Telle fut la réponse de Jésus aux disciples qui lui demandaient comment reconnaître les bons des mauvais prophètes. » Si tel est le critère de jugement, le pontificat de Jorge Mario Bergoglio laisse surtout des décombres, achevant en Occident un long processus de recul de la foi et de la proposition chrétienne, accéléré par le Concile Vatican II » (Roberto Pecchioli)
Dans l’évangile de Luc, une autre déclaration de Jésus devrait faire trembler les murailles léonines : malheur à vous quand tout le monde parle de vous en bien.
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La bacchanale médiatique qui accompagne la mort de Bergoglio – soigneusement préparée depuis un certain temps – est un chœur presque unanime de louanges pour le pape venu du bout du monde. Eloges, célébrations, mélasse à flots, applaudissements nourris d’un chœur médiatique, culturel, politique où l’on n’entend que des objections isolées.
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Vous les reconnaîtrez à leurs fruits.
À propos de l’héritage de Bergoglio
Roberto Pecchioli
Vous les reconnaîtrez à leurs fruits, répondit Jésus aux disciples qui lui demandaient comment reconnaître les bons des mauvais prophètes.
Si tel est le critère de jugement, le pontificat de Jorge Mario Bergoglio laisse surtout des décombres, achevant en Occident un long processus de recul de la foi et de la proposition chrétienne, accéléré par le Concile Vatican II, à l’issue duquel Paul VI, alors pape, s’était écrié, inconsolable et inécouté, que « la fumée de Satan avait pénétré dans l’Église ».
Les imprudents avaient ouvert les cœurs, les portes et les fenêtres ; le règne de François a signifié un nouvel effondrement des vocations religieuses, de la participation populaire aux rituels – de plus en plus privés de sens spirituel – de l’emprise chrétienne sur la société.
Un bilan terrifiant, combiné à un athéisme pratique de masse et à l’islamisation de notre continent, dont le catholicisme semble n’être qu’un simple observateur.
Dans l’évangile de Luc, une autre déclaration de Jésus devrait faire trembler les murailles léonines : malheur à vous quand tout le monde parle de vous en bien.
La bacchanale médiatique qui accompagne la mort de Bergoglio – soigneusement préparée depuis un certain temps – est un chœur presque unanime de louanges pour le pape qui est venu, comme il l’a dit, du bout du monde. Eloges, célébrations, mélasse à flots, applaudissements nourris d’un chœur médiatique, culturel, politique où l’on n’entend que des objections isolées.
Soyons clairs : la souffrance et la maladie humaines méritent tout le respect. Mais devant l’histoire – et la mission papale – les presque douze années de Bergoglio sont une couronne d’épines. Ce n’est pas un hasard si les louanges les plus élogieuses proviennent de non-catholiques, de non-croyants, de laïcs et d’irréligieux.
Le deuil officiel est immense : rien que cela devrait rendre les fidèles méfiants. Jamais, de mémoire humaine, lorsque l’Italie était encore catholique, la mort du pape n’avait été accompagnée de l’interruption des spectacles – y compris sportifs – et des programmes de radio et de télévision, transformés en un chœur collectif de célébration du défunt a reti unificati [« en réseau unifié »/unanime].
Rien d’étrange : « l’un des leurs » est mort, c’est-à-dire une personnalité de référence de la pensée dominante. Curieux court-circuit, puisque le courant dominant de l’Occident est radicalement anti-chrétien, matérialiste, athée. Plus étrange encore est le fait de plaire aux adversaires de l’Église.
Vous les reconnaîtrez aux fruits. Aucun des membres de l’orchestre-unique pro-papal ne s’est converti. Aucun n’a rejoint l’Église de Jésus, re-baptisée « Église de François » depuis 2013.
Il y a du vrai dans ce fallacieux second baptême : le pape argentin a cogné sur le navire de Pierre comme peu l’ont fait par le passé. Révolutionnaire, il l’a été, même si ses partisans préfèrent parler de prophétie. Une prophétie qui a mis de côté la doctrine, le rituel, les symboles, l’eschatologie – c’est-à-dire le destin de l’homme – pour privilégier la dimension pastorale. Berger d’un troupeau de plus en plus maigre, auquel on a soustrait la dimension du sacré et du mystère. Un troupeau sans but, puisque ce pape n’a pratiquement jamais parlé de l’éternité et du projet de Dieu sur la créature faite, selon l’ancienne doctrine, à son image et à sa ressemblance.
Une Église hôpital de campagne, aimait à dire Bergoglio. Certes, mais les blessures de l’esprit se sont aggravées. Si « c’est aux fruits qu’on les reconnaît », les louanges d’aujourd’hui ne tiennent pas compte de la réalité, même s’il faut reconnaître que des décennies de confusion avaient préparé l’Église au choc argentin. Quelqu’un avait déjà secoué l’arbre, mais les fruits ne sont pas ceux espérés par les innovateurs eux-mêmes. La prophétie en phase avec son temps s’est transformée en boule de démolition dans une crise de foi.
Selon l’un des journaux les plus radicalement anti-catholiques, Repubblica, Bergoglio est « le pape des derniers ». Cri du cœur. Les lecteurs de ce journal sont des post-bourgeois bien nourris, tout sauf des derniers ; ils se réjouissent de constater le recul progressif de la chrétienté. De plus, Eugenio Scalfari, le pape laïc de la pseudo-religion progressiste, était le confident et l’interlocuteur de Bergoglio, avec des énormités doctrinales jamais démenties par le Saint-Siège.
