Avec l’arrivée de Léon XIV, un vent plus frais commence à souffler derrière les murs (doublement) léonins! Après le retrait précipité du site du Vatican des images signées Rupnik, dont nous avons parlé hier , c’est au tour de « Mgr » Gustavo Zanchetta, ex-pupille de François, qui avait même été son confesseur en Argentine (voir note), condamné par la justice de son pays pour abus sexuels, d’être sur la sellette: après avoir trouvé refuge au Vatican, on lui a « offert », moins d’un mois après la mort de son protecteur, un aller simple vers son pays, pour y purger sa peine.
Les précisions de Nico Spuntoni.

gustavo zanchetta papa francisco
François et son protégé Gustavo Zanchetta

Zanchetta et Rupnik, signes d’un tournant dans le nouveau pontificat

Nico Spuntoni
La NBQ
11 juin 2025

Fin du séjour romain pour l’évêque argentin coupable d’abus, tandis que l’appel d’O’Malley à retirer des médias du Vatican les œuvres du prêtre-mosaïste est enfin entendu après un an et un conclave. Une nouvelle qui laisse espérer un changement de registre dans la lutte contre les abus.

Quelque chose a changé au Vatican. Si le pontificat de François ne restera malheureusement pas dans les mémoires pour les avancées réalisées dans la lutte contre les abus, c’est notamment à cause du cas de Marko Rupnik et de celui de Gustavo Oscar Zanchetta. Et c’est précisément dans le cas de l’ancien jésuite slovène et de l’évêque émérite d’Orán que deux nouveautés importantes sont à noter, un mois à peine après l’élection de Léon XIV. Il est difficile de ne pas les relier à l’air nouveau que l’on respire dans les palais sacrés grâce au début de l’ère Prevost.

Ces derniers jours, Vatican News a enfin retiré les images des œuvres de Rupnik qui continuaient à illustrer les articles et les célébrations liturgiques.

La demande de retrait avait été formulée il y a un an par le cardinal Seán O’Malley, président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, qui, prenant acte de l’indignation exprimée par les victimes présumées du prêtre-artiste, avait écrit une lettre aux responsables des dicastères les invitant à « éviter de transmettre le message que le Saint-Siège est insensible à la détresse psychologique dont souffrent de nombreuses personnes ».

La Commission pontificale avait annoncé cette lettre dans une note publiée sur le site tutelaminorum.org.

Contrairement aux autres initiatives mineures de la cCommission, le Bureau de presse du Saint-Siège, dirigé par Matteo Bruni, n’avait pas inclus la note parmi les « informations utiles » envoyées aux journalistes. Le portail Vatican News avait lui aussi ignoré la nouvelle, sans doute gêné d’être le principal destinataire de la demande du cardinal américain.

En fait, O’Malley avait agi après s’être plaint de l’obstination avec laquelle le portail d’information du Vatican avait continué à publier les œuvres de Rupnik malgré son expulsion des Jésuites pour des accusations d’abus présentant un « degré de crédibilité très élevé ». Surtout, la lettre du cardinal suivait de quelques jours les déclarations incroyables du préfet du dicastère pour la communication, Paolo Ruffini, selon lequel ceux qui pensaient que retirer les images de Rupnik de Vatican News signifierait se rapprocher des victimes se trompaient, et qui allait jusqu’à souligner que « nous ne sommes pas en train de parler d’abus sur mineurs ». Pendant près d’un an, la communication du Vatican n’a pas pris en compte la demande explicite d’un cardinal.

Mais il y a quelques jours, quelques heures après l’audience accordée par Léon XIV à la Commission pontificale pour la protection des mineurs, Vatican News a précipitamment « nettoyé » ses sites des images du prêtre accusé d’abus.

Une volte-face évidente par rapport à la ligne dictée par le chef du dicastère pour la communication lors d’une conférence aux Etats-Unis l’année dernière. Difficile de ne pas en attribuer le mérite à l’arrivée de Léon XIV sur le trône de Pierre et à la persévérance d’O’Malley qui, ces dernières années, avait aussi eu le courage de tirer publiquement les oreilles [sic!] de François dans certaines circonstances.

Le sentiment que, grâce à Prevost, une nouvelle phase s’ouvre dans la gestion des dossiers d’abus les plus problématiques est également donné par une autre nouvelle, cette fois-ci en provenance d’Argentine.

Au début du mois, en effet, le séjour romain de Mgr Gustavo Zanchetta, le « fils spirituel » de Jorge Mario Bergoglio, créé plus tard par ce dernier évêque d’Oràn, a pris fin. La cour d’appel de Salta l’avait condamné à quatre ans et six mois de prison pour avoir continué à commettre des abus sexuels sur deux séminaristes, aggravés par le fait qu’ils ont été commis par un ministre du culte. Zanchetta n’a passé que quatre mois dans un pénitencier, puis il a été autorisé à purger sa peine au monastère de Nuestra Señora del Valle.

En novembre dernier, nouvelle surprise: l’évêque condamné obtient des juges la permission de se rendre à Rome pour des raisons de santé.

De prolongation en prolongation, le séjour de Zanchetta a duré six mois et est resté entouré de mystère. Il n’a pas été vu au Vatican, où il était devenu un visage familier à l’époque de son expérience comme assesseur l’APSA [Administration du Patrimoine du Siège Apostolique] (presque concomitante avec le coup d’envoi de l’enquête argentine) et son admission à l’hôpital Gemelli est également restée top secrète.

Un peu plus d’un mois après la mort de son ex-confesseur François [1], Zanchetta s’est retrouvé à bord d’un vol pour l’Argentine. Des sources locales nous informent que l’évêque condamné se trouve à Salta, mais pas au monastère, car sa cellule est en cours de rénovation. Selon nos sources, le prélat aurait demandé la suspension conditionnelle de sa peine

Indépendamment de la manière dont il purgera le reste de sa peine en Argentine, la fin de son congé à Rome après six bons mois est un fait et intervient juste au début du pontificat de Léon XIV.

Il s’agit peut-être d’une coïncidence, mais on peut supposer que Prevost est bien informé du dossier Zanchetta. L’un des amis les plus proches du pape est en effet Mgr Alberto Germán Bochatey, auxiliaire de La Plata, qui avait signé en 2022 la note de la Conférence épiscopale argentine sur la condamnation de Zanchetta, blâmant son « comportement abusif » et exprimant une « forte et sincère demande de pardon de la part de toute l’Église » aux victimes.

[1] Note

Selon une révélation faite en 2019 par Dagospia, le site de gossip hyper-informé et généralement très fiable, le cardinal Bergoglio était effectivement le confesseur du prêtre indigne, et l’information avait été transmise au Vatican dès 2015:

Manzano, l’ancien vicaire général de Zanchetta [au diocèse d’Oran] est l’un des premiers à avoir lancé l’alerte au sujet de son patron en 2015, en envoyant au Vatican des selfies obscènes le représentant nu.

.

La nomination de Zanchetta comme évêque d’Oran avait été l’une des premières nominations épiscopales de François en 2013. Bergoglio connaissait bien Zanchetta, qui avait été sous-secrétaire exécutif de la conférence épiscopale argentine, que le cardinal Jorge Mario Bergoglio avait dirigée pendant deux mandats successifs, de 2005 à 2011. Et Marzano ne doute pas de leur proximité : « Bergoglio a été le confesseur de Zanchetta et l’a traité comme un fils spirituel ».

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