Un journaliste de ‘The Pillar’ a enquêté au Pérou, dans le diocèse de Chiclayo dont le nouveau pape a été évêque de 2014 à 2023, interrogeant des collaborateurs et des gens qui l’ont côtoyé de près. Il en ressort le portrait d’un homme bon, doux, un homme de prière, aussi, profondément spirituel, sachant écouter mais très clair sur la doctrine, proche de son peuple, sans négliger des capacité de bon gestionnaire. Bref, on est très loin d’un « clone » de François. (j’entends bien les critiques habituelles des sceptiques qui parleront d’un portrait quasi hagiographique, mais pardon si ce n’est pas ce que me dit mon intuition)

Il vescovo Robert F. Prevost a cavallo nella sua diocesi in Perù - Foto via Vatican News
Un pasteur parmi ses ouailles

Prevost évêque au Pérou : Toujours très clair sur la doctrine de l’Église, mais dans la charité

Blog de Sabino Piaciolla
21 mai 2025

Sabino Paciolla

Mgr Robert F. Prevost
à cheval dans son diocèse au Pérou

Comment ceux qui l’ont connu et ont vécu avec lui dans le diocèse de Chiclayo au Pérou se souviennent-ils du nouveau pape Léon XIV ?
Pour le savoir, nous nous appuyons sur l’article écrit par Edgar Beltrán, publié par The Pillar le 20 mai 2025, intitulé : ‘Great charity and great clarity’ – How Pope Leo is remembered in Chiclayo
.

L’article explore le souvenir que la communauté de Chiclayo, au Pérou, garde du pape Léon XIV, connu localement sous le nom de “Monseñor Roberto” , lorsqu’il était évêque du diocèse de Chiclayo (2014-2023). À travers des entretiens avec des prêtres et des laïcs qui l’ont connu, l’article dresse le portrait de Robert Prevost comme un leader humble, accessible, intellectuellement pointu et pastoralement sensible, capable de combiner l’orthodoxie doctrinale avec un dialogue ouvert et charitable.

Style de leadership et humilité

Le Père Prévost s’est distingué par son accessibilité et sa simplicité. Les prêtres et les laïcs le décrivent comme un évêque « sans murs », toujours disponible pour le dialogue.

Le père José Luis Zamora, ancien recteur du séminaire de Chiclayo, souligne :

« Il répondait toujours au téléphone et s’il ne pouvait pas vous parler, il vous rappelait dès qu’il était libre. Plus d’une fois, en cas d’urgence, il répondait au téléphone, même s’il était minuit ».

Un exemple emblématique est le récit d’un accident nocturne impliquant un prêtre dans une zone rurale, où Prévost s’est immédiatement rendu sur les lieux.
Le père Bernardino Gil, ancien vicaire général raconte:

Je me souviens même qu’un jour, un prêtre a eu un accident en pleine nuit dans une zone rurale, et il s’est immédiatement rendu sur place pour voir comment il pouvait aider. Cette disponibilité reflétait son humilité et son désir d’être « l’un de nous »… C’était un homme très patient, agissant sans délai mais sans précipitation .

Le père Jorge Millán, du diocèse de Chiclayo, témoigne:

« La plupart d’entre nous ne savaient rien de lui lorsqu’il est arrivé, en novembre 2014, en tant qu’administrateur apostolique »

L’évêque Prevost a nommé Millán comme curé de la paroisse de la cathédrale. La cathédrale et la résidence épiscopale étant situées dans le même bâtiment, Millán a vécu avec Prevost et six autres prêtres pendant près de neuf ans.
Il raconte en riant:

« Dès le début, nous avons apprécié sa proximité et son espagnol… Nous avions déjà eu des prêtres américains, mais souvent ils ne parlaient pas bien l’espagnol. Lui, il le parlait bien ».

Prevost s’est immergé pleinement dans la vie diocésaine, choisissant de ne pas s’entourer de membres de son ordre (les Augustins), mais de s’appuyer sur des prêtres locaux.

« Il aurait été naturel d’avoir des gens qui comprenaient mieux sa spiritualité, mais il voulait s’immerger dans la vie diocésaine ».

