1 Peter 5 poursuit sa réflexion sur l’interview « explosive » où François aurait reconnu la non-divinité de Jésus. La relation répétée avec le vieux journaliste athée ne doit rien au hasard et sert au pape à faire passer sans risque ses idées les plus radicales, laissant au besoin à d’autres le soin de les démentir. Et surtout, il n’y aura aucune suite (comme d’habitude…).

« Ainsi je changerai l’Eglise »
La Une de Repubblica après la première interview, en 2013

La connexion « François-Scalfari » n’est pas accidentelle

Steve Skojec
One Peter Five
12 octobre 2019
Ma traduction

Depuis l’annonce en début de semaine de la nouvelle qu’Eugenio Scalfari, le rédacteur en chef [en réalité ex!!… mais il reste « Il Fondatore« ] nonagénaire, socialiste et athée de La Repubblica avait rapporté des propos du pape François qui lui aurait dit au cours d’une de leurs nombreuses conversations qu’il ne croyait pas que Jésus était Dieu, les commentateurs catholiques se sont engagés dans une lutte rhétorique à mort sur qui croire, si cela est vrai, et ce que tout cela signifie.

Pour ceux qui veulent regarder objectivement la question, il devient clair que la confusion est le résultat d’une stratégie intentionnelle de la part du pape et de son équipe de communication. Dans la mesure où la tromperie est un élément clé de cette stratégie, ils ne l’admettront jamais, mais j’espère pouvoir démontrer ici que c’est la seule explication raisonnable.

EN QUI AVEZ-VOUS CONFIANCE?

J’aimerais commencer par répondre à une question que j’ai entendue à maintes reprises, éventuellement en d’autres termes: Pourquoi devrions-nous croire un socialiste athée de 95 ans qui ne prend même pas de notes plutôt que le pape ?
Et pour être clair, ce n’est pas une caricature, voici une vraie citation :

Il ne l’a pas dit. Et il l’a démenti. Et le type qui a fait l’allégation est un athée de 90 ans qui ne prend pas de notes.

En voici une autre:

Je ne suis pas fan du Pape François, mais je me demande si un athée qui a une dent contre l’Église est le meilleur « témoin » de ce que dit le Pape? C’est trop « commode », si vous voyez ce que je veux dire ?

Une variante, cette fois de l’apologiste de Catholic Answers, Trent Horn :

CORRECTION : le Pape n’a pas donné d’interviews récentes à Scalfari et ce détail provient d’interviews plus anciennes avec le Pape datant de quelques années (mea culpa). Mais je suis consterné que tant de personnes (moi y compris parfois) n’accordent pas le bénéfice du doute au Saint-Père.

Ce sentiment est compréhensible et exige une réponse.

LA STRATÉGIE SCALFARI

C’est en 2013, au tout début de sa papauté, que le pape François a suscité pour la première fois la controverse lors d’une interview avec Eugenio Scalfari. Dans cette interview, il a fait des déclarations qui sont immédiatement devenues tristement célèbres :

  • « Le plus grave des maux qui affligent le monde de nos jours est le chômage des jeunes et la solitude des vieux. »
  • « Chacun a sa propre conception du bien et du mal et doit choisir de suivre le bien et de combattre le mal comme il le conçoit. Ce serait suffisant pour rendre le monde meilleur. »
  • « Vous convertir? Le prosélytisme est une absurdité solennelle. Il faut rencontrer des gens et les écouter. »

Ironiquement, c’est cette interview qui a indirectement donné naissance à l’idée de OnePeterFive. C’est cette interview et la réception de l’article que j’avais écrit à l’époque à ce sujet qui m’ont averti que mes préoccupations au sujet de François étaient partagées par un grand nombre de catholiques. Cette prise de conscience a conduit, dix mois plus tard, au lancement de ce projet. Qu’il suffise de dire que je suis la saga Scalfari depuis le tout début.

