Comme cela a déjà été le cas (et l’est encore) dans le cas de la guerre en Ukraine, la couverture des évènement en France (et apparemment en Italie) est totalement unilatérale. Les méchants sont TOUS d’un côté, les bons TOUS de l’autre (même si, dans un cas, les méchants sont les agresseurs, et dans l’autre les agressés, allez comprendre).
Mais dans la vie, les choses ne sont pas aussi simples.
Je ne connais pas suffisamment (ou plutôt je connais très peu) la situation, les alliances locales, les implications économiques, les arrière-plans historiques, géopolitiques, etc., pour formuler une quelconque opinion personnelle, mais comme 99% des Français, j’imagine (puisqu’ON nous prend à témoin, et qu’ON nous intime par médias interposés de prendre parti – du bon côté, évidemment), j’essaie de comprendre. Avec la prudence requise par le sujet, car le couperet de la censure n’est pas loin. Mais on a le droit de faire marcher son cerveau.
J’ai trouvé cet article, qui ne prétend pas dresser un tableau exhaustif et ne répond pas à toutes les questions, mais que je trouve particulièrement sensé et équilibré, sur le blog d’AM Valli, au lendemain des premières attaques israéliennes.
Et comme le dit la conclusion de l’article « que Dieu nous vienne en aide! ».
Bien vu!!

Tel-Aviv et Washington peuvent carrément oublier un changement de régime comme celui qui s’est produit en Syrie en l’espace de quelques heures.
L’Empire romain, qui était l’Empire romain, a tenté pendant sept cents ans de soumettre la Perse et a échoué ; se peut-il qu’aucun dirigeant n’ait étudié un tout petit peu d’histoire ?
Israël-Iran. Ce qui se passe et ce qui nous attend
Luca Foglia
Israël-Iran. Essayons d’expliquer ce qui s’est passé et ce qui pourrait se passer sans utiliser les slogans chers à une certaine presse.
o o o
Les faits
Israël a attaqué l’Iran avec plus de 300 bombes larguées par 200 avions de chasse (F-35, F-16 et F-15). Il a touché la capitale Téhéran et Tabriz, les centrales nucléaires de Natanz et d’Arak, certains sites militaires et plusieurs zones résidentielles, où quatre membres de la direction militaire et six scientifiques en charge du programme nucléaire, ainsi que le négociateur en chef, ont été tués (un stratagème similaire à celui utilisé l’année dernière contre le Hezbollah et le Hamas).
L’Iran n’a pas réagi tout de suite parce que les services de renseignement israéliens avaient détruit ou mis hors d’état de nuire les défenses aériennes par des équipes d’incursion au sol. C’est la troisième fois en un an que le Mossad se déplace assez librement dans l’ancienne Perse.
Israël a ensuite poursuivi l’offensive jusqu’à ce matin, visant à nouveau la capitale Téhéran, des infrastructures militaires, plusieurs villes secondaires, et le plus important site nucléaire iranien, celui de Fordow, protégé par un bunker à plusieurs mètres sous terre et en partie à l’intérieur d’une montagne. La précision des attaques est étonnante, rien à voir avec ce qui se passe à Gaza, signe que les missiles ont probablement été guidés par des agents cachés à proximité des cibles.
Dans la soirée, les défenses antiaériennes iraniennes se sont remises en marche et le guide suprême Ali Khamenei a donc donné le feu vert à la riposte, qui a duré toute la nuit et a été menée au moyen de drones et de missiles balistiques (dont certains hypersoniques). Tel-Aviv était la cible privilégiée, mais la Cisjordanie et le nord d’Israël ont également été touchés. Apparemment, la centrale nucléaire de Dimona [en Israël] et les bases d’où sont partis les avions ont également été attaquées. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les hostilités ont cessé depuis peu.
Considérations techniques
Les services secrets israéliens, forts d’une expérience de plusieurs décennies, ont pu s’infiltrer dans plusieurs zones du vaste Iran et, à l’aide de drones, de missiles guidés et probablement de dispositifs de guerre électronique, ont détruit ou mis hors d’état de nuire les systèmes de défense antiaérienne iraniens. Leurs avions à réaction ont ainsi pu opérer sans être dérangés dans le ciel de l’Irak (toujours sous contrôle américain à ce jour). Les quelques défenses encore actives se sont concentrées sur la protection des sites sensibles de la capitale et de la centrale électrique de Fordo, qui semble n’avoir subi aucun dommage. Il ne faut pas oublier que la plupart des installations militaires iraniennes sont situées à plusieurs mètres sous terre et sont donc difficilement accessibles aux missiles. Grâce à cela, l’Iran a pu résister à l’impact et à la contre-attaque.
Ne disposant pas d’une force aérienne comparable à celle d’Israël, l’Iran s’est appuyé sur des drones et des missiles balistiques. Les premiers ont mis plusieurs heures à atteindre Israël et ont servi de leurres pour les défenses, tandis que les seconds sont arrivés à destination en une quinzaine de minutes (sept pour les hypersoniques), saturant le système de défense à trois niveaux protégeant le territoire israélien.
En résumé, comme nous l’enseigne la guerre russo-ukrainienne, il est beaucoup plus compliqué et coûteux de se défendre contre une agression par voie aérienne que par voie terrestre. Pour éviter les mauvaises surprises, la surveillance des frontières et le contrôle des sites sensibles sont donc cruciaux. Si, au cours des vingt premières années du millénaire, nous étions obsédés par la protection de la vie privée, dans les vingt prochaines années, nous serons obsédés par la sécurité. Les drones low cost ont changé les scénarios de guerre.
