Fidem servare est le premier MP de 2022 (et on peut parier qu’il y en aura d’autres, car François, décidément, a une prédilection pour cette manière de gouverner l’Eglise, cf. Un pontificat de fermeture) et il concerne la CDF, dont il modifie la structure interne (1). Non sans susciter quelques inquiétudes du blog Messa in Latino (relayé ici par AM Valli) qui y voit la possibilité d’ouvrir la voie à « la reformulation permanente de la doctrine suite à l’évolution imparable des théories scientifiques et sociologiques ». Bref, le rêve des modernistes.

Au sujet de « Fidem servare » : quelques observations (inquiètes) à une première lecture

http://blog.messainlatino.it/2022/02/a-proposito-di-fidem-servare-qualche.html

Comme annoncé hier par MiL, qui depuis le 15 décembre dernier avait également anticipé le contenu de la réforme, avec le Motu Proprio « Fidem servare », publié aujourd’hui (texte en italien ICI), le Souverain Pontife a modifié la structure interne de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Compte tenu de l’importance de la question, la lettre apostolique semble être un texte plutôt léger, qui pourrait presque passer inaperçu, ou être considéré comme une simple anticipation de la réforme globale attendue et jamais réalisée de la Curie romaine.

Cependant, lors d’une première et rapide lecture, au moins un passage peut attirer notre attention. Il s’agit de ceci (point 2 du Motu Proprio) :

La Section doctrinale, par l’intermédiaire du Bureau doctrinal, s’occupe des questions relatives à la promotion et à la protection de la doctrine de la foi et des mœurs. Elle encourage également des études visant à accroître la compréhension et la transmission de la foi au service de l’évangélisation, afin que sa lumière soit un critère pour comprendre le sens de l’existence, notamment face aux questions posées par le progrès des sciences et le développement de la société.

La « nouvelle » CDF est donc responsable d’une activité qui est en quelque sorte promotionnelle (« encourager les études »), en particulier dans le sens spécifié par le Motu Proprio : la Lettre Apostolique semble indiquer aux théologiens dans quelles directions orienter la réflexion scientifique, en indiquant également quelles sont les questions qui sont considérées comme dignes d’une étude particulière, au service de l’évangélisation. À cet égard, ce qui est particulièrement frappant, c’est la volonté d’accroître la compréhension et la transmission de la foi afin de comprendre le sens de l’existence (sic) surtout (notez le surtout) face aux questions posées par les progrès de la science et l’évolution de la société.

Face à tout cela, sans négliger l’aspect inopinément existentialiste de l’assertion, un peu comme si la meilleure compréhension de la foi servait surtout à se sentir à l’aise dans la condition existentielle dans laquelle nous nous trouvons, plutôt qu’à atteindre le salut acheté par le Seigneur avec le sacrifice rédempteur de la Croix, je n’ai pu m’empêcher de penser à ce que j’ai lu le 10 février dernier sur le blog de Sandro Magister, qui mentionnait la déclaration suivante du cardinal Jean-Claude Hollerich, Archevêque de Luxembourg :

Les positions de l’Eglise sur le caractère peccamineux des relations homosexuelles sont erronées. Je pense que le fondement sociologique et scientifique de cette doctrine n’est plus correct. Il est temps de procéder à une révision fondamentale de l’enseignement de l’Église, et la façon dont le pape François a parlé de l’homosexualité peut conduire à un changement de doctrine.

La crainte est-elle exagérée que l’appel « aux questions posées par le progrès de la science et le développement de la société« , inclus dans l’acte même de la réforme de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, puisse être le prélude à un alignement sur les prétendues théories scientifiques sur la normalité de l’orientation homosexuelle, et, ainsi, à la disparition tant attendue, au nom d’une doctrine renouvelée et favorable à la science, des enseignements pauliniens très dérangeants sur la sodomie?

Magister rappelle encore que dans une récente conférence de presse, l’évêque du Limbourg et président de la conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing, a rapporté que « après une rencontre à Luxembourg entre lui-même, Hollerich et le cardinal maltais Mario Grech, secrétaire général du synode des évêques, il a été reçu en audience par le pape François, qui aurait encouragé la création d’un groupe de travail sur la manière de réconcilier le synode allemand avec celui de l’Église universelle ».

Est-ce que je porte un jugement téméraire si je fais l’hypothèse que la réforme de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a été conçue pour arrondir les angles doctrinaux qui rendent difficile la phase actuelle du pontificat, et permettre une certaine absorption du synode allemand, même au prix d’une adaptation de la doctrine aux aspirations fièrement hétérodoxes de l’épiscopat teuton ? Et est-il plausible de se demander quelles autres magnifiche sorti e progressive [ [ndt: « l’admirable destin, les progrès de l’Histoire », allusion à un poème de Leopardi « La ginestra/Le genêt »] pourraient être ouvertes à une meilleure compréhension de la foi sur la base du développement scientifique et social, aujourd’hui particulièrement sensible à l’environnementalisme le plus radical ? N’est-ce pas là ce que le modernisme a toujours espéré : la reformulation permanente de la doctrine suite à l’évolution imparable des théories scientifiques et sociologiques ?

Des préoccupations qui sont appelées à s’accentuer, si les rumeurs qui circulent sur le nouveau futur Préfet de la Congrégation et Secrétaire de la Section doctrinale se confirment (1). Pour ma part, je serais très heureux si mes considérations pouvaient s’avérer erronées ; en tout cas, je me permets de suggérer que l’on peut s’attendre à ce qu’il en soit ainsi.

En tout cas, je suggère que nous nous accrochions au Rosaire. Le Motu Proprio est daté du 11 février, fête de Notre-Dame de Lourdes : nous pouvons être sûrs que la Mère de l’Église ne laissera pas aboutir toute tentative de l’associer à une atteinte à l’intégrité de la doctrine.

Enrico Roccagiachini, MiL, 14 février 2022

Ndt

(1) La CDF serait divisée en deux secteurs :

  • un doctrinal qui aurait comme secrétaire le calabrais Mgr Armando Matteo, théologien du moment du Saint Père,
  • et un autre disciplinaire (incluant les crimes liés à l’homosexualité et à la pédophilie) qui aurait pour secrétaire un canoniste d’un important diocèse de Lombardie.

Il semble par ailleurs quasi-certain que Mgr Scicluna sera nommé préfet de la CDF en juillet, ou peut-être un peu plus tôt, pour remplacer l’éphémère cardinal Ladaria.

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