Giuseppe Nardi revient sur l’annonce du prochain consistoire. Première anomalie, en principe, un consistoire est une convocation de cardinaux dans leur rôle naturel de conseillers du pape, mais pour François (échaudé par une première mauvaise expérience en 2014), ils servent uniquement à acter les nominations. Et surtout, François est tellement inquiet qu’après sa mort , les processus ‘irréversibles’ qu’il a initiés puissent être annulés, qu’il veut se prémunir contre ce risque en érigeant un véritable ‘mur pare-feu’. D’où des nominations selon des critères totalement arbitraires et biaisés, et toutes dans le même sens. Qui est celui rendre l’Eglise méconnaissable. Ou pire.

Un pape sous pression

Les cardinaux-Bergoglio atteindront le quota de 80% en conclave à la fin de l’année

Giuseppe Nardi
7 octobre 2024

Le pape François est un homme sous pression, il se trouve en mode stress. Un fait particulièrement visible lors des nominations de cardinaux. Il a annoncé pour le 8 décembre prochain le dixième consistoire de son pontificat. Il voit la fin de son pontificat approcher et veut le prolonger avec force au-delà de son départ.

Hier, lors de l’Angélus sur la place Saint-Pierre, le pape François a annoncé l’élévation de 21 hommes d’Eglise au rang de cardinaux. 20 d’entre eux seront autorisés à participer au conclave. Le collège électoral n’est pas seulement plein à craquer, il est déjà surchargé.

Dans le règlement électoral en vigueur, Jean-Paul II avait fixé le nombre maximum d’électeurs du pape à 120 cardinaux. C’est un maximum absolu dans l’histoire de l’Eglise. A titre de comparaison, il y a plus de 700 ans, lors du conclave le plus long – il a duré plus de deux ans – au cours duquel a été élu le moine-ermite Pietro da Morrone, qui est monté sur le siège de Pierre sous le nom de Célestin V, seuls douze cardinaux avaient le droit de vote. Ce n’est donc pas la quantité qui compte, ni pour faire un bon choix, ni pour bloquer éventuellement un conclave.

Actuellement, 122 cardinaux sont en droit de voter, soit deux de plus que ce que prévoit le règlement électoral. Le cardinal Baltazar Enrique Porras Cardozo du Venezuela se retirera dans quelques jours, le 10 octobre. Il en va de même pour le cardinal indien Oswald Gracias, qui atteindra l’âge de 80 ans la veille de Noël prochain. Ce n’est qu’à ce moment-là que la limite maximale sera atteinte.

Le règlement électoral ne stipule pas que 120 électeurs doivent participer au conclave, mais qu’ils doivent être au maximum 120.

Mais François ne s’en est déjà pas soucié par le passé. Qu’est-ce donc qu’une loi de l’Église édictée par un pape ? François est le pape et peut donc modifier n’importe quelle loi de l’Eglise. Par aucun des papes conciliaires qui se sont plus ou moins distanciés de l’Eglise préconciliaire, l’absolutisme pontifical revendiqué comme « préconciliaire » n’a été exécuté de manière plus massive et impitoyable que par François. La distinction entre avant et après le Concile ne joue donc aucun rôle. Il s’ensuit que la classification comme « préconciliaire » n’est utilisée dans certains cercles que comme un instrument d’assassinat dont on abuse parfois.

Mais François ne se donne même pas la peine de modifier le règlement électoral du conclave. Il se contente de passer outre les dispositions en vigueur. Cela reflète également sa démarche globale : les dispositions en vigueur ne sont pas touchées formellement, mais sont souvent modifiées en profondeur dans la pratique.

François ne se soucie pas des lois. Il est mû par une autre préoccupation. Il sait que son pontificat touche à sa fin. Ce sentiment a été renforcé par les problèmes de santé qu’il a connus ces dernières années. Plus ce sentiment est intense, plus il le pousse à nommer de nombreux cardinaux afin d’assurer son « héritage ».