Sa capacité à travailler avec tout le monde, quelles que soient les sensibilités théologiques, est attestée par sa collaboration avec des prêtres liés à l’Opus Dei et à la Société sacerdotale de la Sainte-Croix, malgré les inquiétudes initiales suscitées par sa nomination par le pape François, perçue comme moins favorable aux conservateurs :

Il a toujours été très ouvert à travailler avec tout le monde, avec nous, les prêtres de l’Opus Dei et de la Société sacerdotale de la Sainte-Croix, avec toutes les congrégations religieuses du diocèse, qui ont des sensibilités différentes, il a travaillé avec tout le monde.

Orthodoxie et dialogue ouvert

On se souvient du Père Prévost pour son équilibre entre la fidélité à la doctrine catholique et l’ouverture au dialogue.

Le père Zamora le décrit comme un leader qui montrait

« un grand respect pour la doctrine, pour les enseignements moraux catholiques et pour la doctrine sociale de l’Église. Je n’ai jamais rien vu de négatif, il n’était jamais ambigu ».

Millán ajoute :

« En matière de doctrine, il a toujours fait preuve d’une grande charité et d’une grande clarté ».

Érika Valdivieso, directrice de l’Institut de la famille de l’Université catholique Santo Toribio de Mogrovejo, souligne son engagement en faveur de la famille traditionnelle, mais avec une approche charitable :

« En tant qu’évêque, il a toujours été très fidèle à la doctrine sociale de l’Église, il nous a appelés à protéger et à prendre soin de la famille, mais toujours avec charité. Je ne l’ai jamais entendu utiliser des mots offensants, même s’il était très clair sur la doctrine de l’Église. Il considérait tout le monde comme des enfants de Dieu, mais il s’exprimait toujours très clairement sur les questions doctrinales ».

Cet équilibre était fondamental pour jeter des ponts entre les différentes sensibilités au sein du diocèse, sans imposer de changements radicaux. Selon le père Millan

Il est venu dans le diocèse pour construire sur ce qui avait été fait auparavant, il n’a pas apporté de changements radicaux. Il est venu et a voulu connaître le travail que nous faisions, et petit à petit il a apporté sa touche à tout, mais il n’est jamais venu avec des préjugés parce que nous sommes ‘conservateurs’, au contraire, il nous a toujours fait confiance.

Sensibilité liturgique

Certains catholiques ont été surpris par la sensibilité liturgique traditionnelle de Mgr Prevost, mais pour les prêtres de Chiclayo, ce n’était pas une nouveauté. Le père Bernardino Gil le décrit comme

« un homme très intelligent et équilibré, qui a toujours prêté attention à tous les aspects de la liturgie ».

Le père Millán le décrit comme un prêtre qui « disait le noir et faisait le rouge ». Il célébrait toujours avec la solennité requise par la liturgie, ni plus ni moins », faisant référence à son adhésion stricte aux normes liturgiques.

Malgré le climat chaud et humide de Chiclayo (températures allant jusqu’à 29°C avec un taux d’humidité supérieur à 70%), Prévost a toujours célébré la messe avec une chasuble complète :

Il était toujours habillé de manière appropriée… Nous mettions toujours un ventilateur près de lui pour éviter qu’il ne fasse trop chaud.

Son attention aux détails liturgiques s’étendait également aux confessions, où il insistait sur l’utilisation correcte des vêtements.
Le père Millan raconte:

Une fois, me voyant ainsi (portant l’étole mais pas l’aube, ndlr), il m’a dit de toujours porter l’aube et l’étole pour confesser . Il nous aidait à confesser dans la cathédrale quand il y avait de grands besoins, comme avant la Semaine Sainte ou Noël, mais il entrait toujours dans le confessionnal sans que les gens s’en aperçoivent, pour que personne ne sache que c’était lui .

