unanimement considéré comme un homme d’équilibre et d’unité, capable de dialoguer avec différentes positions au sein de l’Église. Bien qu’il préfère la forme Novus Ordo, il est prêt à autoriser la forme traditionnelle. En somme, Erdő semble le candidat idéal si les cardinaux souhaitent élire quelqu’un qui poursuivra la gouvernance de l’Église sur la ligne conservatrice de style ratzingerien, sans donner l’impression d’un changement de cap brutal après François.
Le cardinal italien Pierbattista Pizzaballa, mentionné plus haut, est considéré par certains comme « trop jeune », mais c’est peut-être précisément cet élément qui pourrait le favoriser (n’oublions pas la logique qui a élevé le jeune Wojtyla au trône pétrinien). Son expérience et ses compétences en matière de leadership sont le fruit de son long service dans une région cruciale et complexe comme la Terre Sainte. Cette expérience lui confère une vision équilibrée et une capacité de dialogue avec les différentes communautés religieuses et politiques de la région. Sa formation biblique et linguistique est un autre trait distinctif. Considéré comme un homme d’équilibre et d’ouverture, il sait allier la fidélité à la Tradition à un regard attentif sur la modernité. Sa spiritualité franciscaine et son souci des pauvres et des souffrants sont autant d’éléments qui pourraient le rendre sympathique aux yeux des membres du parti de François.
Le profil du cardinal italien Angelo Bagnasco, bien qu’il ne soit plus électeur (82 ans), semble être parfait au cas où les cardinaux décideraient d’opter pour un « pape de transition » qui poursuit néanmoins une approche traditionnelle et un leadership conservateur après les divisions internes au sein de l’Église au cours des années du pape François. Il possède des qualités humaines et spirituelles qui feraient de lui une figure autoritaire et respectée.
Le cardinal birman Charles Maung Bo semble être le candidat idéal pour l’élection d’un pape, avec une solide expérience pastorale dans des contextes difficiles et un accent pastoral sur les droits de l’homme et la justice sociale (en cela, il serait apprécié par les franciscains) et une profonde compréhension des défis du monde asiatique, qui semble être relativement de plus en plus important dans la vie de l’Église. Cependant, Bo est également un fervent défenseur de la synodalité promue par le pape François. Il croit en l’importance d’écouter les voix de tous les membres de l’Église.
Le cardinal canadien Marc Ouellet était l’un des principaux candidats à la papauté lors du conclave de 2013, mais il a vu son prestige en tant que favori papal diminuer ces dernières années. Parmi les facteurs qui l’ont initialement rendu tel, il y a sa vaste expérience dans l’Église en raison de sa direction pendant des décennies de ce qui est maintenant appelé le Dicastère des évêques. Considéré comme un « prélat conservateur à l’esprit moderne », son engagement en faveur de l’unité et de la communion au sein de l’Église a également joué en sa faveur. Sur le plan liturgique, il s’est montré particulièrement hostile à la liturgie traditionnelle sous le pontificat de François.
Le cardinal suédois d’origine suisse Anders Arborelius, loué par François en 2022 comme « une personne qui peut nous montrer la voie à suivre », est également un papabile. Connu pour sa personnalité ouverte et optimiste, il possède une vaste expérience au service de l’Église, ayant occupé plusieurs postes importants, dont celui de président de la Conférence des évêques de Scandinavie et de membre de divers dicastères du Vatican. Fervent promoteur du dialogue interreligieux (n’oublions pas qu’il est un luthérien converti au catholicisme), il est perçu comme une personne très humble et désintéressée : des qualités très appréciées chez un pape, surtout après l’expérience bergoglienne.
Les papabili « modérés » et néo-modernistes
Venons-en maintenant à l’autre aile de la liste des papabili. Commençons par les modernistes « modérés ». Il s’agit de trois cardinaux qui, jusqu’à présent, n’ont pas exprimé de position particulière sur des questions controversées, mais ce silence prudent peut être un symptôme assourdissant de crypto-modernisme.
Le cardinal français Jean-Marc Noël Aveline est considéré par certains comme le protégé de François. Son engagement sur les questions de migration et de dialogue interreligieux correspond aux priorités de l’actuel Sedente. Les deux hommes se rencontrent régulièrement au Vatican, en dehors des heures officielles, et il est particulièrement appréciés par les milieux politiques et ecclésiastiques de gauche. Enfin, Aveline est favorable à une forte décentralisation de l’Eglise. Compte tenu de ce dernier élément et puisque – comme mentionné au début – le Parti de François a adhéré à la volonté de la mafia saint-galloise de révolutionner la conception même de la papauté, Aveline pourrait en effet être un concurrent dangereux lors du prochain Conclave.
Le cardinal capucin congolais Fridolin Ambongo Besungu est un fervent partisan de l’inculturation liturgique et du rite zaïrois. Après la promulgation de Fiducia supplicans, Ambongo s’est retrouvé sous les feux de la rampe pour avoir vivement critiqué le document, le qualifiant d’inapproprié et même d’« eurocentrique ». En Afrique, en effet, d’autres questions se posent que celle de la bénédiction des couples de même sexe. Tout en défendant les valeurs traditionnelles de l’Église sur des questions telles que la famille et le célibat des prêtres, il s’est montré ouvert au dialogue sur d’autres questions, telles que le diaconat féminin.