Jusqu’à présent, François a déjà nommé 142 cardinaux dans neuf consistoires. Le 8 décembre, ce nombre passera à 163. A titre de comparaison, Jean-Paul II, dont le pontificat a duré 27 ans, soit nettement plus du double de l’actuel, a nommé un total de 231 cardinaux. Seuls six d’entre eux sont encore électeurs. Le plus âgé est le cardinal Christoph Schönborn, qui cessera d’être électeur le 22 janvier 2025  ;.

Parmi les cardinaux nommés par Benoît XVI [ndt: lequel, en 8 ans, a nommé 90 cardinaux… de tous bords!] , 24 porteurs de la pourpre sont actuellement encore électeurs.

Toutefois, il ne faut pas oublier qu’à côté d’éminents hommes d’Eglise qui se trouvent parmi eux, comme le cardinal Burke et le cardinal Sarah, c’est une majorité de cardinaux-Wojtyla et surtout de cardinaux-Ratzinger qui ont élu Jorge Mario Bergoglio sur le trône de Pierre en 2013.

François est tellement inquiet qu’après sa mort ou son incapacité à gouverner, les processus « irréversibles » qu’il a initiés puissent être annulés, qu’il veut ériger un « mur pare-feu » contre une telle éventualité.

C’est pourquoi l’Eglise aura, le 8 décembre, non pas 120 électeurs au maximum, mais pas moins de 142 électeurs du pape. A la fin de l’année, les cardinaux-Bergoglio atteindront un quota de 80% au conclave.

La sélection des candidats se fait de manière ciblée et unilatérale. Les exceptions ne doivent que confirmer la règle. Lors du consistoire le plus récent jusqu’à présent, en septembre 2023, le cardinal Victor Manuel « Tucho » Fernández, faible théologien, le plus proche confident du pape, a par exemple été créé cardinal.

Depuis la nomination de Tucho au poste de préfet de la foi, il est devenu clair que l’avenir de l’Eglise intéresse peu François. Toute son attention se concentre sur sa transformation, qui doit aller jusqu’à la rendre méconnaissable, comme le lui reprochent ses détracteurs depuis des années. Il en a lui-même apporté la preuve la plus récente avec ses déclarations reniant le Christ à Singapour et l’invention d’un nouveau catalogue de péchés le 2 octobre dernier, à l’ouverture de la session actuelle du synode sur la synodalité.

François tente aussi d’ancrer indirectement cet élément de désintégration par ses nominations cardinalices. Rien que son penchant pour les nominations exotiques pourrait peut-être encore réserver quelques surprises.

Le 8 décembre, François convoquera son dixième consistoire au total, pour la création de cardinaux.

C’est un fait remarquable, car depuis ses premières nominations cardinalices en février 2014, François a totalement renoncé aux consistoires. En d’autres termes, il ne convoque plus les consistoires, c’est-à-dire les assemblées des cardinaux, que pour nommer de nouveaux cardinaux. Or, la véritable mission des cardinaux serait d’être les conseillers du pape.

Les consistoires servent à discuter de questions d’actualité, à prendre position et à conseiller le chef de l’Eglise. En février 2014, le seul consistoire de son pontificat où cela s’est produit, François a vu les cardinaux s’opposer vigoureusement à ses projets d’assouplissement de la morale conjugale et du sacrement du mariage, en laissant le cardinal Walter Kasper faire campagne pour l’autorisation du divorce et du second mariage. Cette résistance a conduit François à ne plus faire appel aux cardinaux en tant que collège pour le conseiller.

Enfin, les nouvelles nominations suivent le modèle bergoglien bien connu de partialité et d’exotisme. En témoignent ces deux exemples :

  • Le dominicain anglais Timothy Radcliffe, que François a nommé dès 2015 consultant du Conseil pontifical Justice et Paix, est un défenseur notoire d’un agenda progressiste et homophile.
  • Mgr Carlos Castillo Mattasoglio a été nommé en 2019 pour succéder au cardinal Luis Cipriani Thorne en tant que son « contraire » comme archevêque de Lima. François a une prédilection, que certains qualifient de malicieuse, d’autres de vindicative, non seulement pour mettre à la retraite des princes de l’Eglise qu’il n’aime pas, mais aussi pour leur infliger une gifle retentissante en nommant un successeur totalement opposé.

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