On se souvient de l’affront que François avait fait aux promoteurs et aux musiciens d’un concert donné au Vatican le 22 juin 2013 (le fameux « concert de la chaise vide« …) à l’occasion de la clôture de l’année de la foi, qu’il n’avait pas jugé bon d’honorer de sa présence au prétexte qu’ « il n’était pas un prince de la Renaissance ».
On connaît aussi la passion de Benoît XVI pour la musique, en particulier la musique sacrée, dont ces pages comportent de multiples témoignages.
Léon XIV, dans ce domaine aussi, se distancie résolument de El Papa, et s’inscrit dans la continuité du grand pape bavarois, qu’il cite très rarement, mais qu’il rappelle de plus en plus, au moins en surface, par son élégance, sa douceur et sa piété sans ostentation.

[Hier] après-midi, au cœur du Palais apostolique du Vatican, le Saint-Père Léon XIV a reçu en audience les participants à l’événement promu par la Fondation Domenico Bartolucci [ndt: grand ami de Benoît XVI qui en 2006 l’avait désigné comme directeur des concerts de la Sixtine: voir benoit-et-moi.fr/2011|La pourpre et le choeur] à l’occasion du 5ème centenaire de la naissance de Giovanni Pierluigi da Palestrina. Une célébration intense, riche d’art, de foi et de mémoire, qui a culminé avec la signature par le Souverain Pontife de la carte postale portant le timbre commémoratif émis par la Poste du Vatican.

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Silere non possum

Le discours du Pape, prononcé au terme de la représentation a vraiment des accents… ratzingeriens, et je regrette d’autant plus qu’il n’ait pas cité Benoît XVI, dont l’immense présence s’imposait tout naturellement ici. J’imagine qu’il a ses raisons:

Discours de Léon XIV

www.vatican.va/content/leo-xiv/it/speeches/2025/june/documents/20250618-fondazione-bartolucci

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Après avoir écouté ces voix angéliques, il serait presque préférable de ne pas parler et de nous laisser sur cette merveilleuse expérience…

(…) C’est avec joie que je participe à cette rencontre au cours de laquelle nous célébrons, en paroles et en musique, la nouvelle émission philatélique promue par la Fondation Bartolucci et réalisée par la Poste du Vatican à l’occasion du cinq centième anniversaire de Palestrina.

Giovanni Pierluigi da Palestrina a été, dans l’histoire de l’Église, l’un des compositeurs qui a le plus contribué à la promotion de la musique sacrée, pour « la gloire de Dieu, la sanctification et l’édification des fidèles » (Saint Pie X, Motu proprio Inter plurimas pastoralis officii sollicitudines, 22 novembre 1903, 1), dans le contexte délicat, mais passionnant, de la Contre-Réforme. Ses compositions solennelles et austères, inspirées du chant grégorien, unissent étroitement musique et liturgie, « donnant à la prière une expression plus douce et favorisant l’unanimité, et enrichissant les rites sacrés d’une plus grande solennité » ( Sacrosanctum Concilium, 112).

La polyphonie elle-même, en effet, est une forme musicale pleine de sens, pour la prière et pour la vie chrétienne. Tout d’abord, en effet, elle s’inspire du texte sacré, qu’elle se propose de « revêtir d’une mélodie appropriée » (Inter sollicitudines, 1) pour mieux atteindre « l’intelligence des fidèles » (ibid.). De plus, elle y parvient en confiant les paroles à plusieurs voix, chacune les répétant à sa manière, originale, avec des mouvements mélodiques et harmoniques variés et complémentaires. Enfin, elle harmonise le tout grâce à l’habileté avec laquelle le compositeur développe et entrelace les mélodies, en respectant les règles du contrepoint, en les faisant se faire écho les unes aux autres, parfois même en créant des dissonances, qui trouvent ensuite leur résolution dans de nouveaux accords.

Cette dynamique d’unité dans la diversité – métaphore de notre cheminement commun de foi sous la conduite de l’Esprit Saint – a pour effet d’aider l’auditeur à entrer toujours plus profondément dans le mystère exprimé par les mots, en y répondant, le cas échéant, par des répons ou des in alternatim.

C’est précisément en raison de cette richesse de forme et de contenu que la tradition polyphonique romaine, outre qu’elle nous a laissé un immense patrimoine d’art et de spiritualité, continue d’être aujourd’hui encore, dans le domaine de la musique, un point de référence vers lequel se tourner, même avec les adaptations nécessaires, dans la composition sacrée et liturgique, afin que, par le chant, « les fidèles participent pleinement, consciemment et activement à la liturgie » (Sacrosanctum Concilium, 14), avec un profond engagement de la voix, de l’esprit et du cœur.

De tout cela, la Missa Papae Marcelli, dans son genre, est un exemple par excellence, tout comme le précieux répertoire de compositions que nous a laissé l’inoubliable Cardinal Domenico Bartolucci, illustre compositeur et pendant presque cinquante ans directeur de la Chapelle Musicale Pontificale « Sixtine ».

Je remercie donc tous ceux qui ont rendu cette rencontre possible : la Fondation Bartolucci, les orateurs, la chorale et vous tous. Je me souviens de vous dans mes prières.

Saint Augustin, parlant du chant de l’Alléluia de Pâques, disait :

« Chantons-le donc maintenant, mes frères […]. Comme le chantent les voyageurs, chantez mais marchez […]. Avancez, avancez dans le bien […]. Chantez et marchez ! Ne quittez pas la route, ne faites pas demi-tour, ne vous arrêtez pas » (Sermon 256, 3).

Faisons nôtre cette invitation, en particulier en cette période jubilaire.

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