Alors que Léon XIV vient de publier sous sa signature le dernier texte de François, sous la forme de l’exhortation apostolique Dilexi te (nous y reviendrons), le père Santiago Martin tente d’élargir la réflexion à propos de 3 faits récents intervenus au sommet de l’Eglise et impliquant le pape – qu’il affirme vouloir défendre contre ceux qui le critiquent et/ou essaient d’instrumentaliser ses propos. D’abord, le « prix » décerné (puis décliné par l’intéressé) à un sénateur américain pro-avortement et le commentaire de Léon XIV, semblant mettre sur le même plan l’avortement et la peine de mort. Puis le « pélerinage LGBT » à Saint-Pierre, à l’occasion du Jubilé – qui n’a fait à ce jour l’objet d’aucune condamnation officielle de l’Eglise.
Enfin la nomination (rejetée par 85% des anglicans mais chaleureusement accueillie par l’Eglis!!) d’une femme archevêque de Canterbury et primat de la communauté anglicane. N’est-ce pas ce qui nous attend?

Une unité qui ne repose pas sur la vérité est-elle possible ? Les choses que j’entends et que je lis contre le pape Léon sont terribles et je refuse de les partager, mais, comme je l’aime et que j’aime l’unité de l’Église, je crois qu’il y a des choses qui doivent être évitées pour le bien de tous.

Qui divise vraiment l’Église ?

Père Santiago Martín
11 octobre 2025

www.aldomariavalli.it/2025/10/11/chi-divide-veramente-la-chiesa/

Lors de la fête de saint François d’Assise, le pape Léon XIV a signé sa première exhortation apostolique. Elle s’intitule « Dilexi te » (Je t’ai aimé) et fait suite à « Dilexit nos » (Il nous a aimés), la quatrième encyclique de son prédécesseur, le pape François. En réalité, cette exhortation était déjà pratiquement terminée lorsque François est tombé malade. Léon a ordonné de la réviser et c’est désormais un texte qui, indépendamment de ses origines, est son œuvre, car il le considère comme tel.

Mais d’autres événements se sont également produits au cours de la semaine. Avant d’en parler, je pense qu’il est nécessaire de faire une mise au point. Je n’ai aucune intention de critiquer le pape. Ce n’est pas à moi de le faire. Il est le pape et mérite mon obéissance et mon respect. Mais, pour l’aider à accomplir son ministère pétrinien, qui inclut l’objectif qu’il s’est fixé comme ligne directrice de son pontificat, celui d’unir l’Église, je peux peut-être contribuer en signalant certaines choses qui peuvent nuire à cet objectif et même porter atteinte à son image.

Autour de tout dirigeant se forme rapidement une clique de flatteurs qui lui disent que tout ce qu’il fait est merveilleux et parfait ; peut-être le dirigeant aime-t-il entendre continuellement des compliments et finit-il par croire que la moindre objection à son égard est un manque de respect et une attaque. Lorsque cela se produit, son gouvernement – je le répète, celui de tout dirigeant – est voué à l’échec.

Cette semaine, la question du prix que l’archidiocèse de Chicago, présidé par le cardinal Cupich, voulait décerner au sénateur démocrate Dick Durbin a continué de faire sensation. Face au scandale suscité, c’est le sénateur lui-même qui a décidé de le refuser. En réalité, il semble qu’outre les dix évêques qui se sont publiquement prononcés contre l’attribution de ce prix, beaucoup d’autres aient écrit au président de l’épiscopat américain pour demander qu’une note publique de condamnation soit publiée. La nouvelle serait même parvenue au nonce et, pour éviter d’autres dégâts, Durbin a fait marche arrière, de sa propre initiative ou sur un sage conseil.

L’affaire aurait pu s’arrêter là, sans certaines déclarations du pape, lors d’une brève conférence de presse accordée à son départ de Castelgandolfo, dans laquelle il s’est d’une certaine façon rallié à la thèse selon laquelle il fallait valoriser les quarante années de service du sénateur et, en particulier, ce qu’il avait fait en faveur des émigrants. Il a comparé l’avortement à la peine de mort, sans les mettre sur un pied d’égalité, mais en se demandant si ceux qui étaient en faveur de cette dernière étaient « pro-vie ».

Ces paroles du pape ont surpris et attristé de nombreux catholiques et ont nui à l’objectif du pape d’unir l’Église. Un éminent auteur catholique italien, Stefano Fontana, est allé jusqu’à affirmer qu’avec ce type d’interviews réalisées à la légère, « la papauté se dégrade au niveau d’un bazar d’opinions » et a assuré que de tels gestes « alimentent la confusion ».

C’est Benoît XVI qui a refusé d’assimiler l’avortement à la peine de mort, partant du principe que dans un cas, la victime est totalement innocente, tandis que dans l’autre, elle est coupable, sauf erreur judiciaire.