Si vous avez également suivi ces développements au cours des 6 dernières années, il est sans doute devenu clair pour vous que le pape utilise Scalfari pour propager ses idées les plus extrêmes sous le vernis d’un déni plausible. Rappelez-vous encore ce que le P. Lombardi, alors porte-parole du Pape, a dit en réponse à la controverse sur cette première interview en 2013 :

Pressé par les journalistes sur la fiabilité des citations directes, Lombardi a déclaré lors d’un briefing du 2 octobre que le texte capturait fidèlement le « sens » de ce que le pape avait dit, et que si François avait senti que sa pensée avait été « gravement déformée », il l’aurait dit.

Il y a là le déni actuel sous une forme embryonnaire: il ne s’agit pas d’une transcription textuelle, mais – et c’est la partie qu’ils n’admettent plus, parce qu’ils ne le peuvent pas – d’une représentation qui « capture exactement le sens de ce que le pape a dit ».

Quant à la correction promise d’une déformation grave, elle n’a jamais été apportée. Pas cette fois, ni aucune des NEUF fois, selon mon décompte, que les interactions entre Scalfari et Francis ont fait la une des journaux. Les voici, avec des liens :

  1. Octobre 2013
  2. Juillet 2014
  3. Octobre 2014
  4. Mars 2015
  5. Octobre 2015
  6. Novembre 2016
  7. Juillet 2017
  8. Mars 2018
  9. Octobre 2019

Si le pape avait une objection à la façon dont Scalfari le représente, ne pensez-vous pas qu’il aurait déjà dit quelque chose ?

Il est impossible de dire combien de conversations ils ont eues ensemble. En 2016, après cinq interactions publiées avec le pape, Scalfari a dit: « Je suis honoré de recevoir de fréquents appels téléphoniques du pape François, nous ne nous sommes pas rencontrés en personne depuis plus d’un an. J’ai donc été très heureux de recevoir son invitation. »
Le Vatican n’a jamais tenté de nier le fait que tous deux se rencontrent ou se parlent au téléphone. En fait, le Vatican a officiellement publié certaines de leurs conversations. Comme je l’ai écrit l’année dernière :

Bien sûr, au moins une des interviews – la première, qui a donné le coup d’envoi – a été publiée sur le site web du Vatican. Avant son retrait fin 2013. Puis elle a brièvement réapparu en 2014. Puis encore disparu.

Cette même interview a également été publiée, avec d’autres interviews de Scalfari, dans un livre en italien (Interviste e Conversazioni con i Giornalisti), publié par la Libreria Editrice Vaticana, le bras officiel du Vatican. Comme l’écrivait en 2015 le journaliste et écrivain italien Antonio Socci,

« les interviews du pape Bergoglio à Scalfari… n’ont jamais été démenties. En fait, elles ont été reproduites intégralement sur L’Osservatore Romano, et elles viennent même d’être complètement réédités par le pape argentin lui-même dans un livre signé par lui de la Libreria Editrice Vaticana. Elles sont donc, de fait, officielles… »

Parmi les autres controverses qui sont nées de leur interaction, Scalfari a rapporté à quatre reprises – une fois en 2018, deux fois en 2017 et une fois en 2015 – que François avait une eschatologie bizarre où il n’y avait pas d’enfer, et où les âmes des non-justes étaient « annihilées ».
Aucune n’a été corrigée.

Il nous a aussi dit, en 2015 – quelques mois avant la publication d’Amoris Laetitia – que François lui avait confié ses réflexions sur le résultat du synode qui allait conduire à cette exhortation :

La diversité des opinions des évêques fait partie de cette modernité de l’Église et des diverses sociétés dans lesquelles elle opère, mais le but est le même, et pour ce qui concerne l’admission des divorcés aux sacrements,[cela] confirme que ce principe a été accepté par le Synode. C’est le résultat final, les évaluations de fait sont confiées aux confesseurs, mais au terme de parcours plus ou moins rapides, tous les divorcés qui le demandent seront admis.

