Leonardo Lugaresi a manifestement été séduit par les premiers pas du nouveau pape.
Evoquant l’homélie prononcée hier par Léon XIV à l’intention des cardinaux, dans la Chapelle Sixtine, il ne cachait pas son émotion, avouant même, dans les commentaires, avoir eu les larmes aux yeux:

J’ai été frappé par la clarté intellectuelle et spirituelle qui l’illumine [l’homélie] sans interruption du premier au dernier mot : l’essentiel, dit avec les mots nécessaires, pas un de plus, pas un de moins. Un discours que je qualifierais, dans la forme, avant encore le fond, de ratzingerien (ce qui dans mon lexique signifie à la limite de la perfection). Je ne sais pas s’il en fera d’autres comme celui-ci, mais en attendant il a fait celui-ci. Je l’en remercie !

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https://leonardolugaresi.wordpress.com/2025/05/09/lomelia/

Aujourd’hui, il réagit à l’engouement de certains dans la célébration du nouveau Pape. Et il s’adresse à ceux qu’il appelle les « néo-papistes »: seront-ils là quand il faudra défendre le pape contre les attaques des médias, qui ne manqueront pas de se produire s’il remplit son devoir… de pape?

Promemoria à l’usage des nouveaux papistes.

Je ne veux gâcher la fête à personne, ni me démarquer à tout prix du climat d’enthousiasme général qui enveloppe ces tout premiers jours du pontificat de Léon XIV. Je suis moi aussi très heureux, très reconnaissant pour les deux actes de langage qu’il a accomplis jusqu’à présent, et en harmonie très appréciable avec le « style » qu’il a montré jusqu’à présent. Je n’ai pas envie d’en dire plus, mais c’est déjà beaucoup.

Je pense cependant que le « fruit providentiel » du pontificat précédent – cette vaccination paradoxale mais nécessaire contre le virus du « papisme non catholique » qu’à son insu et malgré lui, son prédécesseur nous a administré – ne doit pas être perdu.

Il ne s’agit pas aujourd’hui de « tomber amoureux du nouveau pape » et de le « célébrer », pour des raisons opposés à celles pour lesquelles les «tifosi » du pape défunt l’ont exalté, alors que beaucoup d’autres ont été mis à rude épreuve et « induits en tentation » (si l’on peut encore parler ainsi) [paroles du Notre-Père, depuis lors revisitées par Bergoglio].

En revanche, il faut simplement écouter le pape lorsqu’il enseigne, lui obéir lorsqu’il accomplit des actes de gouvernement, et surtout être prêt à le soutenir et à le défendre lorsqu’il est attaqué par le monde. Ce qui ne manquera pas d’arriver, s’il est fidèle à la tâche que le Seigneur lui a confiée.

Car il s’agit précisément de cela. Il est pratiquement certain que ce pape, dans la mesure où il remplit fidèlement et intégralement sa mission pour le bien de l’Église catholique, sera violemment et malignement attaqué par ce même monde qui a été si « bienveillant » avec son prédécesseur.

Il ne s’agit pas d’une déduction malveillante, mais d’une affirmation maintes fois confirmée par les faits : au dernier pape, les puissances du monde et le système médiatique qui les sert ont tout laissé passer. Sur tous les aspects controversés et problématiques de sa personnalité et de son comportement, avant et après son élection, ils ont toujours tout passé sous silence (même lorsque des questions particulièrement sensibles étaient en jeu, du point de vue qu’ils adoptent et imposent eux-mêmes, comme celui de la protection accordée aux auteurs présumés d’abus sexuels, voir tout récemment l’affaire Rupnik).

Mais, ce qui est encore plus significatif, ils ont systématiquement « laissé tomber » les propos catholiques qu’il a tenus à plusieurs reprises [rares!!] et les très rares positions politiques qu’il a prises à l’encontre du discours dominant (comme celles sur les guerres en Ukraine et à Gaza).

Dans ces cas, en fait, les puissances mondiales et les médias à leur service ont simplement réduit le pape au silence, détournant la tête et faisant comme si rien ne s’était passé; mais il n’y a eu aucun shistorm, aucune tentative de character assination (des choses affreuses qu’il vaut mieux dire en anglais, car s’il est vrai qu’elles sont faites partout, dans l’anglosphère, ils sont maîtres en la matière). Il suffit de dire qu’ils ne l’ont pas « puni », même lorsqu’il a violé de manière flagrante l’étiquette du langage, en laissant échapper, par exemple, la fameuse blague sur « cette certaine chose dont il y a trop par ici » [le fameux « c’è troppa frocciagine »] (et comment lui en vouloir sur ce point ?): même à ce moment-là, la lapidation médiatique, qui, avec n’importe qui d’autre, aurait commencé immédiatement, automatiquement, ne s’est pas déchaînée.

Ce n’est ni le lieu ni le moment de s’interroger sur les raisons de ce traitement exceptionnel, qui ne peut manquer d’étonner et même de déconcerter si on le compare au traitement que les mêmes acteurs du pouvoir économico-politique et les mêmes organes de propagande ont toujours réservé à nombre d’autres personnalités de l’Église catholique, à commencer par le pape Benoît XVI (faut-il rappeler le charivari obscène organisé après le discours de Ratisbonne ou l’affaire Williamson perfidement montée après la rémission de l’excommunication des évêques lefebvristes) ?

Il nous suffit de savoir – car on le sait déjà, ne feignons pas de l’ignorer – que le pape Léon XIV, s’il dérape (c’est-à-dire s’il dit et fait des choses trop catholiques), sera traité comme Benoît XVI, voire pire. En outre, ils ont déjà mis le pistolet chargée sur la table, à la vue de tous, avec l’histoire des plaintes concernant des défaillances présumées dans la gestion d’abus qui se sont produits, si je ne me m’abuse, lorsqu’il était évêque au Pérou. Qu’il soit innocent n’a aucune importance pour le système, comme tout le monde devrait le savoir à présent.

Si cela se produit (et je suis convaincu que cela se produira si la prémisse se réalise), ce sera le moment pour tous les néo-papistes qui aujourd’hui font la fête, de « s’enrôler dans les zouaves pontificaux » et de se battre pour le pape avec toutes les armes disponibles, comme nous ne l’avons pas fait pour Benoît XVI.

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