A propos de la réponse du pape à une question d’Elise Ann Allen sur la messe selon le rite de Saint Pie X, voici la réflexion de AM Valli, lui même fervent défenseur de cette messe.
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Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas spécialiste en la matière et je ne me sens pas directement impliquée. Mais j’en parle ici parce que je sais que le sujet intéresse beaucoup de mes lecteurs.
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Je me sers de la version bilingue, avec la version en anglais (qui est déjà une traduction, puisque l’interview a été menée en espagnol), et la traduction en français, effectuée sans l’IA, par un lecteur du Forum Catholique, qui sait de quoi il parle: il pense que le pape aborde la question « en des termes un peu comme un huron qui arrive en France au XVIIIe siècle », et que ses propos sont donc « ceux d’un novice en la matière, un juge qui n’a entendu que l’accusation développée par le procureur (cardinal Roche, Mgr Viola, cardinal Cupich etc.) mais n’a pas entendu encore la plaidoirie de l’avocat ».

(…)

« There is another issue, which is also another hot-button issue, which I have already received a number of requests and letters [about]: The question about, people always say ‘the Latin Mass.’ Well, you can say Mass in Latin right now. If it’s the Vatican II rite there’s no problem. Obviously, between the Tridentine Mass and the Vatican II Mass, the Mass of Paul VI, I’m not sure where that’s going to go. It’s obviously very complicated.

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Il y a une autre question, qui est aussi un sujet chaud, pour laquelle j’ai déjà reçu un grand nombre de demandes et de lettres ; c’est la question de ce que les gens appellent toujours « la Messe latine ». [TLM Traditional Latin Mass selon la formule anglo-américaine usuelle ; notons que le Pape omet le T]. Eh bien, il est possible de dire la Messe en latin aujourd’hui. Si c’est le rit de Vatican II (sic), il n’y a aucun obstacle. Evidemment, entre la Messe tridentine et la Messe « de Vatican II » (resic), la Messe de Paul VI, je ne sais pas trop ce qui va advenir. C’est clairement très compliqué.

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I do know that part of that issue, unfortunately, has become – again, part of a process of polarization – people have used the liturgy as an excuse for advancing other topics. It’s become a political tool, and that’s very unfortunate. I think sometimes the, say, ‘abuse’ of the liturgy from what we call the Vatican II Mass, was not helpful for people who were looking for a deeper experience of prayer, of contact with the mystery of faith that they seemed to find in the celebration of the Tridentine Mass. Again, we’ve become polarized, instead of being able to say, well, if we celebrate the Vatican II liturgy in a proper way, do you really find that much difference between this experience and that experience?

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Je sais de façon sûre qu’une partie de la question, malheureusement, a évolué – à nouveau c’est un élément du processus de polarisation (division) – par le fait que des gens ont utilisé la liturgie comme un prétexte pour pousser d’autres sujets. C’est devenu un outil politique et ceci est très regrettable. Je pense que parfois les, disons « abus », de la liturgie de ce que nous nommons la messe de Vatican II, n’ont pas aidé les gens qui cherchaient une expérience de prière plus profonde, en quête d’un contact avec le mystère de la foi tels qu’ils paraissent les trouver dans les messes tridentines. Là encore, nous sommes devenus polarisés (divisés), au lieu d’être capable de dire, « bien si nous célébrons la liturgie de Vatican II de la bonne façon, pensez-vous vraiment qu’il y a tant de différence entre l’une et l’autre expérience? »‘

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I have not had the chance to really sit down with a group of people who are advocating for the Tridentine rite. There’s an opportunity coming up soon, and I’m sure there will be occasions for that. But that is an issue that I think also, maybe with synodality, we have to sit down and talk about. It’s become the kind of issue that’s so polarized that people aren’t willing to listen to one another, oftentimes. I’ve heard bishops talk to me, they’ve talked to me about that, where they say, ‘we invited them to this and that and they just won’t even hear it’. They don’t even want to talk about it. That’s a problem in itself. It means we’re into ideology now, we’re no longer into the experience of church communion. That’s one of the issues on the agenda. »

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Je n’ai pas encore eu l’occasion de m’asseoir avec un groupe de personnes qui défendent le rite tridentin. Une occasion se présentera bientôt, et je suis sûr qu’il y aura d’autres occasions. Mais c’est une question dont je pense que nous devons également discuter, peut-être dans le cadre de la synodalité. C’est devenu un sujet tellement polarisé que les gens ne sont souvent pas disposés à s’écouter les uns les autres. J’ai entendu des évêques m’en parler, ils m’ont dit : « Nous les avons invités à telle ou telle chose, mais ils ne veulent même pas en entendre parler ». Ils ne veulent même pas en discuter. C’est un problème en soi. Cela signifie que nous sommes désormais dans l’idéologie, nous ne sommes plus dans l’expérience de la communion ecclésiale. C’est l’une des questions à l’ordre du jour.

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https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=992116

Léon sur la messe traditionnelle. Quelques réflexions

Les propos que Léon XIV a consacrés à la messe antique dans l’interview accordée à la correspondante de « Crux » méritent quelques observations.

Il est positif que le pape se dise conscient du problème (il serait étonnant qu’il ne le soit pas), qu’il reconnaisse avoir reçu des demandes et des lettres et qu’il ne raisonne pas en termes d’interdictions. Cependant, la manière dont il en parle et les perspectives qu’il ouvre ne peuvent rassurer quelqu’un qui est fidèle à la messe traditionnelle et désire la fréquenter.

