Ce sont peut-être les hasards de son agenda qui le veulent, mais en ce moment, la famille semble être le coeur des préoccupations du Pape. Après la belle homélie de dimanche dernier, à l’occasion du Jubilé des familles (Léon XIV et la famille), il vient d’adresser un message aux participants à un séminaire organisé au Vatican sur le thème « Évangéliser avec les familles d’aujourd’hui et de demain », et ce nouveau discours me semble avoir des accents « ratzingériens ». Je regrette juste que si Jean-Paul II et l’inévitable François sont cités, Benoît XVI ne l’est pas, et pourtant il y a de nombreux textes dans son magistère qui seraient appropriés (j’y reviendai).
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A propos de François, Léon XIV illustre une fois de plus par ses propos la méthode du « bon usage » (cf. Léon XIV: Tradition et « bon usage »).
Par exemple, le passage d‘Amoris Laetitia qu’il cite est parfaitement, disons…. neutre et, hors-contexte (c’est-à-dire pour quelqu’un qui ne connaîtrait pas l’auteur), il est pleinement catholique.
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A côté de cette « concession » à certains de ses électeurs, il y a un passage qui a été reçu avec satisfaction par les catholiques « conservateurs.
Peut-être que beaucoup de jeunes, qui de nos jours choisissent la cohabitation plutôt que le mariage chrétien, ont en réalité besoin de quelqu’un qui leur montre de manière concrète et compréhensible, surtout par l’exemple de sa vie, ce qu’est le don de la grâce sacramentelle et quelle force en découle ; qui les aide à comprendre « la beauté et la grandeur de la vocation à l’amour et au service de la vie » que Dieu donne aux époux.
Sur le compte X du Pape – détail très significatif – on peut lire

LifeSiteNews note à ce sujet:
… Le pape Léon corrige les déclarations de François sur le concubinage.
Le pape François avait créé un scandale mondial lorsqu’il avait déclaré le 16 juin 2016 que le concubinage était un « vrai mariage » et qu’il avait la grâce d’un vrai mariage….
« Dans les zones rurales du nord-est de l’Argentine, des couples ont un enfant et vivent ensemble. Ils se marient civilement lorsque l’enfant va à l’école, et lorsqu’ils deviennent grands-parents, ils se marient religieusement »
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« C’est une superstition, parce que le mariage fait peur au mari. C’est une superstition que nous devons surmonter… J’ai vu beaucoup de fidélité dans ces cohabitations, et je suis sûr qu’il s’agit d’un vrai mariage, ils ont la grâce d’un vrai mariage à cause de leur fidélité« ..
Il n’a pas dit cela une seule fois. Le 25 février 2017, il a tenu des propos similaires en s’adressant à la Rote romaine. Et l’un de ses plus proches conseillers, son intervieweur le plus fréquent, le prêtre jésuite Antonio Spadaro, a tweeté une photo d’un couple allant main dans la main à la rencontre du pape. La légende de la photo contient les mots du pape : « Bienvenue à ces jeunes qui préfèrent vivre ensemble sans se marier… ».
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John Henry Western
https://www.lifesitenews.com/blogs/breaking-pope-leo-xiv-corrects-the-francis-record-on-cohabitation
Le message de Léon XIV
Je me réjouis que, au lendemain de la célébration du Jubilé des familles, des enfants, des grands-parents et des personnes âgées, un groupe d’experts se soit réuni au Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie pour réfléchir sur le thème : « Évangéliser avec les familles d’aujourd’hui et de demain. Défis ecclésiologiques et pastoraux ».
Ce thème exprime bien la préoccupation maternelle de l’Église pour les familles chrétiennes du monde entier : membres vivants du Corps mystique du Christ et premier noyau ecclésial auquel le Seigneur confie la transmission de la foi et de l’Évangile, en particulier aux nouvelles générations.
La profonde demande d’infini inscrite dans le cœur de tout homme donne aux pères et aux mères le devoir de faire connaître à leurs enfants la paternité de Dieu, selon ce qu’écrivait saint Augustin :
« De même qu’en Toi nous avons la source de la vie, de même dans Ta lumière nous verrons la lumière » (Confessions, XIII, 16).
Notre époque se caractérise par une recherche croissante de spiritualité, en particulier chez les jeunes, qui sont avides de relations authentiques et de maîtres de vie. C’est précisément pour cette raison qu’il est important que la communauté chrétienne puisse porter son regard au loin, en se faisant la gardienne, face aux défis du monde, de l’aspiration à la foi qui habite le cœur de chaque personne.
Et il est particulièrement urgent, dans cet effort, d’accorder une attention particulière aux familles qui, pour diverses raisons, sont spirituellement plus éloignées : celles qui ne se sentent pas impliquées, qui disent ne pas être intéressées, ou qui se sentent exclues des chemins communs, mais qui voudraient néanmoins faire partie, d’une certaine manière, d’une communauté, dans laquelle grandir et avec laquelle cheminer. Combien de personnes ignorent aujourd’hui l’invitation à la rencontre avec Dieu !
Malheureusement, face à cette nécessité, une « privatisation » de la foi de plus en plus répandue empêche souvent ces frères et sœurs de connaître la richesse et les dons de l’Église, lieu de grâce, de fraternité et d’amour !