De toute évidence, sur ce sujet, Scalfari n’a rien déformé.

Revenons maintenant à la controverse actuelle. Si vous avez encore des doutes, laissez-moi vous poser une question: Si quelqu’un que vous avez traité comme un ami, qui a été un journaliste respecté pendant 65 ans et qui dirige une importante publication dans votre pays, disait au monde que vous, un catholique, croyez que Jésus n’est pas vraiment Dieu – même si vous n’étiez pas le pape – combien de personnes faudrait-il pour vous retenir et vous empêcher de réfuter personnellement chaque mot et de faire une déclaration de foi? Combien de temps vous faudra-t-il avant de trouver un micro pour déclarer votre fidélité au Christ et condamner la calomnie à laquelle vous avez été soumis?

Et pourtant, pour une raison quelconque, François n’a même pas prononcé d’homélie dans ses messes quotidiennes au cours des deux derniers jours – le moment précis où toute cette polémique a été la plus enflammée:

ALORS POURQUOI DEVRIONS-NOUS CROIRE SCALFARI?

Parce que Scalfari a tout à perdre, en opposant sa réputation au Pontife Romain, et rien à gagner. Le pape, même CE pape, a un statut moral élevé, et un public mondial. Il pourrait détruire Scalfari d’un mot, et ce dernier, dont la mort ne doit pas être très éloignée, irait dans sa tombe sous un nuage de scandale et d’ignominie, sa réputation durement acquise en lambeaux, son héritage – la seule chose qu’un athée comme Scalfari peut vraiment croire pouvoir laisser derrière lui quand il sera parti – perdu à cause de ses mensonges répétés.
Cela en vaut-il la peine?

« Pourquoi nous devrions croire Scalfari » n’est pas la bonne question. La question est de savoir pourquoi nous devrions croire François, qui n’a fait aucun effort – pas même une seule fois – pour se distancier de ces remarques, pour clarifier ses positions, ou pour cesser ses interactions avec Scalfari lui-même.

LE SECOND NON-DÉMENTI DU VATICAN – NE VOUS LAISSEZ PAS AVOIR

Revenant sur les dernières affirmations de Scalfari, le Vatican, comme nous l’avions prédit dans notre analyse de son éditorial, a publié un pseudo-démenti de l’affirmation selon laquelle le pape avait nié la divinité de Jésus. Comme nous l’avons démontré par le passé, cette procédure est devenue la procédure standard quand il s’agit de traiter avec Scalfari.

« Comme nous l’avons déjà dit en d’autres occasions, a dit Matteo Bruni, directeur du bureau de presse du Saint-Siège, le 9 octobre, les paroles que le Dott. Eugenio Scalfari attribue entre guillemets au Saint-Père lors de ses entretiens avec lui ne peuvent être considérées comme un compte rendu fidèle de ce qui a été dit mais comme une interprétation libre et personnelle de ce qui a été dit, comme il ressort clairement de ce qui est écrit aujourd’hui concernant la divinité de Jésus Christ ».

En d’autres termes: « Il n’a pas dit exactement les mots que Scalfari a cités »

Non pas, « Le Pape François nie catégoriquement qu’il ait jamais remis en question la divinité de Jésus auprès de Scalfari, et il veut affirmer à nouveau à ce stade que Jésus Christ est le Fils de Dieu, la Deuxième Personne de la Sainte Trinité, qui s’est incarné pour le salut de nos péchés ».

Après que le premier pseudo-déni n’ait pas calmé l’indignation, la question a été abordée à nouveau hier, cette fois par Paolo Ruffini, Préfet du Secrétariat à la Communication :

« Le Saint-Père n’a jamais dit ce que Scalfari a écrit », a déclaré le responsable des communications du Vatican, Paolo Ruffini, lors d’une conférence de presse du 10 octobre, ajoutant que « les remarques citées et la libre reconstruction et interprétation par le Dott. Scalfari de conversations qui datent de plus de deux ans ne peuvent être considérées comme un témoignage fidèle de ce que le pape a dit ».
« Voilà ce que l’on retrouvera un peu partout dans le magistère de l’Église et chez le Pape François, sur Jésus: vrai Dieu et vrai homme », a ajouté Ruffini.