Engagement pastoral et social

L’article souligne le fort engagement de Mgr Prevost envers les plus démunis, un trait qui a laissé une impression durable à Chiclayo. Pendant la crise des réfugiés vénézuéliens, Prevost a coordonné des projets par l’intermédiaire de la Caritas pour aider plus d’un million de migrants. Millan précise:

Il nous a toujours demandé de nous occuper de la Caritas dans le diocèse. Lorsque la situation au Venezuela s’est aggravée, il s’est occupé des projets de la Cáritas pour aider les réfugiés vénézuéliens

Un exemple significatif est la décision d’allouer la collecte de la messe du Corpus Christi, célébrée dans un stade de 10 000 personnes, aux réfugiés vénézuéliens, un geste qui a rencontré une grande générosité de la part des fidèles.

Lors des inondations de 2022 à Illimo, Prévost s’est rendu personnellement sur place, et Zamora raconte :

Fin 2022, il y a eu une inondation dans la ville d’Illimo, qui se trouve au nord de Chiclayo, et il s’est rendu sur place en personne, vous avez probablement vu les photos de lui portant des bottes industrielles, il était là. Il ne s’est donc pas contenté de dire « nous devons aider ces gens », il était en première ligne, se salissait, était avec son peuple

Zamora ajoute :

Il donnait l’exemple, il était avec son peuple, il partageait sa douleur. Il avait une grande sensibilité pour les pauvres.

Une vie de prière et d’administration

Prevost est décrit comme un administrateur compétent et un leader équilibré, qui alliait des compétences organisationnelles à une profonde spiritualité. Millán se souvient de sa discipline dans la prière :

Il avait une vie de prière très disciplinée. Il priait toujours le matin, après s’être réveillé, dans sa chapelle, puis se rendait à la cathédrale pour les laudes. Après le petit-déjeuner, il se mettait au travail et nous récitions généralement le chapelet ensemble vers midi.

Sa préférence pour la célébration de la messe le soir reflétait sa recherche de tranquillité :

J’ai trouvé très intéressant qu’il aime célébrer la messe le soir, à huit heures, parce qu’il avait l’esprit libre, il était plus calme parce qu’il n’avait pas de travail en tête.

En tant qu’administrateur, Prevost déléguait avec confiance, laissant de l’autonomie à ses collaborateurs :

C’était un homme qui vous laissait faire votre travail. Il n’est jamais venu avec des slogans ou des impositions.

Érika Valdivieso, qui dirige l’Institut de la famille à l’université catholique Santo Toribio de Mogrovejo, à Chiclayo, reconnaît que « Monseñor Roberto » était ouvert au dialogue avec tout le monde, mais elle a ajouté qu’il était également un défenseur de la famille traditionnelle.

Elle souligne son rôle de Grand Chancelier de l’Université catholique :

Il nous donnait des directives, mais il nous faisait confiance et nous rappelait toujours que le travail scientifique d’une université catholique, en fin de compte, est une recherche de la vérité, et qu’il combine donc très bien les aspects intellectuels et pastoraux.

Millán le décrit comme « un grand administrateur » et « un homme équilibré ».

Impact sur le diocèse et les vocations

Mgr Prevost a soutenu le séminaire diocésain, fondé par Mgr Ignacio Obergozo, qui avait maintenu un bon nombre de vocations sous sa direction. Lui ont succédé Mgr Jesús Moliné, puis Mgr Prevost, qui ont maintenu un niveau élevé de vocations.

L’évêque Robert Prevost avec les séminaristes du Grand Séminaire Santo Toribio de Mogrovejo en 2019.

Bien que le nombre de séminaristes soit resté stable pendant la majeure partie du mandat de l’évêque Prevost à Chiclayo, la pandémie de Covid a affecté les vocations et le séminaire compte aujourd’hui moins de 40 séminaristes.
Zamora explique:

C’est encore un bon chiffre au Pérou et, cette année, nous avons eu 18 admissions en année propédeutique, ce qui est un signe encourageant de la reprise de la croissance des vocations

Prevost était activement impliqué dans la vie du séminaire, encourageant les vocations et participant à des événements tels que des tournois de football et des collectes de fonds :

Lorsqu’il visitait le séminaire, il encourageait toujours les vocations dans les groupes de jeunes. C’était un homme très occupé, mais il se rendait au séminaire chaque fois que les jeunes l’invitaient.

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