Comme tout honnête homme (et catholique honnête!), Aldo Maria Valli se pose des questions sur Léon XIV, il est par moments envahi par les doutes. C’est normal, nous revenons de si loin et de si bas qu’il y a de quoi se méfier, et je pense que certains de mes lecteurs éprouvent le même sentiment. Qui a raison, qui se trompe, c’est ce que nous ignorons pour le moment.
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Il y a deux jours, AMV publiait un billet intitulé « Cher Léon XIV, tu m’as apporté ma première déception ». Il se référait à plusieurs passages du discours de Léon XIV aux représentants d’autres Églises et Communautés ecclésiales, notamment à celui où le pape affirmait « L’un des points forts du pontificat du pape François a été celui de la fraternité universelle« , allant jusqu’à citer la funeste déclaration d’Abu Dhabi:

Vous avez été témoins des efforts considérables déployés par le Pape François en faveur du dialogue interreligieux. Par ses paroles et ses actions, il a ouvert de nouvelles perspectives de rencontre, afin de promouvoir « la culture du dialogue comme voie, la collaboration commune comme conduite, la connaissance réciproque comme méthode et critère » (Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, Abu Dhabi, 4 février 2019) .

Hier, le même AM Valli a reçu une très belle lettre d’un prêtre italien qui tient un blog intitulé Investigateur Biblique (cf. investigatorebiblico.wordpress.com/ ).
Je pense qu’elle pourrait rassurer et apporter des réponses à ceux qui, comme moi, comme AMV, n’arrivent pas à se départir tout à fait d’un sentiment confus d’inquiétude et de méfiance.

On a le droit d’être optimiste (et même de se tromper!!).

La voie de la vérité passe par Nicée

J’ai lu avec attention et participation ton texte « Cher Léon XIV, vous m’avez donné ma première déception« , et j’éprouve le besoin, avec une affection fraternelle et dans le respect de ta recherche sincère, de t’offrir quelques réflexions dans un esprit de dialogue et d’écoute réciproque.

Je ne prétends pas te donner des conseils – je suis sûr que tu as des guides spirituels solides et éclairés – mais je voudrais, avec simplicité, partager une réflexion, dans l’espoir qu’elle puisse t’être au moins aussi utile quil l’est pour moi de continuer à me questionner, également à travers des voix comme la tienne.

Au début de son discours aux représentants des autres Églises et religions, le Pape a évoqué un anniversaire très important : le 1700ème anniversaire du premier Concile de Nicée.

Voici les paroles de Léon XIV :

« Mon élection a eu lieu le jour du 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique de Nicée.

Ce Concile représente une étape fondamentale dans l’élaboration du Credo partagé par toutes les Églises et Communautés ecclésiales.

Alors que nous sommes sur le chemin du rétablissement de la pleine communion entre tous les chrétiens, nous reconnaissons que cette unité ne peut être que l’unité dans la foi. En tant qu’évêque de Rome, je considère que l’un de mes devoirs prioritaires est de chercher à rétablir la pleine et visible communion entre tous ceux qui professent la même foi en Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

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https://www.vatican.va/content/leo-xiv/fr/speeches/2025/may/documents/20250519-altre-religioni.html

Cette mémoire [de Nicée], loin d’être un ornement, n’est pas seulement un rappel historique, mais un fondement doctrinal. Comme nous le savons, Nicée a clairement établi la vérité centrale de notre foi : Jésus-Christ, le Fils, est consubstantiel au Père, vrai Dieu de vrai Dieu. Une vérité affirmée contre l’hérésie arienne et gardée depuis comme la pierre angulaire du credo chrétien.

Il me semble important de souligner que le Pape, en citant Nicée au début de son discours, s’est adressé à un auditoire diversifié, composé de représentants des Églises chrétiennes et d’autres religions, et qu’il l’a fait en plaçant au centre, dès le départ, ce qui nous définit en tant que chrétiens : la foi dans le Dieu trinitaire et dans la divinité de Jésus-Christ.

Il ne s’agit pas d’un détail, ni même d’un geste diplomatique : il s’agit d’une déclaration claire d’identité théologique. Se souvenir de Nicée, c’est réaffirmer que le chemin vers l’unité des chrétiens et le dialogue avec les non-chrétiens ne peut se faire à partir d’une neutralité générique, mais seulement à partir de la pleine confession de Jésus-Christ comme Seigneur, Dieu fait homme pour notre salut.

Les paroles du Pape – « cette unité ne peut être qu’une unité dans la foi » – sont profondément expressives de cette prise de conscience. Parler de fraternité, de rencontre, de synodalité, ne signifie nullement diluer le contenu de la foi, mais chercher des voies plus fidèles, plus évangéliques pour la communiquer et en témoigner en ce temps. La rencontre entre les personnes ne se substitue pas à la vérité, mais elle peut être le lieu où la vérité se laisse reconnaître et accueillir sans s’imposer.

Je comprends bien ton trouble face à des mots qui semblent reprendre des accents et des orientations du pontificat précédent. Mais je crois aussi que, dans la vision du pape, il n’y a pas de contradiction entre la fidélité à Nicée et l’engagement pour la fraternité universelle. Il s’agit plutôt d’un élargissement du regard : reconnaître l’humain dans l’autre, sans jamais confondre ou réduire la vérité de l’Évangile. Comme Jésus, qui n’a jamais eu peur de rencontrer, de parler, d’accueillir, tout en restant ferme dans son identité de Fils.

En ce sens, je crois qu’il est légitime de lire ses paroles sur le dialogue interreligieux non pas comme une ouverture naïve ou relativiste, mais comme l’expression de la certitude de la foi. Seuls ceux qui sont fermes dans leur identité peuvent vraiment s’ouvrir. Seuls ceux qui ont trouvé la vérité dans le Christ peuvent rencontrer sans crainte ceux qui cherchent ou avancent sur des chemins différents.

L’Esprit souffle où il veut et emprunte parfois des chemins qui nous surprennent ou nous dérangent. Mais l’Évangile ne nous demande-t-il pas d’être vigilants sans céder au soupçon, de garder la doctrine sans nous alarmer, de défendre la Vérité sans perdre la charité ?

Dans la prière et dans l’espoir que ce temps soit pour toi – y compris pour nous qui écrivons et lisons – l’occasion d’une foi plus mûre et d’une communion plus profonde, etc..

Ton ami prêtre

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