Je suis totalement opposé à la peine de mort, mais face à l’avortement, qui est la première cause de mortalité humaine dans le monde, je pense, comme le pape Benoît, que les deux choses ne peuvent être assimilées. Et si nous abordons le thème des migrations, qui n’implique pas le meurtre des migrants illégaux, l’assimilation est encore plus injuste. Je suis également opposé à la politique migratoire mise en œuvre par le président Trump, en raison de la manière dont il la met en œuvre, mais tuer un innocent n’est pas la même chose que renvoyer un migrant illégal dans son pays. De plus, pour en revenir au cas du prix décerné à Durbin, tant que l’interdiction de communion aux politiciens qui ont soutenu les lois sur l’avortement sera en vigueur, il semble incongru de leur décerner des prix catholiques.

J’en arrive maintenant à ce qui me préoccupe le plus : discerner qui est le séparateur [càd celui qui crée la division] et qui est le séparatiste [celui qui la réclame]. Qui polarise, qui divise ? L’évêque qui décide de décerner un prix public à un politicien qui a été excommunié dans son diocèse d’origine, sans même consulter ou informer cet évêque, ou l’évêque qui l’apprend par la presse et proteste ? Qui crée la division, qui va à l’encontre de la loi ou qui la défend ? Je fais ce que je veux et, si vous protestez, c’est de votre faute.

La gauche s’est approprié ce que nous appelons « le récit », la narration de ce qui se passe, avec une capacité de manipulation surprenante. De cette manière, nous pouvons en arriver à conclure que le meurtrier ou le violeur est la victime et que ceux qui ont été assassinés ou violés ou le policier qui capture le criminel sont les coupables.

Ce qui s’est passé dans cette malheureuse affaire va au-delà de la remise d’un prix, qui en soi n’a pas grande importance. Ce qui est en fait discuté, c’est de savoir si les défenseurs de la doctrine catholique sont responsables de la division et de la polarisation au sein de l’Église, ou si ce sont ceux qui violent et enseignent à violer cette doctrine, tant du point de vue dogmatique que liturgique ou moral.

Et nous en arrivons ainsi à la deuxième question de la semaine. Quatre évêques ont décidé d’accomplir un acte de réparation pour l’admission officielle de plusieurs organisations LGBTQ qui ont franchi la porte sainte de Saint-Pierre pour obtenir le jubilé – ou du moins, certains d’entre eux, à travers des manifestations publiques revendiquant que les actes homosexuels soient acceptés comme moralement licites par l’Église.

Ce pèlerinage, que ces évêques considèrent comme une profanation du temple où reposent les restes du chef des apôtres, n’aurait-il pas pu être évité ? La rencontre, avec photo souriante à l’appui, du pape avec l’un des promoteurs de cet acte était-elle nécessaire ? Ces deux événements ont-ils favorisé la cause de l’unité de l’Église que le pape souhaite atteindre et l’image même du pape, ou l’ont-ils nui ? Certains sont satisfaits de tout cela et d’autres sont très contrariés. Mais qui sont les uns et qui sont les autres ? Ceux qui rejettent la doctrine de l’Église sont satisfaits et ceux qui la défendent sont déçus. Est-ce là le chemin de l’unité ? Une unité qui ne repose pas sur la vérité est-elle possible ? Les choses que j’entends et que je lis contre le pape Léon sont terribles et je refuse de les partager, mais, comme je l’aime et que j’aime l’unité de l’Église, je crois qu’il y a des choses qui doivent être évitées pour le bien de tous.

Autre question : les anglicans ont nommé pour la première fois de leur histoire une femme archevêque de Canterbury et primat de la communauté anglicane.

La réaction de l’association qui regroupe 85 % des anglicans dans le monde a été immédiate et très dure : rejet total et rupture de la communion. La réaction catholique, en revanche, est allée au-delà de la courtoisie et l’a accueillie chaleureusement.

Peut-il y avoir un doute, pour ceux qui ont encore quelques neurones en état de marche, que c’est ce qui arrivera aux catholiques si le diaconat féminin est approuvé ? Car c’est ce qui est arrivé aux anglicans, qui ont fini par avoir leur « papesse », qui ne s’appelle pas Jeanne comme celle de la légende, mais Sarah.

C’est la technique de la fente ouverte dans la porte qui a été utilisée avec l’avortement. L’important est de l’ouvrir, même un tout petit peu, puis l’ouverture s’élargira. Comme le temps est supérieur à l’espace [concept cher à Bergoglio…, ndt], il semble maintenant que ce qu’il faille faire, c’est consolider les ouvertures, pour élargir progressivement la brèche.

Et si vous protestez, vous êtes une personne qui divise et polarise, car pour ne pas l’être, vous devez vous contenter d’accepter ce qu’ils disent et même l’applaudir, comme on dit en Espagne, « même avec les oreilles ». Soit vous êtes un flatteur, soit vous devenez séparatiste, polariseur et ennemi. Voilà où nous en sommes arrivés.

Prions pour le pape.

Share This