Pour contrer le parti-pris résolument anti-chrétien des médias de masse, il faudrait prendre exemple sur les Pères de l’Eglise, qui maîtrisaient à fond les codes de communication de leur époque.
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Leonardo Lugaresi (très séduit par le nouveau Pape) propose ici dans son très beau blog une transcription de l’intervention de celui qui était alors le père Robert Prevost, prieur général de l’ordre des Augustinien, le 8 novembre 2012, lors du Synode sur l’évangélisation voulu par Benoît XVI (à l’époque, le Synode n’avait pas du tout le sens « bergoglien » d’une Eglise en AG permanente).
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Décidément, Léon XIV n’est pas un « double » de François, auquel tout l’oppose – la vaste culture, la clarté des idées exprimées, l’élégance de la langue, la connaissance des Pères de l’Eglise.
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De quoi, peut-être, rassurer les plus conservateurs qui lui font déjà un procès d’intention, et que le contenu de l’exposé du futur pape pourrait surprendre; et démentir les médias, qui cherchent – une fois de plus – à nous piéger, en essayant à tout prix à nous vendre une image de continuité et d’héritage à préserver.

« Du spectacle au Mystère »

Le Père Prevost, les Pères de l’Eglise et la société du spectacle

Père Prevost
Vatican, 8 novembre 2012

Les médias occidentaux sont extraordinairement efficaces pour susciter la sympathie du grand public à l’égard de croyances et de pratiques contraires à l’Évangile, telles que l’avortement, l’homosexualité et l’euthanasie.

Cependant, lorsque des religieux s’élèvent contre ces positions, les médias mettent la religion sous les feux de la rampe, la dépeignant comme idéologique et insensible aux besoins supposés vitaux des gens dans le monde contemporain.

La sympathie pour les choix de vie antichrétiens encouragée par les médias est si brillamment et ingénieusement ancrée dans l’opinion publique que lorsque les gens écoutent le message chrétien, celui-ci apparaît inévitablement cruel sur le plan idéologique et émotionnel, en contraste avec le prétendu humanitarisme de la perspective antichrétienne.

Les pasteurs catholiques qui prêchent contre la légalisation de l’avortement ou la redéfinition du mariage sont décrits comme des personnes idéologiques, dures et insensibles. Non pas à cause de ce qu’ils ont fait ou dit, mais parce que le public compare leur message au ton doux et compatissant de l’image fabriquée par les médias d’êtres humains piégés dans des situations de vie moralement complexes, prenant des décisions présentées comme saines et bonnes.

C’est le cas, par exemple, de la manière dont les familles alternatives, y compris celles composées de couples de même sexe ayant adopté des enfants, sont représentées dans les séries télévisées et les films d’aujourd’hui.

Si la nouvelle évangélisation doit réussir à contrer cette déformation médiatique de la religion et de l’éthique, les pasteurs, prédicateurs, enseignants et catéchistes devront être beaucoup plus informés sur le contexte de l’évangélisation dans un monde dominé par les médias de masse.

Les Pères de l’Église ont apporté une formidable réponse aux courants littéraires et rhétoriques non chrétiens et antichrétiens actifs dans l’Empire romain, qui définissaient l’imaginaire religieux et éthique de l’époque.

Les Confessions d’Augustin, avec leur image cruciale du cor inquietum, définirent la manière dont les chrétiens et les non-chrétiens d’Occident repensèrent l’aventure de la conversion religieuse.

Dans La Cité de Dieu, Augustin exploite le récit de la rencontre d’Alexandre le Grand avec un pirate qu’il avait capturé pour ironiser sur la prétendue légitimité morale de l’Empire romain.

Les Pères de l’Église, notamment Jean Chrysostome, Ambroise, Léon le Grand et Grégoire de Nysse, n’étaient pas de grands rhétoriciens parce qu’ils étaient de grands prédicateurs : ils étaient de grands prédicateurs parce qu’ils étaient d’abord et avant tout de grands rhétoriciens.

En d’autres termes, leur évangélisation a été couronnée de succès en grande partie parce qu’ils comprenaient les principes fondamentaux de la communication sociale propres au monde dans lequel ils vivaient. Par conséquent, ils comprenaient en détail les techniques par lesquelles les centres de pouvoir séculiers de ce monde manipulaient les images religieuses et éthiques populaires de leur époque.

En outre, l’Église devrait résister à la tentation de croire qu’elle peut rivaliser avec les médias modernes en transformant la liturgie sacrée en spectacle.

À cet égard, des Pères de l’Église comme Tertullien nous rappellent aujourd’hui que le spectacle visuel est le domaine du saeculum et que notre mission est d’initier les gens à la nature du mystère comme antidote au spectacle.

Par conséquent, l’évangélisation dans le monde moderne doit trouver les moyens appropriés pour rediriger l’attention du public du spectacle vers le mystère.

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