Cette fois, c’est à propos de l’absolution, et c’est une nouvelle perle qu’il a assenée récemment à ses confrères du Timor oriental (non sans confondre, une fois de plus, les chiffres et les faits et en se perdant dans une de ses digressions où il déroule des anecdotes inventées). L’argumentaire de Luisella Scrosatti est « technique » (diront les non-catholiques) mais limpide et témoigne que l’hôte de Sainte Marthe enchaîne les contre-vérités et les dénis de la doctrine à la limite de l’hérésie (*).

(*) Cela, le bon peuple, dûment désinformé par les médias, l’ignore. J’ai vu hier aux informations régionales lorraines un reportage assez long et très complaisant sur le voyage du pape au Luxembourg (où il est venu sans doute adouber le cardinal Hollerich comme son successeur désigné). Les braves gens interrogés (pas vraiment) au hasard n’en finissaient pas de s’extasier sur sa simplicité, son rayonnement, sa bonté, pleurant presque d’émotion d’avoir pu seulement respirer le même air qu’un tel saint homme.

Fausse miséricorde

Le pape et le « devoir d’absoudre »

Luisella Scrosatti
La NBQ
27 septembre 2024

L’absolution ne doit être refusée à personne, selon François, même si la confession est « incomplète ». S’adressant aux jésuites en Indonésie, il ajoute son propre témoignage personnel (confus), rompant avec la saine doctrine et le bon sens.

La énième déclaration grave du pape François à l’occasion de son récent voyage en Indonésie était passée inaperçue. Mais il aura fallu le fidèle Antonio Spadaro pour l’exhumer et la faire connaître au monde entier sur le site de La Civilità Cattolica, reportant plusieurs conversations de François au cours du voyage apostolique, dont celle avec 42 jésuites du Timor oriental, le 10 septembre dernier.

Le pape a répété une fois de plus qu’il n’avait jamais refusé l’absolution, mais a ajouté un détail qui le place directement sous l’anathème du concile de Trente.

Déjà en novembre 2022, s’adressant aux recteurs et formateurs des séminaires latino-américains, François était allé très loin, qualifiant de « délinquants » les prêtres qui refusent l’absolution.

Puis, le 14 janvier, invité à l’émission Che tempo che fa [cf. Le Pape pop dans un talk show], il avait fait étalage de sa miséricorde, affirmant que « en 54 ans de sacerdoce, je n’ai refusé qu’une seule fois l’absolution à cause de l’hypocrisie de la personne ».

Aujourd’hui, avec ses frères [jésuites] du Timor oriental, le pape confesse « qu’en 53 ans de sacerdoce, je n’ai jamais refusé l’absolution ». Ce n’est pas seulement le nombre d’années de sacerdoce qui ne colle pas (à partir du 13 décembre prochain, ce sera en fait de 55), mais aussi le contenu de ses récits : cette absolution a-t-elle été refusée au moins une fois à l’hypocrite ou ne l’a-t-il jamais refusée ? Quelle sera la prochaine version ? Le sentiment que Bergoglio invente au fur et à mesure est assez difficile à réfuter.

Mais cette fois, le Pape a jugé bon d’ajouter à son palmarès déjà problématique une nouvelle « note de démérite ». En effet, il a déclaré qu’il avait toujours pardonné, même lorsque la confession « était incomplète« . Il a poursuivi:

J’ai entendu un cardinal dire que lorsqu’il est dans le confessionnal et que les gens commencent à lui raconter les péchés les plus graves en bégayant de honte, il dit toujours : « Continuez, continuez, j’ai déjà compris », même s’il n’a rien compris. Dieu comprend tout. Je vous en prie, ne transformons pas le confessionnal en cabinet de consultation psychiatrique, ne le transformons pas en tribunal. S’il y a une question à poser, et j’espère qu’elles sont peu nombreuses, elle est posée et ensuite l’absolution est donnée.

Comme on peut le voir, le Pape a explicitement fait référence à une confession incomplète. L’adjectif indique une expression théologique précise, se référant à une confession dans laquelle le pénitent avoue volontairement un ou plusieurs péchés mortels qu’il a commis et qu’il n’a pas confessés auparavant. Dans de telles situations, la confession manque de l’exigence essentielle d’exhaustivité, c’est-à-dire l’aveu de tous les péchés graves (l’aveu des péchés véniels est recommandé, mais pas obligatoire) dont on est conscient, après un examen de conscience attentif, à la lumière des Saints Commandements.

Or, l’exhaustivité de l’accusation est une condition nécessaire pour obtenir la rémission des péchés, c’est-à-dire une condition de validité du sacrement, au même titre que le repentir et l’intention de s’amender.

Il existe des situations dans lesquelles le prêtre ne peut évidemment pas savoir que le pénitent garde le silence sur des péchés graves, parce qu’il n’en a pas la preuve objective. D’autres où il le soupçonne et a alors le devoir de poser des questions pour aider le pénitent à confesser tous les péchés graves commis ; c’est le cas classique de la personne qui ne s’est pas confessée depuis 30 ans et qui dit seulement qu’elle a mangé un bonbon pendant le Carême…

Il y a aussi d’autres situations dans lesquelles le prêtre est certain que la confession n’est pas complète, comme dans le cas d’un pécheur public qui nie sa culpabilité. Les paroles du Pape renvoient de manière décisive à cette troisième hypothèse, puisque François a fait référence à une confession effectivement incomplète et non au soupçon insoluble qu’elle pourrait l’être.

