Une lecture de l’issue du Conclave, par Luis Badilla:
Personne ne voulait freiner le soi-disant élan réformateur de Bergoglio, mais personne – et beaucoup de cardinaux qui ont négocié leur vote avec le favori l’auraient dit -, ne voulait d’une scission entre les partisans du changement et ceux que l’on a appelé les » indietristi « . C’est le sens du « troisième homme », à savoir balayer les relents de guerre civile qui fleurissaient ici et là depuis au moins cinq ans, et constater de visu la paix prêchée.
Luis Badilla . Vers le choix du nouveau pape, un bergoglien non-bergoglien
Luis Badilla
blog.messainlatino.it/2025/05/luis-badilla
12 mai 2025
Vers le choix du nouveau Pape
Les réunions pré-conclaves ont été utiles ne serait-ce que pour trouver le plus petit dénominateur commun à partir duquel identifier une figure de garantie. Ce que les cardinaux ont fait, en quatre tours de scrutin, avec Robert Francis Prevost : un profil à la fois « bergoglien » et « non bergoglien »
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Les cardinaux conclavistse cherchaient un » troisième homme » et ils l’ont trouvé après quatre tours de scrutin : l’Américain Robert Francis Prevost, 69 ans, augustinien d’origine hispanique, missionnaire de longue date au Pérou, polyglotte à la culture étendue, discret et travailleur.
Le cardinal choisi disposait manifestement d’au moins 89 voix, voire de plus de 100. Son annonce a immédiatement provoqué une grande surprise dans le monde et beaucoup ont été abasourdis. On aurait pu penser à tout sauf à un pontife américain, dans un moment comme celui-là, presque un ‘antagoniste’ de Donald Trump.
Tout cela indique que les réunions pré-conclaves ont été utiles ne serait-ce que pour trouver le plus petit dénominateur commun à partir duquel identifier une figure de garantie. C’était le grand défi après un pontificat qui a laissé presque tout le monde insatisfait, surtout à cause d’une relativité excessive des règles. Ou, pour le dire sans user d’euphémisme: de l’arbitraire, cette chose inavouable, par respect, mais une question qui a dominé les débats.
Le compromis
Le débat n’a pas opposé progressistes et conservateurs, du moins dans les termes qui avaient été largement diffusés auparavant. Ils ont trouvé une synthèse en la personne du cardinal augustinien Robert Prevost, à la fois « bergoglien » mais aussi « non bergoglien ».
Le nouveau pape est donc le fruit d’un compromis et non d’une confrontation, d’une solution politique, pas militaire dirait-on dans le monde géopolitique qui asphyxie presque toute l’humanité, situation qui était présente chez les conclavistes, jusqu’à l’angoisse.
Et c’est la première et la plus grande leçon que l’on peut tirer de toutes les rencontres entre cardinaux, avant et après le conclave. On dira que le nouveau pontife est le symbole du « renouveau dans la tradition ». Aujourd’hui, avec la terminologie de notre époque, on pourrait dire « réformateur dans le consensus ». Ainsi, l’église semble vouloir reprendre la parole pour redevenir importante dans le monde sans avoir à politiser sa mission.
En somme, personne ne voulait freiner le soi-disant » élan réformateur » de Bergoglio, mais personne – et beaucoup de cardinaux qui ont négocié leur vote avec le favori l’ont dit -, ne voulait d’une scission entre les partisans du changement et ceux que l’on a appelé les » indietristi « . C’est le sens du « troisième homme », à savoir balayer les relents de guerre civile qui fleurissaient ici et là depuis au moins cinq ans, et constater de visu la paix qui avait été prêchée.
Le nom
Le nom de l’élu – Léon XIV – est très significatif si on le projette en arrière, dans le passé, et a fortiori en avant, vers l’avenir très difficile et périlleux de l’Eglise. C’est celui du pape Pecci (1878), le père de la doctrine sociale de l’église, le père de Rerum Novarum, la mère des encycliques sociales.
La présentation stylistique du pape depuis la loggia centrale de la basilique en dit long. Il faut en effet se souvenir de la grande surprise de François en 2013 : une soutane blanche, un peu serrée, et très peu d’autres signes pontificaux, qui faisaient immédiatement penser aux parements pontificaux solennels avec lesquels le pape Joseph Ratzinger s’était présenté en 2005.
Les premiers mots, le » salut » du nouvel évêque de Rome à sa ville-diocèse et au monde, le désormais célèbre Urbi et Orbi, est finalement ce que les gens mais aussi les gouvernements attendaient le plus : la paix. En effet, dès le début, reprenant les mots du Christ, il a presque crié : « La paix soit avec vous, une paix humble, persévérante et désarmée ». Rappelant avec affection les paroles de François, il a proposé une réflexion fortement christocentrique.
L’émotion du nouveau pape, ses larmes, mais en même temps la confiance absolue avec laquelle il s’est présenté devant des milliers de fidèles, de touristes et de pèlerins, sachant qu’il était aussi en mondiovision, ne sont pas passées inaperçues, pas plus qu’elles ne le seront dans les prochains jours, .
Avec Léon XIV, nous assisterons probablement à un tournant majeur dans l’action quotidienne de l’Eglise et surtout dans son rôle dans le monde déchiré, où le pape Prevost est entré sur la pointe des pieds.