Dis-moi avec qui tu es et je te dirai qui tu es : l’Argentin était un ami de Marco Pannella et d’Emma Bonino, figures de proue de la laïcité la plus extrême et de l’avortement. La dame au turban [Bonino] n’a pas tari d’éloges sur François, louant son engagement en faveur des immigrés, des prisonniers et de l’environnement. Le pape lui aurait demandé d’apporter « nos idées » (Il Fatto Quotidiano). Convergences étranges.
Au risque de contrarier certains lecteurs, nous osons dire que nous en avons assez de l’insupportable litanie des « derniers ». Et nous, les avant-derniers, les avant-avant-derniers, ceux qui ont passé leur vie honnêtement, en essayant d’adhérer à la morale et à la doctrine chrétienne, qui sommes-nous ? Il n’y a pas de place pour nous dans l’hôpital de campagne : trop normaux, trop fidèles.
Le fils prodigue a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par son père, suscitant les remontrances justifiées de son frère, mais il rentrait quand même à la maison. Dans la théologie bergoglienne, la miséricorde vient gratuitement, sans qu’on la demande. La justice divine est-elle l’équivalence du bien et du mal ?
Du reste, qui suis-je pour juger ? Telle fut la réponse déconcertante à une question sur la permissivité morale des actes homosexuels. Tu étais Pierre, sur lequel Quelqu’un a bâti son Eglise ! Qui n’était pas green, comme après Laudato si’, mais se considérait comme « LE » chemin et non comme une foi parmi d’autres, comme nous l’avons lu dans l’abrupte déclaration œcuménique d’Abou Dhabi. Un relativisme contre lequel Benoît XVI s’est battu en vain, devenu l’emblème de l’hôpital de campagne où les médecins et les infirmières ne portent même pas de blouse blanche.
Bergoglio portant un poncho dans ses derniers jours est l’image la plus choquante, aux yeux de ceux qui connaissent l’importance des symboles. Il a désacralisé non pas sa personne – homme parmi les hommes – mais la fonction de vicaire du Christ, dont le signe visible est la robe papale.
Peu de choses, d’ailleurs, comparé à l’idole amazonienne portée en procession, des dérapages pro-LGBTQ et des étranges images animales projetées sur la façade de Saint-Pierre, à la banalisation des rituels et de la liturgie, et à la fermeture des lieux de culte durant la pandémie, sans parler du vaccinisme déchaîné.
L’hôpital de campagne soigne (peut-être) les corps, mais semble indifférent aux âmes. Mais sans doctrine comme finalité, il devient une association d’entraide, noble, utile, mais sans vocation de vérité. Et à quoi sert, sinon à elle-même, une église «en sortie» ? En sortie de quoi, donc ? Certains, dans l’orchestre des coccodrilli [notice nécrologique du pape], parlent d’un pape « progressiste ». Que signifie le progrès par rapport à l’éternel et à l’immuable?
Selon Ezra Pound, le temple est sacré parce qu’il n’est pas à vendre. Jésus l’a su le premier, qui a chassé les marchands, mais y aura-t-il encore un temple si les démolitions se poursuivent ?
Paroles d’« indietristes», l’épithète bergoglienne adressée à ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui. Il nous échappe, en matière de foi, le sens d’adverbes comme avant et arrière, mais c’est notre faute, éduqués à la clarté. Que votre discours soit oui oui, non non. Le plus vient du Malin. Au lieu de cela, ils ont osé modifier le Notre Père, la prière dictée par Jésus. Nous demandons à « ne pas être abandonnés à la tentation », mais le texte latin – traduit par les Pères de l’Église – dit « ne nos inducas », ne nous induis pas. La référence aux « hommes de bonne volonté » a disparu de la liturgie de la parole, remplacée par « les hommes aimés du Seigneur ». La bonne volonté, c’est-à-dire le désir d’agir avec droiture, ne compte plus.
Pourtant, la quête de la foi, la soif de transcendance sont inextinguibles. Le nombre de baptêmes à l’âge adulte augmente, tout comme le désir de vivre une spiritualité forte, à la recherche de la vérité. Ce qu’il faut, c’est un message clair, et non un bulletin d’excuses pour des positions qui ne plaisent pas à l’esprit du temps. Quelle est la réponse au besoin d’absolu, en l’absence de réflexion sur le sens de l’existence et sur le kèrigma, le noyau de la foi, la mort et la résurrection du Christ ? La terrible question est la suivante : l’Église croit-elle encore au cœur de son message, à la résurrection sans laquelle, comme le reconnaît saint Paul, les chrétiens seraient les plus malheureux des hommes ?
Ce sont des questions que nous n’avons jamais pensé à poser. Peut-être sommes-nous désorientés, peut-être n’avons-nous pas compris, mais nous ne nous sommes jamais sentis aussi étrangers. Le tumulte de ces jours-ci, l’émotion sincère de beaucoup, ne trompent pas ce qu’ils appellent « l’Église de François ».
Une fois la tombe de François refermée, une fois l’excitation de la nouvelle passée, le cirque médiatique passera à autre chose. Mort un pape, on en fait un autre ; l’hostilité continuera, le préjugé antireligieux momentanément interrompu reprendra.
Mots Clés : Mort de François