Les médias français ont donné un ample écho à la « convocation » (le mot n’est pas anodin) du président de la CEF par le ministre Darmanin. Evidemment entièrement à charge pour l’Eglise, le tout assorti de « micro-trottoirs » à la sortie de la messe dominicale, où les (rares) fidèles plutôt chenus auxquels s’étaient joints quelques activistes plus verts ont exprimé leur effroi et leur dégoût mais surtout formulé leur souhait de voir l’Eglise, enfin, se démocratiser et s’ouvrir au monde. Depuis l’Italie, Luca Volontè nous offre un commentaire catholique bienvenu. Et, en guise de préambule (et d’explication, au fond), un éditorial de Bd Voltaire, qui brosse un tableau cruel mais réaliste du cadre de la rencontre.

On a les ministres et les archevêques qu’on mérite

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Darmanin joue sur du velours dans cette polémique et a pu jouer à bon compte les petit Bonaparte mettant au pas les cultes…

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Sur du velours, car l’émotion est grande dans le pays après les révélations du rapport Sauvé qui, compte tenu de l’extrême sensibilité du sujet, accède d’emblée au rang de texte sacré dont la moindre contestation vouerait le contestataire aux gémonies.
Sur du velours, car nos princes de l’Église (qui ne sont même plus princes, puisqu’à ce jour aucun prélat français en charge d’un diocèse ou d’un archidiocèse français n’est revêtu de la pourpre cardinalice, c’est dire, d’ailleurs, la considération que le patron de l’ONG porte à sa succursale de France…) n’ont pas, à l’évidence, la stature d’un Mgr Saliège, d’un cardinal Gerlier ou Feltin, plus récemment, d’un cardinal Lustiger qui avait ses entrées à l’Élysée sous Mitterrand. C’est là que l’on perçoit la dégringolade de l’Église de France en 70 ans. 70 ans, c’est d’ailleurs la période couverte par le rapport Sauvé.

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En 1964, à l’occasion du 800e anniversaire de Notre-Dame de Paris, le général de Gaulle recevait en grande pompe trente-sept prélats français et le légat du pape à dîner au palais de l’Élysée. Tous revêtus de leurs soutanes liserées, porteur de leur croix pectorale épinglée comme c’était l’usage alors et chaussés à boucles. Des détails, vous me direz, tout ça. Le Diable est dans les détails alors pourquoi pas le Bon Dieu aussi. 57 ans plus tard, l’archevêque de Reims, en clergyman, est reçu quasiment comme un domestique par le ministre de l’Intérieur pour se faire remonter les cales parce qu’il aurait prononcé des paroles malheureuses. Sic transit gloria mundi Avouons que ça fait mal lorsqu’on a la profonde conscience que l’Église de France n’est pas une simple ONG et que 1500 ans d’Histoire se reflètent dans le baptistaire de Reims. Reims, justement, Mgr de Moulins-Beaufort en est le duc-archevêque…

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On pourra dire que le ministre est un gougnafier, un rustre, un goujat, que l’on ne traite pas le représentant de la plus vieille institution française – excusez du peu – comme un préfet à qui on a des choses à dire. A contrario, on rétorquera que la course effrénée après un siècle qui change tous les cent ans, en allant de misérabilisme en invisibilisme, l’Église de France paye cash aujourd’hui sa banalisation. Pour paraphraser Churchill, elle risque de récolter à la fois la défaite et le déshonneur. Et la faillite, de surcroît, car on a bien compris l’idée : il faudra qu’elle paye.

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Georges Michel, 12 octobre 2021
https://www.bvoltaire.fr/on-a-les-ministres-et-les-archeveques-quon-merite/

Abus en France : l’assaut contre la confession commence

Luca Volontè
https://lanuovabq.it/it/abusi-in-francia-parte-lassalto-alla-confessione
13 octobre 2021

Le sommet entre le ministre français de l’intérieur et le président de la conférence des évêques se termine par une injonction : « Les prêtres catholiques doivent signaler les accusations d’abus entendues en confession ». La vocation sacerdotale est définie comme une profession et donc le secret de la confession comme un secret professionnel. Mais ce n’est pas le cas. Il est évident qu’avec l’excuse d’un rapport encore ambigu en termes de cas et de chiffres, l’assaut contre l’Église a commencé

Les prêtres catholiques en France « doivent signaler les accusations d’abus entendues en confession ». C’est la revendication catégorique du ministre de l’Intérieur de la République française au président de la Conférence des évêques lors d’une rencontre hier après-midi au ministère de l’Intérieur. Pour le ministre du gouvernement Macron, rien ne peut être au-dessus des lois de la République, pas même l’ordre de Jésus de garder le secret de la confession, comme l’avait et l’a répété le président des évêques catholiques.

Selon des interprétations journalistiques, divulguées par le gouvernement, les prêtres catholiques doivent signaler à la police toutes les accusations d’abus sexuels sur des mineurs, même s’ils en prennent connaissance dans le secret de la confession. La France est sous le choc de la publication, la semaine dernière, d’un rapport indépendant sur les abus commis par l’Église à l’encontre de 330 000 enfants au cours des 70 dernières années, qui suscite encore de nombreux doutes. L’Église catholique française a exprimé sa « honte » après la publication du rapport.

