Autour du livre-interview d'Andrea Tornielli



Un très intéressant article de Giuseppe Nardi, traduit par Isabelle, qui, entre autre, nous fait pénétrer dans les arcanes de la communication parallèle du Pape, dont Tornielli est la cheville ouvrière (21/1/2016)

 




L'mage ci-dessous , choisie par Giuseppe Nardi, illustrait aussi un article assez bien vu de Bernadette Sauvaget sur
www.liberation.fr


Un autre relais important de cette com’ parallèle est Luis Badilla, le directeur du site faussement informatif «Il Sismografo», dont Sandro Magister trace le portrait sur www.chiesa.

"Il Sismografo" ne figure pas parmi les moyens de communication officiels du Saint-Siège, mais il est une émanation de celui-ci. Il est dirigé et réalisé par des journalistes de Radio Vatican et il est supervisé par la secrétairerie d’état, au moins jusqu’au moment où cette responsabilité passera au nouveau secrétariat pour la communication présidé par Mgr Dario Viganò, qui était précédemment le directeur du Centre Télévisé du Vatican.
La raison d’être du "Sismografo" est de republier, à jet continu, le texte intégral des articles concernant le pape et le Saint-Siège qui paraissent dans les médias du monde entier, que ceux-ci soient catholiques ou non, à raison de plusieurs dizaines chaque jour, dans différentes langues : italien, anglais, français, espagnol, portugais.
Le tout était publié, il y a quelque temps encore, sans commentaires, même lorsqu’il s’agissait d’articles très critiques à l’égard de l'actuel pontificat ( ???).
Mais, depuis quelques mois, les choses ont changé. Luis Badilla Morales, le principal responsable du site, intervient de plus en plus fréquemment par des interventions qu’il signe et qui sont loin d’être neutres.
Badilla est chilien. Il a été ministre du gouvernement de Salvador Allende et, à la suite du coup d’état de 1973, il a émigré, en tant qu’exilé, en Europe. Cela fait de nombreuses années qu’il travaille à Radio Vatican. Il dirige "Il Sismografo" depuis le début et il est également omniprésent, depuis quelques mois, sur TV 2000, la chaîne de télévision de la conférence des évêques d’Italie.
Les interventions de Badilla sur "Il Sismografo" ont été particulièrement fréquentes pendant le synode du mois d’octobre dernier. Et très engagées.
(…)


Existe-t-il un « mouvement organisé » contre le pape François ?


19 janvier 2016
G. Nardi
www.katholisches.info
Traduction par Isabelle

* * *

(Rome) A Rome, on considère Andrea Tornielli comme le « vaticaniste de la maison et de la cour » du pape François. Il jouit du privilège d'avoir un accès facile au chef de l’Église catholique. Il est, pour des initiatives importantes, l'invité permanent de Sainte-Marthe. Ses informations sont de première main. En outre, il conseille le pape en matière de relations publiques et fait indirectement office de porte-voix. Obéissant tantôt à la stratégie, tantôt à la nécessité, Tornielli annonce, dans ses articles, les démarches à venir du pape ou tente, quand il y a eu des critiques, de donner une interprétation officielle. Ce qui lui impose à l'occasion de faire quelques rectifications.

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En Argentine, la journaliste Elisabeth Piqué, correspondante à Rome du journal La Nacion occupe une place particulière. Cette amie du pape a présenté, en 2013 déjà, la biographie « Francisco. Vida y Revolucion » de son compatriote installé sur le trône pontifical.

L 'un et l'autre, Tornielli et Piqué, se sentent investis de la mission d'éclairer d'un jour favorable, dans les medias, les paroles et les gestes du pape. Ils remplissent ainsi, fût-ce de manière indirecte, un rôle non négligeable précisément sous ce pontificat. Le pape François reste plus que jamais une énigme. Pour le dire plus précisément, les énigmes se multiplient au fil du temps.

Les contradictions rendent difficile une interprétation de sa pensée et de son action. Les articles de Tornielli, dans le quotidien La Stampa ou sur le portail internet du Vatican, sont une garantie : ils reflètent, qu'ils le disent ou non explicitement, l'intention du pape.


L'INTERVIEW DE TORNIELLI DANS LA NACION
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Dans La Nacion , Elisabeth Piqué a donné la parole à Andrea Tornielli, à l'occasion de la parution du livre d'entretiens de ce dernier avec le pape François : « Le nom de Dieu est miséricorde ». Cet ouvrage apprend aussi ce qui se dit à Sainte-Marthe.

L'article porte pour titre une citation de Tornielli : « Aux yeux d'un secteur organisé, le pape ne fait rien comme il faut ». Et Piqué de poursuivre : « Le célèbre vaticaniste italien, auteur d'un livre d'entretiens avec François, se montre surpris des attaques systématiques d'un groupe conservateur contre le pape argentin ».

Au cours de l'interview, Piqué et Tornielli en viennent à parler de la critique à l'égard du pape François.


Piqué : Dans les derniers mois, se sont produites des choses jamais vues auparavant, comme la lettre écrite au pape, durant le récent synode, par 13 cardinaux qui y défiaient son autorité et l'accusaient presque de manipulation.

