Dans une longue interview accordée à la vaticaniste du Messagero, Gianfranca Soldati (peu suspecte de sympathies tradis) il fait le point sur sa situation après l’excommunication pour accusation de schisme… et vide son sac. Entre autre, il dit craindre pour sa vie. Une accusation lourde, malheureusement pas si farfelue au regard des morts qu’on peut qualifier de suspectes de prélats trop curieux, dont le premier exemple est le cardinal Pell.
Monseigneur Viganò, l’archevêque excommunié par le Pape :
« J’ai peur pour ma vie. Bergoglio voulait se débarrasser de ceux qui en savaient trop ».
Franca Giansoldati
19 août 2024
Il Messagero
La dernière attaque en date a abouti à un schisme et à l’excommunication qui s’en est suivie. Déjà à l’époque du cardinal Bertone (dont Benoît XVI était sous la coupe [???]), Mgr Carlo Maria Viganò dénonçait sans relâche les maux internes de la curie. « Pour moi, la vérité passe avant tout ». Le mois dernier, il s’est retrouvé en procès au Vatican pour avoir déclaré publiquement qu’il ne reconnaissait ni l’autorité de François ni le concile Vatican II, deux délits d’une gravité sans précédent. C’est une étape qui a fait éclater la guerre civile interne, même s’il semble difficile à l’heure actuelle de quantifier la dimension réelle de la dissension.
Mgr Viganò, ex-nonce aux États-Unis et, auparavant, à la tête du gouvernorat et de la Secrétairerie d’État, à la tête de toutes les nonciatures, semble serein et n’a pas l’intention de reculer. Il exprime cependant des craintes pour sa vie. « Je ne veux pas finir comme le cardinal Pell ».
Retrouvé par Il Messaggero, il n’a pas reculé devant les questions et semble avoir repris l’héritage historique de Lefebvre en défendant, dit-il, les « fondamentaux de la foi, donc l’unicité de l’Église comme instrument de salut, de conversion pour restaurer la royauté sociale du Christ ».
Commençons par la fin, après l’excommunication, où résidez-vous exactement : aux États-Unis, en Suisse ou près de Viterbe où vous êtes en train de construire un centre ?
Après la diffusion de mon mémoire sur l’affaire McCarrick en août 2018, un de mes contacts des États-Unis m’a averti que ma vie était en danger : c’est pourquoi je ne réside pas dans un lieu fixe. Je ne veux pas finir comme le cardinal Pell, ni comme mon prédécesseur à Washington, le nonce Pietro Sambi. Lui aussi a affronté avec acharnement le cardinal McCarrick de l’époque. Sambi est décédé dans des circonstances qui n’ont jamais été élucidées, après une opération banale. Le certificat de décès délivré à la nonciature n’explique pas la cause de la mort de Sambi, qui n’a jamais fait l’objet d’une autopsie».
Vous accusez le pape d’avoir agi tardivement, en ignorant dans un premier temps les abus de McCarrick (condamné plus tard pour pédophilie et expulsé du collège des cardinaux, ndlr). Quelles sont les preuves concrètes ?
Lorsque j’étais à la Secrétairerie d’État en tant que délégué aux représentations pontificales, je me suis occupé moi-même du cas McCarrick et j’ai déjà demandé qu’il soit démis de ses fonctions cardinalices. Mes supérieurs directs sont responsables de ne pas avoir tenu compte de mon jugement basé sur des témoignages incontestables. Il est évident que quelqu’un au sein de la Secrétairerie d’État a bénéficié des actions de McCarrick : je pense aux sommes énormes collectées par le biais de la Papal Fundation que McCarrick avait mise en place aux États-Unis. C’est à Mgr Sandri, alors substitut, que j’ai remis ma note sur McCarrick, mais l’ambition et les perspectives d’avancement de sa carrière l’ont incité à se taire et à étouffer les scandales.
McCarrick était-il si influent ?
Bergoglio doit son élection à McCarrick, et le rôle de l’ancien cardinal de Washington est notoire pour l’accord secret Sino-Vatican, fortement souhaité par les Jésuites et l’establishment démocrate. La sanction contre lui décidée seulement en 2019 a servi à sauver la réputation du pontificat. Malheureusement, il n’y a pas eu de procédure canonique et les témoins n’ont pas eu la possibilité de nommer leurs complices, et le juge n’a pu imposer aucune indemnisation aux victimes, Bergoglio s’étant arrogé le droit d’invoquer l’autorité de la chose jugée, sans divulguer le décret officiel, qui est également un acte public. La mesure administrative décidée visait à dissimuler le réseau de complicité malgré le fait que les crimes étaient connus depuis des décennies.
Pourquoi êtes-vous entré en conflit avec le cardinal Bertone, alors secrétaire d’État, en 2011 ?
Il a tout fait pour m’écarter de la Secrétairerie d’État : dans mon rôle très délicat auprès des nonciatures, je l’empêchais de promouvoir ses candidats, souvent corrompus. Il a donc réussi à me transférer au gouvernorat en 2009, où j’avais découvert le rôle et la complicité dans la couverture des malversations. Benoît XVI m’a convaincu d’accepter la nomination américaine.
La rumeur dit que vous êtes furieux contre François parce qu’il vous a retiré votre appartement à la curie alors que Bertone vit toujours dans son « célèbre » logement qui s’est également retrouvé au centre d’une enquête. Où en ont les choses?
L’appartement qui m’avait été attribué a été mis à ma disposition par Jean-Paul II à mon retour du Nigeria. Il m’a écrit : « pour que vous puissiez résider de façon permanente au Vatican ». En 2016, Bergoglio m’a cependant ordonné de le quitter, me refusant même la possibilité de résider dans la Maison Saint-Benoît prévue pour les nonces à la retraite. Il a justifié sa décision en disant que cet appartement était nécessaire, mais pour autant que je sache, il est resté vacant. Il s’agissait clairement d’une action vindicative, Bergoglio voulait se débarrasser de quelqu’un qui en savait trop et qui n’était pas « manœuvrable ».