En substance, le Pape s’est donné en exemple pour exhorter ses confrères à donner des absolutions invalides, tombant assez clairement sous l’anathème lancé par le Concile de Trente dans le Septième des Canons sur le sacrement de la pénitence :

Si quelqu’un dit que dans le sacrement de pénitence, pour obtenir la rémission des péchés, il n’est pas nécessaire, de droit divin, de confesser tous et chacun des péchés mortels dont on se souvient après un examen diligent, même ceux qui sont secrets et commis contre les deux derniers préceptes du Décalogue […], qu’il soit anathème (Denzinger 1707).

Le soulignement « de droit divin » (iure divino) est important, indiquant expressément que l’exhaustivité de la confession est une condition constitutive du sacrement et ne peut être dérogée par aucune autorité ecclésiastique, même le Pape, qui n’est en aucun cas supérieur au droit divin.

Dans sa partie « exposition », le même Concile a expliqué la raison profonde de l’importance et de la nécessité de ne taire aucun des péchés graves dont on est conscient :

Si les chrétiens s’efforcent de confesser tout ce qui leur vient à l’esprit, ils placent indubitablement tous leurs péchés devant la miséricorde divine pour qu’elle les pardonne. Ceux, en revanche, qui agissent autrement et taisent sciemment quelque péché, c’est comme s’ils ne soumettaient rien à la bonté divine pour qu’il soit pardonné par le prêtre  » (Denzinger 1680).


Le sacrement de pénitence existe pour pardonner les péchés et ainsi se réconcilier avec Dieu.

Or, conserver un péché qui, par sa nature même, nous sépare de Dieu (c’est-à-dire un péché mortel), l’empêcher volontairement de venir à la lumière pour être remis et empêcher notre âme d’être ainsi guérie, c’est se soustraire à la miséricorde de Dieu.

Il serait tout simplement ridicule de penser que le Seigneur remet « partiellement » les péchés, en croyant qu’entre-temps nous pouvons absoudre les péchés qui ont été confessés, mais pas ceux qui ont été cachés ; et plus absurde encore serait de penser que Dieu remet les péchés que nous voulons soustraire à son pardon, en les taisant. Les péchés mortels sont en effet de plusieurs sortes, mais ils ont tous une caractéristique commune : en les commettant, l’âme se détourne de Dieu et se prive de la grâce sanctifiante.

C’est pourquoi le pénitent doit répudier chacun d’entre eux, de peur de conserver cette affection pour le péché, qui le maintiendrait dans l’état de privation de la grâce. Car – et c’est ce que ce pontificat a oublié et fait oublier – entre le péché mortel et la grâce sanctifiante, il y a exclusion mutuelle : soit il y a l’un, soit il y a l’autre. Précisément parce qu’il ne s’agit pas de « choses » qui peuvent se tenir côte à côte, mais de dispositions de l’âme qui se tourne vers Dieu avec un vrai repentir de toutes ses fautes ou qui se détourne de lui en gardant l’affection de la culpabilité.

Le pape François est une fois de plus un mauvais maître : absoudre un pénitent en sachant que sa confession n’est pas complète, c’est tromper gravement les fidèles, en simulant une absolution qui ne peut être qu’invalide, et donc en profanant le sacrement. Laisser les fidèles dissimuler leurs fautes, c’est les laisser dans le bourbier de la culpabilité et empêcher leur guérison. Il s’agit donc d’une fausse et dangereuse miséricorde.

Non moins problématique est l’exemple donné par le Pape, duquel on déduit qu’il ne serait pas nécessaire que le pénitent précise les péchés dont il s’accuse, ni que le prêtre le comprenne. Le Concile de Trente, au contraire, enseigne qu’une partie essentielle de l’intégrité de la confession est de spécifier le type de péché et aussi

« les circonstances qui changent l’espèce du péché, parce que sans cela ni les pénitents n’exposeraient pleinement les péchés, ni les juges ne les connaîtraient suffisamment pour en percevoir l’exacte gravité et infliger aux pénitents une peine proportionnée » (Denzinger 1681) ».

Car, en ce qui concerne la gravité, c’est une chose de voler un crayon à un camarade de classe et une autre de voler à une famille les nécessités de la vie ; en ce qui concerne les espèces, c’est une chose de voler au supermarché et une autre de voler la pyxide avec les hosties consacrées au tabernacle.

Il ne suffit pas, par exemple, de s’accuser d’avoir péché contre la pureté : sans bien sûr entrer dans des détails inutiles et sordides, il faut cependant confesser si le péché contre le sixième commandement a eu lieu seul, ou avec d’autres personnes ; et si ces autres personnes sont mariées ou libres, si ce sont des personnes de son propre sexe ou non, car, comme il est facile de le comprendre, l’espèce du péché change.

Il faut aussi noter comment le Concile tridentin n’a pas peur d’appeler le confesseur un « juge », et, comme si cela ne suffisait pas, de dire qu’il est « impie de dire qu’une telle confession », dans laquelle on confesse tous les péchés graves dont on se souvient et les circonstances qui les précisent, est « impossible ou de l’appeler un supplice des consciences ».

Exactement ce que le pape François fait encore et encore, se mettant ainsi en malheureuse compagnie de Luther, Melanchthon [ou Melantone, ndt] et Calvin, qui sont les cibles explicites du texte tridentin.

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