Il est déconcertant qu’il dise qu’il « ne sait pas où cela mènera » et que tout cela « est évidemment très compliqué ».

Étant donné qu’il est le pape, c’est à lui de dire où cela mènera. Il n’y a rien de compliqué. Le pape doit prendre une décision et s’adresser clairement aux fidèles.

Léon reconnaît que la messe réformée par Vatican II a donné lieu à des « abus » et que tout cela « n’a pas aidé ceux qui recherchaient une expérience de prière plus profonde, un contact avec le mystère de la foi ».

Il reconnaît donc qu’il y a eu des abus et, implicitement, que la messe réformée offre une expérience moins profonde et moins proche du mystère de la foi. Mais il laisse immédiatement entendre que si la messe réformée est célébrée « de manière appropriée », tout va bien et il ne devrait plus y avoir de « polarisation ». Affirmation déconcertante, car il ne s’agit pas ici de se contenter d’une célébration « appropriée » du novus ordo (et puis : que signifie « appropriée »), mais de reconnaître que le vetus ordo n’a pas été abrogé et doit donc être célébré.

Le pape dit qu’il n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer des personnes qui soutiennent le rite tridentin, mais, dit-il, « une occasion de s’asseoir et de discuter se présentera bientôt ». Très bien. Mais quand il dit « peut-être avec la synodalité », cela fait frissonner ceux qui sont fidèles à la messe traditionnelle. La synodalité ne résoudra rien et nous entraînera dans un débat sans fin. C’est lui le pape, c’est à lui de décider et aucune synodalité n’y changera rien.

S’asseoir et discuter « dans un contexte synodal » n’est pas la méthode de la Sainte Église catholique. C’est la méthode assemblée que l’Église a adoptée en la reprenant du monde et qui la réduit à une caricature de la démocratie politique. Une méthode qui, dans le meilleur des cas, donne lieu à une série infinie de malentendus et, dans le pire des cas, trahit ouvertement la foi.

Suggérer, comme le fait Léon dans l’interview, que la situation est très incertaine, c’est introduire des éléments de doute supplémentaires là où, de la part du pape, il s’agit seulement d’indiquer clairement la voie à suivre. Car lui seul peut et doit le faire.

Insinuer que la question est totalement ouverte et qu’elle doit être abordée dans le cadre d’une discussion synodale, c’est aussi ignorer que la messe tridentine – codifiée par saint Pie V après le concile de Trente, mais bien plus ancienne dans son essence – n’a jamais été abrogée. Le pape Benoît XVI l’a affirmé dans « Summorum Pontificum » et personne ne peut le nier. Il a été clairement dit aux fidèles : ce qui était sacré et grand pour les générations passées reste sacré et grand pour nous aussi, et ne peut être soudainement interdit ou considéré comme nuisible. C’est une vérité de fait, et non une question de goût personnel ou d’expérimentation dont il faut discuter. Une question « très compliquée » ? Non. Elle ne devient compliquée que si l’on ne veut pas la résoudre.

L’appel à la synodalité est un raccourci ambigu qui ne fait pas honneur au pape. La liturgie ne peut être soumise au vote de la majorité des évêques et d’un groupe de laïcs. Ce n’est pas une mode qui a besoin d’un consensus culturel. L’Église transmet objectivement ce qu’elle a reçu, et non ce qu’elle élabore à travers un comité de gestion. Le culte dont l’Église est appelée à être la gardienne n’est pas sujet à négociation, révision ou compromis. Si l’on raisonne ainsi, on tombe dans l’historicisme et le relativisme.

Du point de vue de ceux qui, comme nous, aiment la messe traditionnelle, les déclarations du pape ne peuvent certes pas être rassurantes. Le risque est de se retrouver dans un brouillard où tout se perd. Le fait que le pape n’ait pas un seul mot pour les communautés traditionnelles qui continuent à produire des vocations et à attirer des fidèles, même des jeunes, n’est guère rassurant non plus. Cela signifie-t-il que le pasteur ne connaît pas son troupeau ?

D’accord, il s’agit d’une interview, pas d’un traité. Mais c’est suffisant. Lorsque le pape dit ne pas savoir où la question « va aboutir », nous ressentons de l’inquiétude et de la tristesse. Inquiétude, car nous voyons que notre maison spirituelle peut nous être refusée à tout moment. Tristesse, car nous voyons un Pierre qui abdique son rôle et ses devoirs.

L’Église enseigne que la liturgie est un vecteur de doctrine et que la manière dont nous prions façonne ce en quoi nous croyons. Ici, en revanche, tout semble être réduit à une question de goût, à une simple affaire d’esthétique.

Les catholiques qui aiment la tradition ne demandent pas un débat. Ils demandent justice. Justice pour la liturgie qui n’a jamais été abrogée, justice pour les communautés qui ont fleuri grâce à elle, justice pour les saints et les martyrs qui l’ont célébrée pendant des siècles, justice pour les fidèles qui se voient mis à l’écart et considérés comme un danger. Nous avons déjà eu assez de discussions.

Le pape n’a qu’à dire : « Cette messe est votre héritage. Elle vous appartient. Personne ne peut vous l’enlever ». Mais il ne le dit pas.

L’Église a besoin de tout sauf de nouvelles doses d’ambiguïté. Si ce qui était sacré hier reste sacré aujourd’hui et sera sacré demain, il suffit de reconnaître cette vérité. Veut-on le faire ?

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