Mais votre position n’est-elle pas exagérée?
Si j’avais gardé le silence, j’aurais gravement manqué à mon devoir d’évêque, comme le font malheureusement beaucoup de mes frères. J’ajouterai une chose. Avec l’excommunication, qui est clairement invalide, ils ont voulu en quelque sorte me condamner à mort, mais on ne peut pas tuer la vérité.
Le schisme a été déclaré parce que, dans certaines de vos déclarations, vous avez nié l’autorité du Pape…
Le schisme est un péché contre l’unité de l’Église. Il se produit lorsqu’un baptisé refuse de se soumettre à l’autorité du Pontife romain et de rester dans la communion de foi et de charité de l’Église catholique. Mais que se passe-t-il si, au lieu que le pape défende et gouverne l’Église, il y en a qui la violent systématiquement ? »
Vous avez également rejeté le Concile dans son intégralité…
L’accusation d’avoir rejeté le Concile Vatican II n’a rien à voir avec le schisme, car elle concerne plutôt des questions de Magistère et non de discipline canonique. L’accusation est spécieuse : il y a des cardinaux et des évêques qui nient des vérités de foi solennellement définies, sans que Bergoglio ne bouge le petit doigt, et même avec ses applaudissements.
Pour vous, le Concile Vatican II n’est donc pas la Magna Carta…
L’anomalie est précisément représentée par ce Concile, parce qu’il a été utilisé dans un but subversif, sous les apparences formelles d’un acte solennel de l’Église et avec l’autorité (ainsi que l’autorité) du Pape et des Pères du Concile. Le but de Vatican II était de créer les prémisses doctrinales – pas nécessairement explicites et souvent cachées dans des formulations équivoques – pour révolutionner l’Eglise, la protestantiser et la séculariser, afin qu’elle puisse être entraînée vers l’union syncrétique de toutes les religions. Tel est le projet de la franc-maçonnerie : la religion œcuménique et inclusive de l’humanité. Le Concile Vatican II s’est répandu dans l’Église comme un cancer.
Et même…
Il a engagé le corps ecclésial tout entier – dans tous ses ordres et degrés, dans ses institutions et structures – dans la subversion de sa constitution divine. Le nouveau catéchisme, le nouveau code de droit canonique, la nouvelle messe, les nouveaux sacrements, l’enseignement dans les séminaires et les universités, la prédication dans les paroisses, l’action des associations catholiques, la vie religieuse dans les couvents et les monastères : tout a été modifié et remodelé selon le paradigme du Concile. Les résultats sont là, visibles par tous.
On dit que vous voulez créer une Eglise parallèle, un peu comme l’a fait Mgr Lefebvre. Est-ce vrai ?
Mgr Lefebvre n’a jamais voulu créer une Église parallèle, mais il a toujours témoigné de sa loyauté envers l’unique Église du Christ et la papauté. Mgr Lefebvre a continué à faire ce qu’il faisait en tant qu’évêque jusqu’avant le Concile : c’est l’Église conciliaire qui a changé la doctrine, la morale, la liturgie, la discipline. Il a continué à ordonner des prêtres, à leur donner une formation traditionnelle, à assurer la célébration de la messe apostolique. Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, le plan subversif dénoncé par Lefebvre est encore plus évident et les réponses qui étaient valables à l’époque nécessitent aujourd’hui une nouvelle approche.
Pourquoi insistez-vous tant sur l’action de l’ « élite » mondialiste ?
Nous traversons une période de crise très grave dans l’Église et la société. Les autorités de toutes les institutions sont aujourd’hui l’expression de cette élite et obéissent à des pouvoirs supranationaux. Nous assistons à un fossé profond et presque infranchissable entre les gouvernants – l’État comme l’Église – et les citoyens ou les fidèles. Disons que le pacte social qui sous-tend la reconnaissance de l’autorité de l’État s’est rompu, d’une part, et le lien d’obéissance au Christ de la part des responsables de l’Église, d’autre part. En pratique, les gouvernants de l’État se sont rebellés contre le Christ-Roi et les membres de la hiérarchie catholique se sont rebellés contre le Christ-Pontife : leur autorité est usurpée. Il faut guérir cette blessure en restituant au Christ sa seigneurie universelle.
Ces dernières années, n’y a-t-il pas eu de tentatives de règlement des différends ?
Je n’ai jamais reçu de communications privées d’aucune sorte (ni d’aucune autorité vaticane). Dans un entretien avec Valentina Alazraki pour la chaîne mexicaine Televisa, Bergoglio a publiquement nié la conversation qu’il a eue avec moi le 23 juin 2013. Il est même allé jusqu’à affirmer de manière obsessionnelle qu’il ne savait rien au sujet de McCarrick ».
Vous avez eu un procès civil avec votre frère, prêtre et jésuite, au sujet de l’héritage familial et avez été condamné à le dédommager….
Ils ont essayé de me faire passer pour un malhonnête et un voleur, en se référant à des événements familiaux douloureux et personnels impliquant mon frère prêtre (qui a souffert d’un accident vasculaire cérébral et a été manipulé par des avocats sans scrupules), contre lequel je n’ai pas voulu me déchaîner en contestant une sentence injuste, préférant suivre le commandement évangélique (que celui qui veut te poursuivre en justice enlève ta tunique, laisse aussi ton manteau). Les accusations portées contre moi ont été amplement réfutées par tous mes frères et par l’évidence des faits.
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