Le cardinal italien Fernando Filoni, bien qu’il ne figure pas parmi les principaux candidats au pontificat, est très apprécié pour sa grande expérience diplomatique et curiale. Toutefois, certains aspects pourraient entraver son élection : en particulier, il n’a aucune expérience de la direction de diocèses et est identifié à la « vieille garde bureaucratique » italienne. Toutefois, ces caractéristiques feraient peut-être de lui le candidat de sécurité idéal pour les cardinaux électeurs qui souhaitent préserver le statu quo de l’Église pendant un certain temps.
Les modernistes
C’est ainsi que nous entrons dans la catégorie des vrais modernistes, des révolutionnaires de première ligne.
Le cardinal suisse Kurt Koch possède une vaste connaissance de l’Église et des défis théologiques qu’elle pose, ce qui semble très crucial aujourd’hui, étant donné l’importance de maintenir l’unité de l’Église dans un contexte comme l’Allemagne qui est très enclin à la division et au schisme. Il est connu pour son scepticisme à l’égard de la voie synodale allemande, ce qui pourrait susciter la sympathie de certains électeurs plus conservateurs, mais dans l’ensemble, il n’est pas un ami de la Tradition : sur le diaconat féminin, il a été ambigu au fil des ans, tandis que du point de vue liturgique, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il était en faveur d’une réconciliation entre Vetus et Novus Ordo, de manière à n’avoir qu’une seule forme en tant que synthèse (hégélienne). En bref, Koch présente de nombreux points d’analogie avec Ratzinger : un progressiste qui s’est modéré au fil du temps [???], mais qui reste très marqué par sa formation moderniste.
Le cardinal italien Pietro Parolin est l’actuel secrétaire d’État du Vatican, un rôle très important au sein de la Curie romaine. Ces dernières années, il a apporté à plusieurs reprises son soutien à des causes considérées comme conservatrices au sein de l’Église, mais il ne faut pas oublier que ses actions ont toujours été très révolutionnaires. À vrai dire, Parolin serait le candidat idéal pour un pontificat en pleine continuité avec François, car il poursuivrait les mêmes réformes, mais de manière moins frappante et plus diplomatique et pragmatique. Parolin est également considéré comme un protecteur de l’Ostpolitik, une stratégie de collaboration avec des puissances hostiles par le biais du compromis et de la conciliation, en particulier dans les relations avec la Chine. En effet, il a joué un rôle crucial dans le rétablissement des contacts directs entre le Saint-Siège et Pékin en 2005. Personnellement, je pense qu’à ce jour, les chances que Parolin soit élu comme successeur de François sont très élevées. Toutefois, nous ne devons pas oublier le vieil adage romain selon lequel celui qui entre au conclave en tant que pape en ressort en tant que cardinal.
Le cardinal sud-africain Stephen Brislin est apparemment un candidat papabile moins favorisé que d’autres, mais il a reconnu par le passé que son élection était techniquement possible. Très favorable à l’intégration des LGBT dans l’Église et au diaconat pour les femmes, il considère Víctor Manuel Fernández, actuel préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, comme un « véritable géant doté d’une grande intelligence et d’une grande expérience ». Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajouter quoi que ce soit.
Le cardinal philippin Luis Tagle a longtemps été considéré comme le dauphin de Bergoglio, à tel point qu’on l’a surnommé le François asiatique. En 2022, cependant, il a mis fin à son mandat de président de Caritas Internationalis à la suite d’un audit indépendant qui a révélé des lacunes au sein de l’institution. Ces événements ont alimenté les spéculations selon lesquelles le cardinal Tagle avait perdu les faveurs du pape Bergoglio. Membre de l’école de théologie de Bologne, selon laquelle le concile Vatican II doit être interprété en rupture totale avec la doctrine et la pratique antérieures, le cardinal Tagle a exprimé des opinions très « ouvertes » sur des questions telles que la communion pour les couples non mariés sacramentellement et l’homosexualité, suggérant que les principes moraux universels peuvent « ne pas s’appliquer dans toutes les situations ». En outre, il est un fervent partisan des accords secrets entre la Chine et le Vatican.
Le cardinal portugais José Tolentino de Mendonça, bien qu’il ne soit pas un candidat papabile prédominant, est considéré comme un candidat de compromis potentiel pour le prochain conclave. Malgré son jeune âge (59 ans), il est très proche de François. Pour les cardinaux électeurs qui souhaitent un très long pontificat de continuité, certainement hétérodoxe et moderniste, avec une impulsion révolutionnaire encore plus grande que celle de François, ce cardinal pourrait être le candidat idéal. Dans un conclave, il est susceptible de recueillir des voix parmi ses frères portugais et brésiliens, auprès desquels on lui prête une grande influence. Il y aurait en effet beaucoup à prier pour lui s’il était élu….
Enfin, nous avons le cardinal italien Matteo Zuppi, qui est littéralement aux antipodes du cardinal Burke. Si ce dernier, en effet, n’a jamais eu trop de scrupules à critiquer les ouvertures progressistes au sein de l’Église, les condamnant sans ambages et suscitant la haine et l’antipathie d’une bonne partie de l’épiscopat mondial (et pas seulement de celui qui est ouvertement moderniste), Zuppi s’est montré tout aussi explicitement en faveur des instances les plus radicalement néo-modernistes de la théologie contemporaine. En mai 2022, il a été élu président de la Conférence épiscopale italienne. Il a participé à plusieurs synodes du Vatican et considère la synodalité comme « fondamentale » pour le renouvellement de l’Église. Bien qu’il ait des penchants progressistes, il essaie de dialoguer avec todos, todos, même avec ceux qui sont conservateurs sur le plan théologique et liturgique, et de garder des canaux ouverts avec ceux qui favorisent la liturgie de toujours (qui sait s’il poursuivra cette approche en tant que pape ?).