Le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, avait d’abord exprimé « sa honte et son horreur » face à ce rapport, mais il a également répété qu’il ne pouvait pas accepter l’une des recommandations de la commission d’enquête indépendante nommée par la Conférence des évêques elle-même, qui demandait aux prêtres d’informer la police de tous les cas d’abus d’enfants dont ils ont connaissance lors du sacrement de la confession.

Absurde ? Donner un mandat à des experts qui, en plus d’enquêter, ont entrepris de dicter des changements impossibles à la doctrine catholique et de demander aux prêtres de violer le mandat de Jésus. Mgr Moulins-Beaufort, responsable de la Conférence des évêques de France, a déclaré à France Info le 6 octobre que « le secret de la confession est une exigence et restera une obligation – en quelque sorte, il est au-dessus des lois de la République. Il crée un espace libre pour parler devant Dieu, il nous est imposé ».

À la suite de cette simple et sincère déclaration, le ministre de l’intérieur a décidé de convoquer hier le président de l’Église catholique pour une longue réunion au cours de laquelle il a précisé que « le secret professionnel – y compris celui du confessionnal catholique – ne s’applique pas aux révélations de cas potentiellement criminels de violence sexuelle contre des enfants, que les prêtres sont tenus de signaler à la police et à la justice ».

Secret professionnel ? La vocation sacerdotale est-elle une profession ? Le commandement évangélique de la Confession serait-il un secret professionnel entre le prêtre et le pénitent ? Non, ce qui manque ici, ce sont les bases de la compréhension de la religion catholique et de l’Évangile. La décision de demander et d’accepter une liste de recommandations de la Commission d’experts, y compris des recommandations doctrinales, est en dehors de toute logique et de tout mandat d’enquête sur les cas d’abus.

Le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CISA), Jean-Marc Sauvé, a réitéré sa recommandation de lever le secret du confessionnal dans une interview accordée à Famille Chrétienne le lundi 11 octobre. Il a déclaré : « L’obligation de protéger la vie des personnes est, de notre point de vue, supérieure à l’obligation du secret de la confession, qui vise notamment à protéger la réputation du pénitent.

Veut-on attaquer l’Église catholique et sa doctrine en invoquant la culpabilité et l’excuse d’une masse – jamais prouvée et jusqu’à présent hypothétique – de prêtres abusifs ? Oui. Immédiatement après sa rencontre avec le président des évêques français, le ministre Darmanin s’est rendu à l’Assemblée nationale pour raconter comment il avait grondé les évêques catholiques et l’Église de France et a été applaudi par les parlementaires présents lorsqu’il a dit : « Je leur ai dit ce que je dis à toutes les religions : il n’y a pas de loi supérieure aux lois de l’Assemblée nationale et du Sénat…. La République française respecte toutes les religions dès lors qu’elles respectent la République et les lois de la République ».

Avant la convocation du ministère de l’Intérieur, l’Eglise catholique et la doctrine du secret de la confession avaient été vivement attaquées par le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti dans une interview du 8 octobre dans laquelle il déclarait que « le clergé catholique a l’impérieuse obligation, lorsqu’il a connaissance pendant la confession d’actes pédophiles en cours, d’alerter les autorités pour faire cesser ces actes. Si un prêtre reçoit dans le cadre d’une confession, soit d’une victime, soit d’un auteur, la connaissance de l’existence d’actes et d’abus pédophiles, il a l’obligation impérative de les signaler et s’il ne le fait pas, il peut être condamné ».

Le communiqué publié par la Conférence épiscopale française hier soir, à l’issue de la rencontre de l’après-midi entre le président de la Conférence des évêques et le ministre de l’Intérieur, laisse pantois :

« Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pu discuter avec M. Gérald Darmanin de la formulation maladroite de sa réponse sur France Info mercredi matin [sur l’inviolabilité du secret de la confession]. L’État a pour mission d’organiser la vie sociale et de régler l’ordre public. Pour nous, chrétiens, la foi fait appel à la conscience de chacun, elle appelle à la poursuite incessante du bien, ce qui ne peut se faire sans respecter les lois du pays. Il est donc nécessaire de s’efforcer de concilier la nature de la Confession avec la nécessité de protéger les enfants. Il existe déjà une coopération étroite avec les autorités françaises. C’est le sens, par exemple, des protocoles qui lient déjà 17 diocèses de France au parquet, pour faciliter et accélérer le traitement des signalements de tout acte dénoncé. Les évêques de France, réunis en assemblée plénière du 3 au 8 novembre 2021, travailleront ensemble, sur la base du rapport de l’ICASE et de ses 45 recommandations, sur les mesures et réformes à poursuivre et à entreprendre, en étroite communion avec l’Église universelle ».

Qu’y a-t-il de « maladroit » à défendre le secret de la confession et le commandement de Jésus ? Ainsi, l’Église de France cédera-t-elle aux menaces et aux exigences de Macron, après que des milliers de prêtres ont péri pour avoir rejeté les exigences de Robespierre ?

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