Le secrétaire de Benoît XVI, en exil à Vilnus où il a été expédié sans ménagement par François comme nonce apostolique, a répondu par téléphone (j’imagine) aux questions d’un journaliste du Corriere.
On sent qu’il mesure ses mots et sans doute s’auto-censure-t-il. A moins qu’il ne fasse de l’humour.. Mais on perçoit – enfin! – à quel point il appréciait peu le dictateur argentin.
Il semble satisfait de l’élection de Léon XIV, bien qu’il dise le connaître peu.
Et s’il ne règle pas (encore) ses comptes avec le défunt pape – qui l’a pourtant traité comme un chien (on me passera l’expression) -, il multiplie les petites piques.
Mgr Gänswein : « La saison de l’arbitraire est terminée. Il faut en finir avec la confusion »
roma.corriere.it
12 mai 2025
« Une voie intermédiaire entre le pape Benoît XVI et le pape François ? Si nous combinons les chaussures noires de Bergoglio [le nouveau pape porte effectivement pour le moment des chaussures noires] avec la clarté doctrinale cristalline de Ratzinger, sans chercher l’originalité à tout prix, je pense que Léon XIV offrira une belle combinaison. Oui, il pourra représenter la synthèse de ce qu’il y a de meilleur chez l’un et chez l’autre ».
La voix de Mgr Gänswein vient du froid baltique de Vilnius, en Lituanie, où il est nonce depuis juin dernier, exerçant son activité diplomatique également en Lettonie et en Estonie. Elle dégage une vibration allègre, presque de soulagement. Celui qui fut préfet de la Maison pontificale avec Benoît XVI puis avec François, poste dont il a été brutalement écarté en 2020, a suivi de loin le conclave et l’élection de Robert Prevost. Et il ne cache pas qu’il est heureusement surpris par l’épilogue, même s’il avoue peu connaître le nouveau pontife.
« Je l’ai rencontré avec le pape Benoît lorsqu’il était supérieur général des Augustins, dans les jardins du Vatican. Et encore en avril 2007, lorsqu’il a visité la cathédrale de Pavie, où se trouve la tombe de saint Augustin. Il est ensuite devenu évêque au Pérou et je ne l’ai plus jamais revu. Mais son élection a été pour moi une grande et bonne surprise. Quand je l’ai vu sortir sur le balcon de la basilique Saint-Pierre, je me suis dit : optiquement et acoustiquement, ce pape suscite l’espoir, l’espoir, l’espoir… ».
Le texte écrit
Il a également été frappé par sa décision de lire le salut initial: un petit geste de rigueur et de sérieux devant le public mondial qui l’acclamait.
« Quand j’ai vu qu’il avait un texte écrit en main, je me suis dit qu’il avait pris un bon départ (…) Léon XIV construira des ponts comme son prédécesseur. Mais dans un contexte différent et avec un style différent de celui de François.
L’Église connaît aujourd’hui de grandes tensions et, à l’extérieur, des conflits effrayants. Je crois que la clarté doctrinale est nécessaire aujourd’hui. La confusion de ces dernières années doit être surmontée. Et l’un des outils à utiliser sont les structures qui existent déjà. Les institutions de l’Église ne sont ni une lèpre ni une menace pour le pape. Elles sont là pour aider les papes, qui doivent se faire aider. On ne peut pas gouverner seul, en se méfiant de ses propres institutions ».
On peut entendre dans ses propos l’écho manifeste d’une perception différente de la manière de conduire la chrétienté entre Benoît XVI et son prédécesseur argentin. Mais on devine en parallèle le désir d’archiver cette phase, et ce 15 janvier 2020, date à laquelle Mgr Gänswein a été vu pour la dernière fois à l’audience générale à la droite de Bergoglio en tant que préfet de la Maison pontificale. Depuis lors, il a littéralement disparu de toute réunion publique, sans que personne n’explique pourquoi. Sauf, environ un mois plus tard, une déclaration bureaucratique et peu crédible de la salle de presse du Vatican. « Une redistribution ordinaire des fonctions », a-t-on annoncé, sans que personne n’y croie vraiment.
« Mais de l’eau a coulé sous les ponts », assure le nonce à Vilnius.
« Durant ces années, j’ai souffert, c’est vrai, mais j’ai clarifié les choses avec François avant même d’être nommé nonce. Et je le remercie, ou ceux qui, derrière lui, ont décidé de m’envoyer ici dans les pays baltes, parce qu’il m’a permis de reprendre mon service à l’Église ».
Tout se passe comme si le reflet de la pacification issue du vote quasi unanime de la chapelle Sixtine se projetait sur les vieilles divisions et contribuait à les réduire, sinon à les racomoder. La nouvelle phase de la papauté de Léon XIV se déduit aussi de cette volonté transversale de clore le passé.
Mgr Gänswein explique:
« Le pape Prevost me donne beaucoup d’espoir. Je suis convaincu qu’il aura un impact positif au sein de l’Église et dans le monde. C’est un artisan de paix. Le choix du nom, dans la tradition de saint Léon le Grand et de Léon III qui a couronné Charlemagne en 800, est déjà très révélateur.
Le nom et la tenue vestimentaire indiquent clairement qu’il n’y aura pas de continuité, mais une phase totalement nouvelle.
Son expérience, sa capacité à parler plusieurs langues, le fait qu’il ait été missionnaire mais qu’il ait également travaillé à la Curie pendant deux ans font de lui à la fois un pasteur et un pape gouvernant. Il ne vient pas d’un seul milieu, mais de beaucoup de choses à la fois. Et cela lui permettra de parler à tout le monde« .
Déconcerté par le choix
L’ex bras droit de Benoît XVI, avoue avoir été déconcerté par le choix d’un Américain.
« Je me souviens avoir dit à certains : quand vous verrez la fumée blanche, ce sera probablement pour le cardinal Pietro Parolin, ou alors je n’y comprends rien. J’avais sincèrement tendance à exclure l’élection d’un autre Latino-Américain. Mais même un Nord-Américain me semblait improbable. J’espère que non seulement quelques cardinaux d’un certain continent, mais tous ont été aidés par l’Esprit Saint ».
Il ne le dit pas explicitement, mais il semble impressionné par l’habileté avec laquelle les Américains se sont comportés, parvenant à souder leur consensus avec ceux des Latino-Américains et des partisans du secrétaire d’État, Parolin ; et probablement aussi par les divisions des cardinaux italiens.
-Et maintenant ?
« Une nouvelle phase s’ouvre. Je perçois un certain soulagement généralisé. La saison de l’arbitraire est terminée. Nous pouvons commencer à compter sur une papauté capable de garantir la stabilité et de s’appuyer sur les structures existantes, sans les renverser ni les perturber« .
-Plus de pape à la Casa Santa Marta ?
« Je crois que Léon XIV ira certainement vivre au Palais apostolique. Ce palais est destiné à l’habitation des papes. C’est sa fonction historique ».
– L’anomalie de la Casa Santa Marta va-t-elle prendre fin ?
Mots Clés : Disgrâce de Mgr GansweinC’est vous qui prononcez le mot « anomalie ». Je ne peux que constater que je suis heureux de penser que le soir, dans le Palais Apostolique, le Pape allumera la lumière et les gens sauront qu’il est là ».