Alors que le monde s’est arrêté (enfin… presque) dans l’attente de l’annonce à la fois redoutée et espérée du « Habemus Papam », il peut être profitable de réfléchir au spectacle qui nous est donné ces jours-ci ( je veux parler de l’engouement extraordinaire du public qui (re)découvre, médusé et captivé, des rituels bimillénaires, cf. Un soir de mai, Place Saint-Pierre) – et d’en tirer des leçons.
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Leonardo Lugaresi décrit (non sans ironie) les deux Eglises: l’une, l’Eglise en sortie de bergoglienne mémoire, qui n’attire pas grand monde hormis les médias, quand cela les arrange, et quelques rescapés de la saison conciliaire; et l’autre, son exact contraire, l’Eglise en conclave (cum clave) qui s’enferme à clé et éteint les téléphones, et qui attire de grandes foules (étant entendu que le nombre n’est pas une référence, en tout cas pas la seule).
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Les chiffres officiels prouvent d’ailleurs qu’il y avait plus de monde hier sur la Place Saint-Pierre pour attendre la fumée blanche, que pour les obsèques mêmes du Pape du peuple, inventeur de ce concept délétère d’Eglise en sortie.

Tous à regarder l’Église.
Les cardinaux enfermés à double tour dans la chapelle Sixtine, décidés (on l’espère) à faire la volonté du Seigneur, représentent en quelque sorte symboliquement le contraire de l’ « Eglise en sortie », dont on a tant parlé ces dernières années. Bien loin d’être « en sortie », ils sont rentrés à la maison, ils sont tous ensemble, les yeux fixés sur leur devoir et, pour ne pas se laisser distraire ou conditionner par le monde, ils ont fermé portes et fenêtres et jeté les téléphones portables. Pour une fois, une image de l’Église pleinement concentrée sur son travail et donc indifférente à l’approbation des gens.
Le fait est qu’une telle Eglise, sérieusement dédiée à sa tâche et non en quête de popularité, attire paradoxalement infiniment plus d’attention que cette triste parodie que nous voyons si souvent quémander de la sympathie à droite et à gauche dans les rues et sur les places du monde, qu’elles soient réelles ou virtuelles.
Certes, en général, l’attention du monde d’aujourd’hui n’est pas une attention loyale et intelligente ; au contraire, quand elle n’est pas intéressée, elle est le plus souvent tout simplement stupide : mais elle porte néanmoins, malgré elle, le signe que l’Eglise, quand elle est elle-même et fait son travail, n’est pas insignifiante (et, grâce à quelque génie à l’origine de la trouvaille, elle peut même s’offrir le luxe de la sublime ironie de tenir le monde avec le nez en l’air à regarder un pot de cheminée !)
L’église en sortie, en revanche, qui s’en soucie? Et surtout, si quelqu’un du monde la cherchait, il risquerait de ne pas la trouver, justement parce qu’elle est « sortie » et qu’elle n’a pas dit quand elle reviendrait.
Nous aurons bientôt un nouveau pape. J’ai déjà pris la liberté de dire que la seule prière que nous pouvons adresser à Dieu concerne sa foi, et que pour le reste, nous devrons nous contenter de ce qu’on nous offrira. Si toutefois il m’était permis d’exprimer un souhait qu’on peut ne pas partager – ce qui bien sûr est tout à fait hors de propos, mais ici dans ce petit blog nous sommes entre nous et on peut même pour un moment s’amuser un peu – eh bien, si cela ne tenait qu’à moi, j’opterais pour un pape qui ne se soucie pas de plaire. Quelqu’un de pratique, qui ne se préoccupe que de faire son travail et qui ne cherche pas à « être gentil ».
Mots Clés : Conclave 2025