À première vue, cela semble représenter un progrès. J’ai même marché pendant une minute. On dirait presque un vrai démenti.

Mais ce n’est pas le cas. C’est juste un ré-emballage astucieux du démenti antérieur.
« Le Saint-Père n’a jamais dit ce que Scalfari a écrit » est simplement une façon plus énergique de dissimuler. Cela signifie toujours « Il n’a pas dit exactement ce que Scalfari cite ». Ça ne veut rien dire de plus.

Et ce n’est absolument pas une réfutation de la substance de l’affirmation.

Parler de la « reconstruction et de l’interprétation libre du Dr Scalfari » n’est qu’une description verbeuse du style d’interview de Scalfari, sans notes ni enregistrements. C’est, il faut le noter, un style d’interview que François privilégie clairement lorsqu’il lance ses ballons d’essai, car alors, on peut la remettre en question quand le débat s’enflamme.

Comme ils le font maintenant.

Il n’est pas non plus concluant de citer ce que François a dit dans le passé à propos de Jésus comme réfutation de ce qu’il a pu dire à Scalfari. N’oubliez jamais la règle Peron. L’auto-contradiction fait partie du jeu.

PAS DE RÉPONSE PROCHAINEMENT

C’est presque certainement la dernière fois que nous entendrons le Vatican parler de cette question. François ne s’en occupera pas. L’archevêque Vigano a mis le pape au défi de faire une déclaration personnelle sur la question, mais nous savons tous que la réponse du pape à tout ce que dit Vigano est le silence absolu. Il est possible qu’un ou deux autres évêques ou cardinaux – les suspects habituels comme Burke ou Schneider – fassent écho au défi.
Mais ce sera la fin de l’histoire.

Il est probablement inutile de spéculer si François croit vraiment que Jésus est Dieu. Il n’est pas connu pour sa vénération de l’eucharistie. Il n’agit certes pas comme si les enseignements du Christ étaient divins et immuables. Malgré cela, les revendications de Scalfari ne feront pas formellement de lui un apostat. La suggestion qu’il puisse l’être s’ajoutera à la liste qui s’allonge sans cesse des scandales bergogliens, et cette suggestion, basée sur tout ce qu’il fait d’autre, sera néanmoins considérée comme impensable par beaucoup. Ceux qui la trouvent plausible seront rejetés comme des adeptes de la théorie du complot et des fous.

PLUS DE CONFUSION.

Bien sûr, si l’on en croit un récent article de Church Militant François a dit qu’il voulait la confusion. Une confusion qui « bouleversera l’ordre établi », qui « favorisera un type de conflit, et à partir de ce conflit, une nouvelle réalité s’installera ».

Cela n’a-t-il pas toujours été le but de son appel à hagan Lio? A « mettre le bazar »?

Je crois depuis longtemps que François utilise Scalfari comme moyen principal pour blanchir ses idées les plus extrêmes, leur permettant de s’enraciner dans la conscience catholique tout en le préservant de toute culpabilité prouvée. Scalfari en profite parce que l’Église n’est pas amie de son idéologie. L’entrée Wikipédia pour son journal indique que « La Repubblica était connue pour sa position critique vis-à-vis de l’Eglise catholique, mais cette position a radicalement changé après le début du pontificat du Pape François ».

Il s’agit d’une relation de symbiose naturelle entre deux hommes qui semblent tellement à l’aise avec les idéaux anti-catholiques et une vision d’un monde libéré des mœurs et enseignements traditionnels de l’Église.

Seuls les plus naïfs d’entre nous pensent que la collaboration continue de ces deux-là est un accident.

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