Tornielli : Lorsque Paul VI publia l'encyclique Humanae vitae, il y eut des publications qui le critiquaient virulemment. Il est vrai qu'il y eut, durant le synode, un moment de tension. Et il me semble qu'il existe un mouvement organisé qui utilise tous les medias, y compris internet, pour semer la discorde et diffuser des critiques à l'égard du pape. Ce qui m'étonne là-dedans, c'est qu'ils trouvent chaque jour quelque chose à critiquer. Pour ce mouvement, le pape agit toujours de travers, quoi qu'il fasse ou qu'il dise. Cela m'étonne fort et cette fixation trahit clairement un préjugé, car on ne considère pas ce qu'il dit ou fait réellement, si cela ne cadre pas avec les clichés.

Piqué : Est-ce que cette critique quotidienne de François, sourtout à travers les blogs qui l'accusent de populisme, d'ambigüité sur les questions de doctrine et de désacralisation de la papauté, peut lui faire du tort ?

Tornielli: Si la critique n'est pas honnête, mais se base sur des préjugés, si elle devient systématique, et même ridicule par son insistance et son inconsistance, elle va finir par se retourner contre ceux qui s'y livrent.



LE PAPE FRANÇOIS EST INFORMÉ DES CRITIQUES
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L'interview confirme que le pape François est tenu informé des critiques émises contre ses déclarations et ses décisions. Cela se manifesta très tôt : lorsque François, le 1er novembre 2013, téléphona à son plus virulent critique, Mario Palmaro, intellectuel de haut vol et philosophe catholique du droit. A cette époque, Mario Palmaro était déjà marqué par une grave maladie à laquelle il devait succomber peu de temps après.

L'existence d'un « mouvement organisé », qui critique « systématiquement » le pape François ne doit être qu'une impression personnelle de Tornielli, qui n'en donne d'ailleurs aucune preuve. On peut douter que les critiques du pape aient à leur disposition « tous les medias ». En réalité, si l'on met ensemble les déclarations de Tornielli et Piqué, il reste seulement les « blogs ». Internet, comme il est libre d'accès, semble être l'unique medium où puisse s'exprimer une critique à l'égard du pape actuel. Et cela en dit plus long sur la presse écrite et la télévision que sur internet.

C'est intéressant dans la mesure où le cérémoniaire argentin du pape, Mgr Guillermo Xavier Karcher, a déclaré, dans plusieurs interviews, et pour la première fois en avril 2014, que le pape lisait un seul journal, La Repubblica, ainsi que le dossier de presse préparé pour lui quotidiennement. Il ajoutait que le pape n'utilisait pas internet et ne pouvait pas non plus se servir d'un ordinateur. L'archevêque de curie, Mgr Claudio Maria Celli, président du Conseil Pontifical pour les moyens de communication sociale, a déclaré, le 23 juin 2015, au Forum Europa à Bilbao, que le pape lui avait confié, le 18 juin à Sainte-Marthe : « Je sais que j'ai beaucoup de blogs contre moi ». Une déclaration qu'il ne peut avoir faite que sur base d'informations données par des tiers


TORNIELLI REJETTE EN BLOC LES CRITIQUES ADRESSÉES AU PAPE FRANÇOIS
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S'il affirme que les critiques du pape ne seraient pas « honnêtes », reposeraient sur des « préjugés » et seraient « sans consistance », Tornielli ne donne là non plus aucun exemple.

Concrètement, ce passage de l'interview sert seulement à discréditer indistinctement toute critique à l'égard de François.

Jusqu'ici, nous n'avons pu constater l'existence d'aucun « mouvement organisé » contre le pape François (*). En ce qui concerne Katholisches.info, nous pouvons assurer que nous ne sommes pas à la recherche d'actions du pape François qui prêteraient le flanc à la critique. Nous n'entretenons pas non plus de contact avec un quelconque groupe qui intriguerait contre le pape François ou tout autre personne ni avec un « mouvement organisé », dont nous n'avons jamais entendu parler et dont nous attribuons par conséquent l'existence à l'imagination d' Andrea Tornielli.

En tant que chef de la rédaction, je ne veux toutefois pas nier qu'il m'arrive parfois de me lever le matin en me demandant avec inquiétude quelle innovation le pape nous réserve encore. Ce serait exagérer que de prétendre qu'il suscite une impression particulière de confiance. Nous pouvons moins encore trouver notre compte dans le droit que s'arrogent les thuriféraires de François de recourir sans cesse à l'Esprit-Saint et de opposer celui-ci, au besoin, à la tradition, à l'Ecriture et au Magistère.

Mais tout cela ne correspond pas à ce que critiquent Tornielli et Piqué.

Au contraire de Tornielli et Piqué, nous sommes, en tout cas, dans l'information que nous donnons, plus indépendants et impartiaux, car nous n'entretenons aucune relation de proximité avec le sujet de cette information ; ce n'est le cas ni de Piqué, amie de longue date de François qui a baptisé ses enfants, ni de Tornielli, qui depuis le 13 mars 2013 est presque chez lui à Sainte-Marthe et doit à ce pontificat une position exceptionnellement privilégiée.

Note de la rédaction

A titre personnel, comme rédactrice de ce blog, n'en déplaise aux complotistes de tous pelages (qui sévissent aussi à gauche, apparemment), je ne fais partie d'aucun mouvement - et d'autant moins de mouvement organisé! Je me sens au contraire bien isolée. Et c'est plutôt moi qui me retrouve la cible des attaques du mouvement (bien organisé, lui!) des défenseurs de François

Quant à prétendre que ce sont ceux qui refusent de se joindre au choeur béat des thuriféraires qui sément la discorde et la confusion, c'est le procédé classique (et grossier) de défense préventive qui consiste à inverser l'accusation, en prêtant à l'adversaire ses propres manoeuvres.