Ainsi, même avec des désirs sains et saints, en cherchant sincèrement des points d’appui pour gravir les beaux sentiers de la vie et de la pleine joie, beaucoup finissent par s’appuyer sur de faux points d’appui qui, malgré le poids de leurs désirs les plus profonds, les laissent à nouveau glisser vers le bas, en les éloignant de Dieu et en les faisant naufrager dans une mer de pulsions mondaines.
Parmi eux, des papas et des mamans, des enfants, des jeunes et des adolescents, parfois aliénés par des modèles de vie illusoires, où il n’y a pas de place pour la foi, à la diffusion desquels contribue en grande partie l’utilisation déformée de médias potentiellement bons en eux-mêmes – tels que les médias sociaux – mais nuisibles lorsqu’ils deviennent le véhicule de messages trompeurs.
Eh bien, ce qui anime l’Église dans son effort pastoral et missionnaire, c’est précisément le désir d’aller « pêcher » cette humanité, pour la sauver des eaux du mal et de la mort à travers la rencontre avec le Christ.
Peut-être que beaucoup de jeunes, qui de nos jours choisissent la cohabitation plutôt que le mariage chrétien, ont en réalité besoin de quelqu’un qui leur montre de manière concrète et compréhensible, surtout par l’exemple de sa vie, ce qu’est le don de la grâce sacramentelle et quelle force en découle ; qui les aide à comprendre « la beauté et la grandeur de la vocation à l’amour et au service de la vie » que Dieu donne aux époux (Saint Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio, 1).
De même, de nombreux parents, dans l’éducation de leurs enfants à la foi, ont besoin de communautés qui les soutiennent dans la création des conditions permettant à ceux-ci de rencontrer Jésus, « des lieux où se réalise cette communion d’amour qui trouve sa source ultime en Dieu lui-même » (François, Audience générale, 9 septembre 2015).
La foi est avant tout une réponse à un regard d’amour, et la plus grande erreur que nous puissions commettre en tant que chrétiens est, selon les mots de saint Augustin, de « prétendre que la grâce du Christ consiste dans son exemple et non dans le don de sa personne« (Contra Iulianum opus imperfectum, II, 146). Combien de fois, dans un passé peut-être pas si lointain, avons-nous oublié cette vérité et avons-nous présenté la vie chrétienne principalement comme un ensemble de préceptes à respecter, remplaçant l’expérience merveilleuse de la rencontre avec Jésus, Dieu qui se donne à nous, par une religion moralisatrice, lourde, peu attrayante et, d’une certaine manière, inaccessible dans le concret de la vie quotidienne.
Dans ce contexte, c’est avant tout aux évêques, successeurs des apôtres et pasteurs du troupeau du Christ, qu’il revient de jeter le filet dans la mer en devenant des « pêcheurs de familles ». Mais les laïcs aussi sont appelés à se laisser impliquer dans cette mission, en devenant, aux côtés des ministres ordonnés, des « pêcheurs » de couples, de jeunes, d’enfants, de femmes et d’hommes de tout âge et de toute condition, afin que tous puissent rencontrer Celui qui seul peut sauver. Chacun de nous, en effet, dans le Baptême, est constitué Prêtre, Roi et Prophète pour ses frères et sœurs, et devient « pierre vivante » (cf. 1Pt 2,4-5) pour la construction de l’édifice de Dieu « dans la communion fraternelle, dans l’harmonie de l’Esprit, dans la coexistence des diversités » (Homélie, 18 mai 2025).
Je vous demande donc de vous associer à l’effort avec lequel toute l’Église part à la recherche de ces familles qui, seules, ne se rapprochent plus; de comprendre comment cheminer avec elles et comment les aider à rencontrer la foi, en devenant à leur tour des « pêcheurs » d’autres familles.
Ne vous laissez pas décourager par les situations difficiles dans lesquelles vous vous trouvez. Certes, les familles d’aujourd’hui sont blessées de bien des manières, mais « l’Évangile de la famille nourrit aussi les semences qui attendent encore de mûrir et doit soigner les arbres qui se sont desséchés et qu’il ne faut pas négliger » (François, Exhortation apostolique Amoris laetitia, 76).
C’est pourquoi il est si nécessaire de promouvoir la rencontre avec la tendresse de Dieu, qui valorise et aime l’histoire de chaque personne. Il ne s’agit pas de donner des réponses hâtives à des questions difficiles, mais plutôt d’être proches des personnes, de les écouter, de chercher à comprendre avec elles comment affronter les difficultés, prêts aussi à s’ouvrir, si nécessaire, à de nouveaux critères d’évaluation et à des modes d’action différents, parce que chaque génération est différente de l’autre et présente ses propres défis, ses propres rêves et ses propres questions. Mais au milieu de nombreux changements, Jésus-Christ reste « le même hier, aujourd’hui et à jamais » (Heb 13:8). Par conséquent, si nous voulons aider les familles à vivre des chemins joyeux de communion et à être des semences de foi les uns pour les autres, il est nécessaire que nous cultivions et renouvelions d’abord notre identité de croyants.
Chers frères et sœurs, merci pour ce que vous faites ! Que l’Esprit Saint vous guide dans le discernement des critères et des modes d’engagement ecclésial pour soutenir et promouvoir la pastorale familiale. Puissions-nous aider les familles à écouter courageusement la proposition du Christ et les invitations de l’Église ! Je me souviens de vous dans la prière et je vous donne cordialement à tous la Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 28 mai 2025
Léon PP. XIV