Considérations politiques
Il y a quatre Etats dans le monde qui pratiquent une politique étrangère dénuée de scrupule : la Turquie, le Rwanda, les Etats-Unis et Israël (laissons de côté le conflit russo-ukrainien pour l’instant). Si les trois premiers ont leurs limites, ou du moins tentent de temps à autre de donner le change, le quatrième n’en a pas.
Israël a un plan précis depuis au moins trente ans (en réalité bien avant, nous le verrons bientôt) et tente, avec l’aide des Etats-Unis, de le mettre en œuvre. C’est celui des fameuses sept [?] guerres, pour prendre le contrôle du Moyen-Orient, révélé par le général américain Wesley Clark en 2001 (ici). Il ne manquait plus que l’Iran qui, sans le soutien made in USA, n’aurait pas été attaqué.
Ainsi, depuis hier, les États-Unis sont également en guerre contre l’Iran. Tant pis pour Tulsi Gabbard (directrice du renseignement), Steve Witkoff (le vrai ministre des affaires étrangères américain) et le journaliste Tucker Carlson, qui se sont évertués à expliquer à Trump qu’il fallait trouver un accord avec l’Iran.
Netanyahou, lui, s’en accommode : c’est un président taillé pour les temps de guerre (comme quelqu’un d’autre plus au nord). En temps de paix, sa carrière politique se terminerait probablement par un amen.
Pour l’instant, Téhéran semble faire comme si de rien n’était et n’attaque que des cibles israéliennes, évitant de frapper les nombreuses bases américaines au Moyen-Orient. Bien sûr, le coup subi est lourd, aussi parce qu’il était dans l’air malgré les négociations imminentes avec les émissaires de Trump.
Empêcher l’Iran de fabriquer la bombe atomique semble donc un prétexte. Il suffirait, entre autres, que Téhéran demande une douzaine des six mille que Moscou possède pour qu’elle soit prête à être livrée demain (…). Bien sûr, la Russie pourrait fournir rapidement quelques systèmes de défense avancés et quelques avions de chasse, mais le Président Poutine raisonne autrement ; il suffit de dire qu’il est le seul chef d’Etat à s’être déjà entretenu au téléphone avec ses deux homologues. L’Iran est certes son allié, mais Israël abrite environ 1,5 million de Russes.
La Chine, la Turquie et l’Arabie saoudite se sont contentées des condamnations formelles habituelles, tandis que le Pakistan, bien que n’étant pas dans les meilleurs termes avec Téhéran, a déclaré que l’Iran avait le droit de se défendre en vertu de l’article 51 des Nations unies.
Sur l’Europe, étendons le voile pieux habituel.
Scénarios possibles
Il ne s’agira certainement pas d’un « touch-and-go » comme en 2024. Les deux candidats ont déclaré qu’il y aurait plus d’attentats.
Une autre certitude est que les dirigeants occidentaux ne comprennent pas que faire pression sur des peuples qui ont des siècles d’histoire va à l’encontre de la réaction souhaitée. Ils font bloc autour de leurs dirigeants. Par conséquent, Tel-Aviv et Washington peuvent carrément oublier un changement de régime comme celui qui s’est produit en Syrie en l’espace de quelques heures. L’Empire romain, qui était l’Empire romain, a tenté pendant sept cents ans de soumettre la Perse et a échoué ; se peut-il qu’aucun dirigeant n’ait étudié un tout petit peu d’histoire ?
De plus, une telle action est peut-être la meilleure incitation à se doter rapidement de l’arme atomique. À l’instar de la Corée du Nord, qui est peut-être un pays « affreux et méchant », mais qui au moins n’a pas de missiles qui pleuvent sur sa tête.
D’un point de vue militaire, tout est donc possible, à moins que les États-Unis et la Russie ne parviennent à un accord à grande échelle. La Chine révisera peut-être sa théorie du « je suis gagnant en ne faisant rien », car à ce stade, elle pourrait ne plus suffire. Si la Russie et l’Iran restent embourbés dans leurs guerres respectives pendant des années, quel sera le prochain objectif? Je lance l’idée : Pékin ?
N’attendons rien des pays arabes et de la Turquie : au fond, ça leur convient [/ils s’en fichent], si l’escalade n’est pas stoppée on verra s’ils ont raison de s’occuper de leurs affaires. J’en doute fort.
Nous avons besoin d’une conférence internationale où l’on discute de la sécurité de tous et pas seulement de quelques-uns.
D’un point de vue économique, les réactions les plus évidentes pourraient être une chute des marchés boursiers et une hausse des matières premières, surtout si l’Iran et le Yémen décident de fermer les deux détroits de la péninsule arabique. Je dis bien « pourraient » car, si les banques centrales interviennent, il n’y a pas de guerre ou de crise qui tienne comme en 2008, 2020 et 2022. Pour l’instant, elles ont encore la force de soutenir les marchés quoi qu’il arrive.
En conclusion, la situation est grave.
L’Iran n’est ni l’Afghanistan, ni la Syrie, ni l’Irak, ni la Libye ; c’est un État qui contrôle ses propres ressources, sans divisions « tribales », avec une population généralement jeune de quatre-vingt-dix millions d’habitants et un appareil militaire développé.
Que Dieu nous vienne en aide!