La semaine dernière, la présidente de la commission européenne s’est exprimée devant le Parlement européen pour dénoncer ce qu’elle a qualifié de « crise de l’état de droit en Pologne », invoquant une prétendue « primauté du droit européen ». Voici la réponse de l’ex-président de la République tchèque, Vaclav Klaus, solidaire de la Pologne, qui lui donne une leçon de démocratie, lui rappelant au passage qu’elle n’est qu’une fonctionnaire, titre qui ne lui confère aucune légitimité populaire.

La Pologne a raison, la démocratie européenne est en danger

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L’affrontement sur la souveraineté nationale entre la Pologne et l’Union européenne soulève une question fondamentale : le processus d’intégration européenne doit-il conduire à la création d’une entité supranationale au-dessus des différents États membres, ou ces derniers doivent-ils conserver leur souveraineté et n’en transférer qu’une partie à Bruxelles ? Vous trouverez ci-dessous la déclaration faite à ce sujet par l’ancien président de la République tchèque, Václav Klaus.

Quand la démocratie en Europe, ou plutôt dans l’Union européenne, est menacée, il est nécessaire que les démocrates européens protestent bruyamment. L’enjeu aujourd’hui n’est pas mince. Dans son discours du 19 octobre devant le Parlement européen, Mme von der Leyen a déclaré que le récent arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise, qui conteste la suprématie des lois européennes, « remet en question les fondements de l’Union européenne ». Selon la présidente von der Leyen, il est « du devoir de la Commission de protéger les droits des citoyens de l’UE », et donc « la Commission agira ». C’est une déclaration sans précédent.

Ces dernières semaines, la Cour constitutionnelle polonaise a explicitement soulevé une question que tous les vrais démocrates se posent depuis des décennies : le processus d’intégration européenne doit-il conduire à la création d’une entité supranationale au-dessus des différents États membres, ou ces derniers doivent-ils conserver leur souveraineté et n’en transférer qu’une partie à Bruxelles ? C’est la principale question qui sous-tend le processus d’intégration européenne depuis les années 1950. Tout le monde le sait ou devrait le savoir. Et personne ne devrait fermer les yeux sur cette situation. Pas même Mme von der Leyen.

Après des mois de débats sérieux, la Cour constitutionnelle polonaise a jugé, entre autres, que certaines parties des traités de l’UE « ne sont pas compatibles avec la Constitution de la République de Pologne » et a ajouté que la Constitution polonaise primait sur les lois européennes. Ce n’est peut-être pas une déclaration populaire à Bruxelles, mais c’est l’opinion d’un organe constitutionnel légitime d’un État membre de l’UE (tout comme l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande, à Karlsruhe, en mai 2020) et personne n’a le droit de lui manquer de respect. Pas même un fonctionnaire de la Commission européenne, en allemand Beamte [fonctionnaire], comme Mme von der Leyen. Elle ne peut certainement pas se risquer à dire que cela « remet en cause les fondements de l’Union européenne ». La décision de la Cour constitutionnelle polonaise a sans aucun doute remis en cause les points de vue et les positions unilatérales défendus depuis des années par les fonctionnaires européens – une partie dominante des activistes européens et même certains politiciens européens – mais rien d’autre.

Mme von der Leyen proclame que la Commission européenne doit protéger les citoyens de l’Union et entend le faire. Nous sommes nous aussi citoyens d’un État membre de l’UE, mais nous ne nous sentons pas menacés par la décision de la Cour constitutionnelle polonaise. Personne n’a à nous en protéger. Au contraire, nous ressentons le besoin de nous « protéger » de l’affaiblissement de la souveraineté des États membres de l’UE. Nous ne sommes pas non plus convaincus que les citoyens polonais ont besoin de la protection du commissaire von der Leyen. Les Polonais ont montré à de nombreuses reprises dans l’histoire qu’ils avaient à coeur la souveraineté de leur pays.

Il est extrêmement malvenu de la part de Mme von der Leyen de faire référence dans son discours au syndicat Solidarnosc polonais d’il y a 40 ans, qui visait à mettre fin à la subordination de la Pologne à l’Union soviétique. La Pologne ne s’est pas libérée de la domination soviétique pour perdre à nouveau sa souveraineté, cette fois dans un contexte apparemment démocratique. La Cour constitutionnelle polonaise en était consciente, et c’est sur ce point que portait son arrêt. Il est de notre devoir, à nous Tchèques, dans notre propre intérêt, de soutenir les Polonais dans cette affaire.

Vaclav Klaus

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